Créée en 1988 par une dizaine d’officiers de marine marchande, dont Jean-Emmanuel Sauvée qui en fut le PDG pendant trente-trois ans, la Compagnie des îles du Ponant est une affaire qui aura su grandir lentement mais sûrement.
Le premier navire de la compagnie, Le Ponant, sort des chantiers de Villeneuve-la-Garenne, dans les Hauts-de-Seine, en 1991. Première originalité : il est propulsé à la voile[1]. Une autre particularité du navire réside dans son mode de financement : les fondateurs de la compagnie font appel à l’épargne des particuliers. Quelques années plus tard, la flotte s’agrandit avec l’acquisition en 1999 d’un paquebot à propulsion classique, Le Levant. En 2004, se produit un premier tournant majeur, symbolisé par la simplification du nom en Compagnie du Ponant. La flotte change également de dimension avec l’entrée d’une unité de taille plus imposante que les navires précédents, baptisée Le Diamant.
Ces évolutions correspondent à l’entrée de la compagnie dans le giron de la CMA-CGM, le numéro un français du conteneur[2], ce qui permet de disposer d’une assise financière plus large pour financer son développement. Ainsi, en 2007, elle est en mesure d’annoncer la construction de nouvelles unités à la pointe de la technologie, dénommées les sister-ships.
En 2012, elle est cédée au fonds britannique Bridgepoint, qui lui permet de continuer son expansion, avec un chiffre d’affaires multiplié par deux en 2015 lorsqu’elle est acquise par la holding de la famille Pinault. En 2016, c’est une nouvelle série de navires qui est lancée, dénommée les « explorateurs ». Outre les nouvelles constructions, le développement passe aussi par une acquisition, celle de Paul Gauguin Cruises, qui est effectuée en 2019, et permet de se renforcer sur le Pacifique.
En 2020, la compagnie passe le cap du Covid malgré les restrictions sanitaires qui imposent un arrêt de l’activité pendant plusieurs mois. À l’été de la même année, elle s’adapte en proposant des croisières au large de la France métropolitaine pour remplir ses navires alors qu’il y a toujours de nombreuses restrictions pour voyager. Du reste, elle a réussi à passer les années Covid sans licenciement de masse ni réduction de flotte, ce qui est assez remarquable au regard des turbulences qu’a connues le secteur de la croisière.
En 2021, Jean-Emmanuel Sauvée, le dirigeant historique du groupe, passe la main à Hervé Gastinel, changement qui ne devrait pas modifier le cap de la compagnie. Cette année est également marquée par l’exploit du Commandant Charcot, un paquebot construit selon les standards brise-glace, qui devient le premier navire français à atteindre le pôle Nord géographique.
La compagnie est aussi associée aux valeurs environnementales défendues par ses fondateurs. Si la majorité de la flotte n’est pas propulsée à la voile comme Le Ponant, les navires sont équipés de moteurs respectant les normes d’émissions les plus sévères et n’utilisent pas de fuel lourd. Il faut aussi noter qu’elle immatricule ses navires sous pavillon français, restant également fidèle à l’objectif de ses fondateurs sur ce point. Ou, pour être plus précis, sous le registre bis de Wallis et Futuna, dont l’existence est assez ancienne[3], et que le législateur a su faire évoluer pour l’adapter aux besoins de la croisière. Ses conditions d’armement sont certes moins réglementées que le premier registre, mais les Français restent nombreux à bord parmi les équipages.
Après plus de trente ans, la compagnie est désormais une référence dans les croisières d’exploration, et plus particulièrement vers les pôles. Elle a réussi à se faire un nom face à ses concurrents, dont certains très expérimentés comme le norvégien Hurtigruten. Elle est ainsi devenue à la fois un fleuron de la marine marchande et du luxe français.
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Entretien avec l’amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la marine
[1] Le Club Med 1, sorti des chantiers du Havre un an plus tôt, dispose également d’une propulsion vélique, mais celle-ci a un caractère symbolique en comparaison de celle du Ponant.
[2] Cf. Conflits no 34.
[3] Il a notamment servi à immatriculer l’Île de lumière, le navire affrété par Bernard Kouchner pour porter assistance aux boat-people