30 juin 2022

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 Information ou propagande de guerre ?

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L’information en temps de guerre est toujours délicate. La reprise des images et des communiqués de presse confine parfois à la propagande officielle. Les journalistes doivent arriver à informer sans se faire intoxiquer.

Ridicules d’amateurisme et hyperboliquement cruels, les Russes sont devenus, dans l’imaginaire d’Europe occidentale, des caricatures grotesques de l’ennemi archétypal.

Toujours désireux de prendre parti pour le faible contre le fort, nos médias ont choisi de relayer la propagande de guerre ukrainienne avec une bonne conscience que seule confère la certitude d’être dans le camp du bien. C’est à croire que le mémorable scandale des charniers de Timisoara n’est plus enseigné comme un cas d’école de manipulation médiatique au cours de la formation des journalistes et que, par conséquent, un renouvellement des références s’impose.

Commençons ainsi par souligner l’empressement de nos médias à parler de « crimes de guerre » lorsque l’armée russe atteint, volontairement ou accidentellement, des cibles civiles ; cette étiquette infâmante peut elle être si facilement assénée quand, dans le même temps, les journalistes se sentent légitimes à réclamer que l’on arme la population ukrainienne ? Une population armée n’est plus une victime collatérale, c’est une milice de guérilla. De même, l’épisode de l’île des Serpents met mal à l’aise tant il souligne la précipitation de nos journalistes à relayer des informations non vérifiées : censément morts en héros, les militaires ukrainiens en poste sur cette île ont, en réalité, été capturés puis relâchés par l’armée russe.

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Ravivant le souvenir des inepties proférées au sujet de la santé de Ceauşescu (qui vidait des jeunes de leur sang pour renouveler le sien, si l’on en croit les médias français de cette époque pas si lointaine), nos journalistes ont lancé des débats très sérieux sur la santé de Vladimir Poutine : attaque-t-il l’Ukraine parce qu’il est fou ? Ou bien, secrètement atteint d’une maladie grave, s’engagerait-il dans une ultime tentative de réaliser son rêve de ressusciter la Grande Russie ? Sous un autre aspect, il faut le noter : pourtant prompts à nazifier tout le monde, nos médias s’ingénient à estomper au maximum les éléments qui pourraient étayer l’idée d’une nostalgie du nazisme en Ukraine, alors même que l’engouement persistant dont bénéficie le nationaliste pro-nazi Stepan Bandera a de quoi laisser songeur… Il ne s’agit pas de valider les justifications poutiniennes mais seulement de remarquer qu’elles ne devraient pas apparaître si aberrantes à la caste médiatique française, qui s’adonne allègrement à l’extrême droitisation de ses ennemis politiques.

Nos médias, en outre, adoptent totalement la chronologie de la guerre établie par la propagande ukrainienne ; cette guerre aurait débuté récemment, avec l’invasion russe, soit le 24 février 2022. Quelques commentateurs, pourtant, osent le dire : ce conflit dure depuis huit ans ! La perspective s’en trouve bouleversée et la lecture des faits apparaît amplement plus complexe que celle qui nous est servie sans mesure. Ajoutons ici la question de la liberté de la presse : que les médias occidentaux interdisent des chaînes russes, c’est la victoire de la démocratie que l’on célèbre ; mais que le Kremlin censure le correspondant de la BBC et c’est la liberté d’informer qui est en danger. Présentée comme abrutie par une propagande d’État, la population russe est ouvertement méprisée par nos journalistes et fort peu d’entre eux s’offusquent de la dérussification des milieux culturels (déprogrammation de concerts et limogeage d’artistes) en cours notamment en France.

Enfin, alors que nos médias reprennent comme une donnée objective la supériorité militaire de l’Ukraine sur une armée russe prétendument en déroute, il est évident que si Zelenski semble en passe d’accéder à certaines demandes du Kremlin concernant les territoires russophones et de renoncer à ses prétentions otaniennes, c’est vraisemblablement parce que les Russes ne sont pas si ridicules.

On pourrait s’interroger sur l’efficacité pédagogique de programmes scolaires qui, depuis des années, préconisent le développement de l’esprit critique à travers l’étude de la propagande de guerre déployée lors des récents grands conflits mondiaux…

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À propos de l’auteur
Ingrid Riocreux

Ingrid Riocreux

Agrégée de lettres modernes et docteur de l'université Paris IV-Sorbonne, Ingrid Riocreux est spécialiste de grammaire, de stylistique et de rhétorique. Elle a publié La langue des médias (L'Artilleur, 2016) et tient un blog consacré à l'étude du discours médiatique.
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