Avant l’intervention en Ukraine, les Russes ont pratiqué l’art du camouflage ou maskirovka. Si la ruse est une chose courante dans les choses militaires, la pensée stratégique russe de la maskirovka a de nombreuses spécificités, qui échappent souvent aux Occidentaux.
David Rigoulet-Roze est chercheur à l’IFAS (Institut Français d’analyse Stratégique), chercheur associé à l’IRIS et rédacteur en chef de la revue Orients Stratégiques.
« Le campaigning [via notamment une forme de ‘transparence’ informationnelle, NDA], renforcera la dissuasion et nous permettra d’obtenir des avantages contre les actions coercitives des concurrents », Department of Defense (DoD) américain, brief de la nouvelle National Defense Strategy, 28 mars 2022.
[Peu de temps avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie], « nous discutions encore des détails de mise en œuvre des accords de Minsk. Donc, oui, il y a eu duplicité, il y a eu un choix délibéré, conscient, du président Poutine de lancer la guerre quand nous pouvions encore négocier la paix », Président français Emmanuel Macron, 24 février 2022.
« La guerre repose sur le mensonge », Sun Tzu, L’art de la guerre, chapitre 1.
Introduction
Dans toute guerre, l’art de la désinformation et des opérations militaires d’influence fait partie de la panoplie stratégique des belligérants. Il existe néanmoins des cultures stratégiques plus ou moins spécifiques. Dans la culture stratégique chinoise, Sun Tzu considère que l’art de la guerre repose sur la ruse (zha), sinon la tromperie, voire le mensonge. Il n’est que de songer au concepteur du stratagème du « cheval de Troie » – devenue une expression consacrée -, le héros homérique Ulysse surnommé à dessein polutropos (« aux mille tours/ruses »). Rien n’a fondamentalement changé depuis l’Antiquité en matière stratégique. Dans la culture anglo-saxonne, cela renvoie à la terminologie de Psy-Ops (« opérations psychologiques ») qui constituent l’un des éléments de la « guerre psychologique » comme ce qui avait pu être mis en œuvre à propos de la supposée détention par Saddam Hussein d’ADM (armes de destruction massive) pour justifier l’invasion de l’Irak en 2003. Dans la culture russe, on parle plutôt de Maskirovka (littéralement l’art du « camouflage » en russe), laquelle semble s’appliquer parfaitement à la crise ukrainienne et à son devenir belligène.
Tentative de spécification de la Maskirovka
En réalité, cet art de la dissimulation ne renvoie pas à un tropisme russe en tant que tel, sinon qu’il trouve sa spécificité dans l’appropriation de la variété des techniques de désinformation conçues comme un tout intégré, depuis le simple « camouflage » opérationnel à l’échelon tactique jusqu’au plus haut niveau de planification stratégique. Comme le souligne le spécialiste Romain Mielcarek à propos de la Maskirovka pour parler des opérations militaires d’influence contemporaines, notamment dans le cadre de la crise ukrainienne : « Pour les Russes, la question de l’influence ne réclame pas plusieurs réponses qui seraient propres à l’armée, à la diplomatie, au pouvoir politique et aux médias. À l’inverse des pays occidentaux qui tendent à distinguer les rôles et les limites, notamment éthiques, des uns et des autres, les Russes ont une approche globale de la question qui rend extrêmement difficile la lecture des organigrammes »[1]. Comme le souligne le stratège Charles L. Smith : « Du fait de sa nature complexe, le concept de Maskirovka est imparfaitement compris en Occident »[2].
Cf. C. L. Smith, « Soviet Maskirovka », in Air Power Journal, Vol. 2, n°1, 1988, pp. 28-39(https://www.airuniversity.af.edu/Portals/10/ASPJ/journals/Volume-02_Issue-1-4/1988_Vol2_No1.pdf).
Cf. C. L. Smith, « Soviet Maskirovka », in Air Power Journal, Vol. 2, n°1, 1988, pp. 28-39 (https://www.airuniversity.af.edu/Portals/10/ASPJ/journals/Volume-02_Issue-1-4/1988_Vol2_No1.pdf).
Jusqu’à la Révolution bolchévique, l’Armée tsariste avait une école de « tromperie » qui fut officiellement dissoute en 1929[3], mais l’Armée rouge lui trouva rapidement un substitut dont les règlements (Polevoy Ustav) de 1929 et de 1933 ont valeur programmatique anticipant le second conflit mondial. La surprise exerce un effet de sidération sur l’ennemi. C’est la raison pour laquelle toutes les opérations menées par les troupes doivent être accomplies avec vélocité et une dissimulation maximale. Pour atteindre le « masquage » attendu, on se doit de tromper l’ennemi avec des mouvements inattendus, le camouflage et profiter de la nature du terrain, de la configuration nocturne ou du brouillard météorologique participant « naturellement » au « brouillard de la guerre », la rapidité d’exécution alimentant l’effet de surprise. Dans l’art soviétique militaire au cours des années 1920, la théorie de la maskirovka opérationnelle avait été développée comme l’un des moyens les plus importants justement pour parvenir à un effet de surprise dans les opérations. Comme le souligne David M. Glantz : « La pratique russo-soviétique de la maskirovka est le parfait exemple de cette approche globale de la déception [traduction stricto sensu du terme anglo-saxon deception, qui renvoie à la manoeuvre, à l’économie des forces et à la surprise, NDA]. Intégrant les niveaux de la guerre du stratégique au tactique, elle est utilisée aussi bien en période de guerre qu’en période de paix. L’échelon politique le plus haut est impliqué, en particulier avant le déclenchement d’un conflit, de façon à créer la surprise »[4]. De fait, « à partir de 1943, les opérations de déception des différents fronts sont synchronisées par la Stavka, état-major du commandement suprême »[5].
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À cet égard, le rôle de Triandafillov[6], épigone de Svetchine[7] apparaît central, puisqu’il insiste sur l’importance de la mobilisation et des préparatifs dans la période allant de la détérioration de la situation diplomatique au premier engagement massif des forces militaires[8]. Il s’agit d’en masquer l’ampleur et la signification à l’ennemi à travers la dissimulation et l’emploi de diversions politico-militaires connues sous le nom de Maskirovka et qui fera ses preuves pour faire face à l’invasion de la Wehrmacht en 1941 lors de l’Opération Barbarossa. Comme l’explique Romain Mielcarek : « La guerre de l’information, pendant militaire de la stratégie d’influence, est principalement dérivée de la spetspropaganda (« propagande spéciale »), enseignée depuis 1942 à l’Institut militaire des langues étrangères. Si cette discipline a été abandonnée en 1990, elle est réintroduite en 2000 comme une matière à part entière, lors de la réforme de l’Institut »[9]. Avec le succès que l’on sait.
La Maskirovka appliquée à la crise ukrainienne (février 2014-février 2022) :
Comme le souligne encore Romain Mielcarek :
« Le conflit ukrainien est un bel exemple de l’application globale d’une stratégie d’influence intégrant tous les acteurs russes. Une stratégie qui est directement et personnellement coordonnée par Vladimir Poutine, si l’on en croit les propos d’Igor Panarin [spécialiste des opérations psychologiques et dans la construction d’outils d’influence au sein des différents organes du pouvoir russe et des siloviki (organes de sécurité), NDA]. On y retrouve toute la palette des outils disponibles. Citons-en deux. Le premier est l’application, purement militaire, du brouillage informationnel sur le terrain. Comme les hommes de Joukov [Gueorgui Joukov, chef d’état-major général de l’Armée rouge en 1941 et vainqueur de la Wehrmacht, NDA][10], ceux qui ont pénétré les premiers en Crimée avaient pour rôle de faire perdre le contrôle de l’information à l’adversaire. Cagoulés, dépourvus d’insignes, les soldats se sont exhibés devant les objectifs des caméras et des appareils photo, rendant particulièrement difficile la détermination du nombre exact d’hommes : un même groupe pouvait ainsi se faire photographier à différents endroits pour donner l’impression de mouvements massifs. Sur le plan de la propagande, les Russes ont également développé toute une palette de médias en ligne, visant les différents publics. Kharkov News Agency[11], par exemple, s’est longuement présenté comme un site d’information ukrainien. Focalisée sur une information intégralement prorusse, la rédaction est en réalité installée en Russie, dans un bâtiment discret de Saint-Pétersbourg. Ce type de plate-forme, dont le nombre a explosé, permet de désinformer les populations pour les amener à adopter un comportement conforme aux objectifs politiques et militaires. Une stratégie qui a particulièrement bien fonctionné sur les habitants russophones de l’Est ukrainien, ‘soignés’ par ces outils depuis de nombreuses années »[12].
Dans cet objectif, tout au long de 2021, les autorités russes « ont relayé un discours trompeur utilisé depuis plusieurs années, selon lequel le gouvernement ukrainien chercherait à perpétrer un génocide contre les citoyens russes [du Donbass]. Moscou aurait ainsi demandé aux médias d’État de relayer sans preuve « des allégations de ‘crimes de guerre’ ukrainiens ». Un site internet, donbasstragedy.info (soit « tragédie au Donbass ») promouvait depuis plusieurs mois ce type de récits. Et « vendredi [11 février 2022], ajoutait le Washington Post, l’agence de presse russe Tass avait affirmé sans preuve que le dirigeant de la République autoproclamée du Donetsk [région séparatiste russe] avait annoncé la découverte de 130 charniers de ‘victimes d’agressions ukrainiennes’ »[13].
Si le conditionnement fonctionne pour une grande partie de la population russophone, cela n’empêche pas une partie d’entre elle de ne pas être victime de la manipulation mise en œuvre. Il demeure que l’annexion de la Crimée par la Russie en février 2014 peut néanmoins être considérée comme un cas d’école de la maskirovka. Ce territoire ukrainien, où se situe l’une des plus grandes bases de la marine russe sur la mer Noire, Sébastopol, avait été assailli, le 27 février 2014, par des militaires cagoulés sans insignes, surgis de nulle part – les fameux « petits hommes verts ». Comme le rappelle Gustav Gressel, spécialiste de la Russie au Conseil européen des relations internationales (ECFR) : « Vladimir Poutine a dans un premier temps nié qu’il s’agissait de Russes. Avant de leur remettre des médailles quelques semaines plus tard et d’admettre qu’il s’agissait bien de troupes russes, en l’occurrence des spetsnaz (forces spéciales), déployées en Crimée juste après leur participation à la protection des Jeux olympiques d’hiver de Sotchi [qui s’étaient déroulés du 7 au 23 février 2014] »[14].
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Ainsi que le relève Rémy Hemez, « il s’agit en fait d’offrir un « mensonge plausible » [trouvant son équivalent décliné dans le concept de plausible deniability anglo-saxon directement inspiré de la maskirovka] afin de créer de l’ambiguïté et d’offrir à Moscou une liberté d’action stratégique. Jusqu’à l’annonce de l’annexion, les responsables politiques russes s’évertueront à nier l’existence de toute action militaire russe[15]. Comme le relève le dernier rapport du Välisluureamet (renseignement extérieur estonien) de 2021 sur le GRU (Glavnoïé Razvédyvatel’noïé Oupravlénié/direction générale des renseignements militaires russes), depuis 2014, ledit GRU « organise des groupes d’agents-combattants » déployés contre l’Ukraine pour commettre des attentats et des assassinats, et pour installer des caches d’armes à activer à la réception d’un signal de la Russie. Et de préciser à l’adresse de ses homologues occidentaux : « L’un des traits distinctifs du renseignement militaire russe par rapport à ses homologues d’autres pays est que, outre le renseignement militaire, il recueille également des informations sur l’économie, la politique, la technologie et l’écologie des pays et régions ciblés »[16]. Selon les services estoniens, le service dispose de cinq centres d’activités aux portes de l’Europe : « La principale tâche des agents de renseignements opérationnels […] est de préparer et de soutenir les opérations militaires russes à l’étranger en utilisant les renseignements opérationnels et tactiques recueillis sur le pays cible »[17].
Ce serait notamment le fait d’une unité secrète du GRU, dite l’unité 29155, spécialisée dans le sabotage et l’assassinat ciblé et à qui avait déjà été imputé le sabotage, le 16 octobre 2014, d’un dépôt de 50 tonnes de munitions à Vrbetice, près de Brno (district de Zlin, République tchèque). Le site d’investigation Bellingcat donnait même le nom du responsable présumé de l’opération, un très haut gardé du SRU, le général Andreï Averyanov. Pour sa part, Kiev avait évoqué un sabotage, le 9 octobre 2018, dans un dépôt de munitions dépendant du ministère ukrainien de la Défense, situé à Tchernihiv, à quelque 180 kilomètres de la capitale ayant provoqué l’évacuation en urgence de quelque 12 000 personnes. Tchernihiv est février 2022 une des cibles militaires prioritaires de l’armée russe pour avancer sur Kiev. Un an auparavant, 138 000 tonnes de munitions avaient déjà été détruites dans l’explosion le 23 mars 2017 d’un dépôt d’armes dans la petite ville de Balakaïa, à l’est de l’Ukraine, ce qui avait alors nécessité l’évacuation de près de 20 000 personnes.
La maskirovka intégrée à la « guerre hybride » et l’espace cyber
L’espace cyber constitue à cet égard un instrument privilégié via le développement de trolls[18]. Comme le souligne Roman Mielcareck : « L’espace virtuel est, comme pour tous les autres flux d’information, un moyen de dégager un avantage stratégique. Les Russes y déclinent les applications qu’ils ont historiquement employées depuis la définition de la maskirovka. Une multitude de leurres sont dispersés sur la Toile ; les médias sont utilisés pour toucher et convaincre massivement les différentes populations cibles (alliées, neutres, ennemies) ; des opérations de pression psychologiques, notamment à l’aide d’attaques par déni de service, sont utilisées contre des adversaires ; de faux sites d’information et de faux témoignages sont montés de toutes pièces pour affaiblir l’ennemi »[19].
Après la disparition de l’Union soviétique fin 1991, le colonel S.A. Komov avait détaillé les outils devenus indispensables dans le nouveau siècle caractérisé par un univers informationnel globalisé, des outils destinés à être intégrés à la sphère numérique en voie de constitution accélérée. Ainsi que le précise encore Roman Mielcareck : « la distraction, qui consiste dans la phase préparatoire d’un conflit à faire croire à tort qu’une menace existe sur une position de l’adversaire ; la suggestion, qui vise à diffuser de l’information ayant un impact sur les réalités idéologiques, morales ou légales de l’ennemi ; ou encore la saturation, qui doit permettre, par l’envoi massif d’informations contradictoires, de brouiller la compréhension de l’autre »[20].
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Depuis le début de la crise avec la Russie réactualisée en octobre 2021, l’intensité des campagnes de désinformation et de cyberattaques visant l’Ukraine dans le cadre d’une « guerre hybride » à grande échelle théorisée par le chef d’État-major russe Valery Guerassimov, avait nettement augmenté[21]. Sur Twitter, l’activité des comptes suspects véhiculant la propagande russe avait augmenté de 3000 % en novembre et décembre 2021 par rapport au reste de l’année, selon une étude de la plate-forme Mythos Labs, spécialisée dans la lutte contre la désinformation[22]. La désinformation ciblait particulièrement les réseaux sociaux VKontakte et Odnoklassniki, les équivalents russes de Facebook et Copains d’avant. Très populaires en Ukraine, ces sites avaient depuis longtemps été accusés d’être contrôlés par le FSB (Service fédéral de sécurité de la Fédération de Russie), puis ils avaient été bloqués en 2017 dans le cadre de la « contre-propagande ». Facebook avait lui aussi été par la suite largement utilisé dans la même perspective, mais avec un succès somme toute relatif.
Échec partiel et a posteriori avéré de la Maskirovska russe avec la « Dé-maskirovska » effectuée par les Américains dans le cadre d’une nouvelle stratégie dite de Campaigning
Mais cette préparation de l’opération russe a montré ses limites avec les informations rendues publiques par les États-Unis, des informations pas immédiatement appréciées à leur juste valeur par nombre de pays, y compris alliés, compte tenu du passif constitué par la dénonciation des armes de destruction massive supposées être détenues par le dictateur irakien Saddam Hussein en 2002-2003. Le conflit actuel constitue à cet égard un cas d’école inédit en termes publicitaires dans la mesure où aujourd’hui, les mouvements de troupes sont aisément repérables par satellite et ne peuvent plus être cachés. C’est ce qui a permis d’ailleurs aux Américains de « crier au loup » en donnant des informations totalement inédites, car « déclassifiées » issues des services de renseignements, notamment satellitaires, sur la pression militaire russe avérée aux frontières de l’Ukraine, en révélant la stratégie de dissimulation délibérée des unités russes dans des forêts, des fermes ou des zones industrielles à moins de 15 kilomètres de la frontière ukrainienne.
Le 13 janvier, une cyber-attaque massive avait curieusement frappé plusieurs sites gouvernementaux. Cette nouvelle appréhension de la problématique stratégique a même été spécifiquement qualifiée récemment par les Américains dans leur nouvelle posture de la Stratégie Nationale de Défense (NDS) de 2022, de Campaigning (« faire campagne » en français)[23]. Une approche qui n’a certes pas empêché la guerre, mais qui a largement perturbé la Maskirovska de Moscou et donc permis d’anticiper. Et ce, alors que la Russie, qui n’a eu de cesse de stigmatiser l’« hystérie » américaine », avait par la suite ostensiblement annoncé un début de « retrait d’unités déployées près de la frontière ukrainienne », le 9 février, soit le même jour que la visite du chancelier allemand, Olaf Scholz, à Moscou. Certes, le fond de la stratégie de « masquage » demeurait en considérant qu’il n’y avait que des manœuvres « défensives » – terrestres en Biélorussie et navales en mer Noire – pour prévenir une supposée « agression ukrainienne » effectuée sous false flag (« faux-drapeau ») ainsi que le relayait le Washington Post en date du 12 février et ce, afin de justifier, selon les termes de Vladimir Poutine en décembre 2021, le déclenchement de « mesures militaires et techniques adéquates de représailles », de fait préparées de longue date dans une formulation renouvelée depuis par le biais d’une lettre de réponse adressée aux États-Unis le 17 février 2022 : « la Russie sera obligée de réagir, notamment en mettant en œuvre des mesures de nature militaro-technique ». Mais au final, l’« effet de surprise » n’a pas pu jouer, sauf pour ceux qui doutaient des informations américaines[24] – sans doute un passif délétère de longue durée, héritage de l’affaire des « fausses armes de destruction massive » de 2003, qui avait durablement affecté le crédit de la parole américaine.
Conclusion
La question qui se pose aujourd’hui est de déterminer si cette nouvelle approche de « transparence » dans la « lutte informationnelle » est susceptible de constituer un game-changer en matière stratégique comme l’envisagent désormais les Anglo-Saxons (Américains et Britanniques, voire Australiens) alors qu’il apparaît comme l’anti-thèse de la « ruse » au cœur du complexe stratégique classique. Sauf à considérer que ce concept constituerait la forme aboutie d’une « ruse » d’un nouveau genre.
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[1] Cf. Romain Mielcarek, « Militaires, diplomates et médias unis dans la stratégie d’influence », in Robots de combat. La fin des illusions ?, Défense et sécurité internationale, n°111, février 2015, pp. 72-76, p. 74.
[2] Cf. C. L. Smith, « Soviet Maskirovka », in Air Power Journal, Vol. 2, n°1, 1988, pp. 28-39 (https://www.airuniversity.af.edu/Portals/10/ASPJ/journals/Volume-02_Issue-1-4/1988_Vol2_No1.pdf).
[3] Cf. Stephen Shmanske, « Tournament Compensation in the Boardroom » in Golfonomics, California State University, 2004, pp. 237-256 (https://www.worldscientific.com/doi/abs/10.1142/9789812562180_0011).
[4] Cf. David M. Glantz, Soviet Military Deception in the Second World War, Frank Cass, London, (1989), p. 3.
[5] Cf. Ibidem, p. 562.
[6] Cf. V.K. Triandafillov, Harakter operatsiy sovremennyh armiy, Moscou, Voenizdat, 1937, p. 203.
[7] Cf. A. Svtechine, Strategija, Moscou, 1927.
[8] Cf. Jacques Sapir, « Le discours stratégique soviétique. Elaboration et pertinence d’un langage stratégique », in Mots. Les langages du politique, n°51, 1997, pp. 22-40, p. 37 (https://www.persee.fr/doc/mots_0243-6450_1997_num_51_1_2404).
[9] Cf. Romain Mielcarek, « Militaires, diplomates et médias unis dans la stratégie d’influence », in Robots de combat. La fin des illusions ?, Défense et sécurité internationale, n°111, février 2015, pp. 72-76, p. 75.
[10] Cf. l’Historien Lazsha Otkhmezuri : « Toutes les opérations intégraient une part de tromperie. Cela a été le cas lors de l’Opération Bagration, à l’été 1944, lorsque l’armée russe a dérouté les Allemands et éparpillé leurs forces à coups d’attaques momentanées ». Cf. Jean Lopez ; Lazsha Otkhmezuri, Joukov : l’homme qui a vaincu Hitler, Paris Perrin, 2013. Toutes les opérations intégraient (« Groupe d’armée Centre) une part de tromperie. Cela a été le cas lors de l’opération Bagration, à l’été 1944, lorsque l’armée russe a dérouté les Allemands et éparpillé leurs forces à coups d’attaques momentanées », L’opération Bagration, pendant la Seconde Guerre mondiale, est une offensive d’été des forces de l’Union soviétique menée du 22 juin au 19 août 1944. Elle vise à libérer entièrement de toute occupation militaire allemande la RSS de Biélorussie (Russie blanche) et à éliminer le Heeresgruppe Mitte (« groupe d’armée Centre »). Dirigé par le Maréchal von Bock, fort de cinquante-sept divisions, dont neuf blindées, le groupe d’armées Centre était le plus puissant des trois groupes d’armées participant à l’Opération Barbarossa.
[11] Cf. Aric Toler, « Fake ‘Ukrainian’ News Websites Run by Russian ‘Troll Army’ O shoots », Globalvoicesonline.org, 19 novembre 2014.
[12] Cf. Romain Mielcarek, « Militaires, diplomates et médias unis dans la stratégie d’influence », in Robots de combat. La fin des illusions ?, Défense et sécurité internationale, n°111, février 2015, pp. 72-76, p. 76.
[13] Cf. Mélanie Chenouard, « La Russie préparerait une attaque ‘sous fausse bannière’ pour justifier l’invasion de l’Ukraine », in Courrier International, 13 février 2022 (https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/guerre-la-russie-prepare-une-attaque-sous-fausse-banniere-pour-justifier-linvasion).
[14] Cf. Clément Daniez, « La ‘Maskirovka’, cette duperie militaire à la russe dont raffole Poutine », in L’Express, 18 février 2022 (https://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/la-maskirovka-cette-duperie-militaire-a-la-russe-dont-raffole-poutine_2168330.html#:~:text=Depuis%20le%20mardi%2015%20f%C3%A9vrier,ukrainienne%2C%20faisant%20craindre%20une%20invasion.&text=Mais%20en%20Russie%2C%20cette%20approche,traduire%20litt%C3%A9ralement%20par%20%22camouflage%22.).
[15] Cf. Morgan Maier, « A Little Masquerade : Russia’s Envolving Employement of Maskirovka », School of Advanced MilitaryStudies, Unted States of Army Command and Genral Staff College, Fort Leavenworth, 2016.
[16] Cf. Nicolas Barotte, « Les méthodes du GRU pour espionner l’Europe », in Le Figaro, 19-20 février 2022, p. 5 (https://www.lefigaro.fr/international/comment-le-renseignement-militaire-russe-espionne-l-europe-20220218).
[17] Cf. « How GRU Sabotage and Assassination Operations in Czechia and Bulgaria Sought to Undermine Ukraine », on Bellingcat.com, 26 avril 2021 (https://www.bellingcat.com/news/uk-and-europe/2021/04/26/how-gru-sabotage-and-assassination-operations-in-czechia-and-bulgaria-sought-to-undermine-ukraine/#:~:text=Bellingcat%20Investigation%20Team-,How%20GRU%20Sabotage%20and%20Assassination%20Operations%20in,Bulgaria%20Sought%20to%20Undermine%20Ukraine&text=Bellingcat%20first%20reported%20on%20the,poisoning%20by%20an%20unknown%20substance).
[18] Cf. Maria Snegovaya, Putin’s Information Warfare in Ukraine : Soviet Origin of Russia’s Hybrid Warfare, Institute of the Study f War, septembre 2015.
[19] Cf. Romain Mielcarek, « Militaires, diplomates et médias unis dans la stratégie d’influence », in Robots de combat. La fin des illusions ?, Défense et sécurité internationale, n°111, février 2015, pp. 72-76, p. 75.
[20] Cf. Romain Mielcarek, « Militaires, diplomates et médias unis dans la stratégie d’influence », in Robots de combat. La fin des illusions ?, Défense et sécurité internationale, n°111, février 2015, pp. 72-76, p. 74.
[21] Apparu il y a une vingtaine d’années dans les études stratégiques, le mot fut utilisé publiquement pour la première fois de manière revendiquée en 2005 à propos de l’imbroglio irakien par le général des Marines James N. Mattis, devenu par la suite secrétaire d’État à la Défense de Donald Trump. Nommé en 2007 à la tête d’un commandement de l’OTAN chargé d’anticiper les défis militaires de l’Alliance, il avait repris la notion qui, dès lors, était appelée à désigner une guerre en dehors des cadres conventionnels, combinant opérations régulières et irrégulières. Le terme devait être utilisé pour la première fois officiellement en France dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013. Cf. Marc Semo, « la guerre hybride, la guerre avant la guerre », in Le Monde, 12 janvier 2022 (https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/01/12/la-guerre-hybride-la-guerre-avant-la-guerre_6109078_3232.html).
[22] Cf. « Investigating Twitter Disinformation in Ukraine », 1er avril 2022 (https://mythoslabs.org/2022/01/04/investigating-twitter-disinformation-in-ukraine/).
[23] Cf. U.S. Department of Defense, Fact Sheet : 2022 National Defense Strategy, 28 mars 2022 (https://media.defense.gov/2022/Mar/28/2002964702/-1/-1/1/NDS-FACT-SHEET.PDF).
[24] Cela explique pour partie le limogeage, anticipé par une démission, du chef de la DRM (Direction du renseignement militaire), le général Eric Vidaud, à qui a sans doute été reproché une sous-estimation de la menace d’invasion russe en dépit des signaux précurseurs présentés par les services Anglo-Saxons. Cf. Élise Vincent, « Les leçons de la guerre en Ukraine pour le renseignement militaire français », in Le Monde, 13 avril 2022 (https://www.lemonde.fr/international/article/2022/04/13/les-lecons-de-la-guerre-en-ukraine-pour-le-renseignement-militaire-francais_6122019_3210.html).