Solastalgie, de l’anglais “solastalgia” est un mot inventé en 2003 par Glenn Albrecht, philosophe australien de l’environnement, lors d’une enquête de terrain à l’occasion de laquelle il fut témoin de la dégradation de la santé mentale d’une population suite à la création d’une mine à ciel ouvert dans la Hunter Valley. Depuis lors, l’anxiété de la population à l’égard du futur est étudiée par de nombreuses enquêtes car cela affecte la puissance des nations.
Solastalgie, de l’anglais “solastalgia” est un mot inventé en 2003 par Glenn Albrecht, philosophe de l’environnement australien, lors d’une enquête de terrain à l’occasion de laquelle il fut témoin de la dégradation de la santé mentale d’une population suite à la création d’une mine à ciel ouvert dans la Hunter Valley. Néologisme non encore répertorié dans les dictionnaires français, il mobilise le latin solacium (soulagement) et le grec algia (douleur) pour signifier l’expérience d’un changement environnemental vécu négativement. Le phénomène est également appelé anxiété écologique ou éco-anxiété. “Je définis la solastalgie comme la douleur ou la détresse causée par une absence continue de consolation et par le sentiment de désolation provoqué par l’état actuel de son environnement proche et de son territoire. Il s’agit de l’expérience existentielle et vécue d’un changement environnemental négatif, ressenti comme une agression contre notre sentiment d’appartenance à un lieu” définit Albrecht dans Les Émotions de la Terre. Des nouveaux mots pour un nouveau monde (Les Liens qui libèrent, 2020). Le Groupe intergouvernemental du changement climatique (GIEC) donne au terme un sens plus large pour décrire les effets négatifs sur la santé mentale de la connaissance du changement climatique au niveau planétaire, sans pour autant en faire l’expérience dans sa propre vie.
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Enquête universitaire
En 2021, l’Université de Bath a interrogé 10 000 jeunes de 16 à 25 ans dans dix pays incluant la France, l’Australie, le Brésil, la Finlande, l’Inde, le Nigéria, les Philippines, le Portugal et le Royaume-Uni, sur leurs émotions face au changement climatique. Publiée en décembre 2021 par The Lancet Planetary Health, l’étude fut menée par Kantar et financée par Avaaz, organisation internationale de cybermilitantisme financée par des petits donateurs. Le questionnaire a été développé par 11 experts internationaux en psychologie, santé mentale infantile et adolescente, et en anxiété climatique. En ressort une confirmation de l’anxiété générale des jeunes. Les résultats globaux montrent qu’une grande majorité de jeunes se sentent affectés psychologiquement dans leur vie quotidienne, ainsi que trahis par les gouvernements de leurs pays qu’ils estiment ne pas assez agir pour éviter la catastrophe.
Que quatre jeunes sur dix hésitent à procréer dans un contexte marqué par un vieillissement rapide de la population sans précédent, au sein d’une Europe engagée dans un hiver démographique devrait retenir notre attention, tant pour les répercussions économiques mais surtout géopolitiques. Pour Gérard-François Dumont, le déclin démographique est l’une des causes de l’affaiblissement géopolitique de l’Europe. En effet, selon les prédictions analysées en 2018 par la fondation Robert Schuman dans Europe 2050 : suicide démographique l’Europe verrait sa population stagner autour de 500 millions et perdre 49 millions de personnes en âge de travailler.
“Avec un indicateur conjoncturel de fécondité proche de 1,5, l’Europe aura demain des générations de jeunes actifs un tiers moins nombreuses que celles actuelles. Une chute du nombre de naissances est, pour un pays, l’équivalent de ce qu’est pour une entreprise une diminution de l’investissement ; cela permet de bénéficier, pendant un certain temps, d’une trésorerie plus confortable, au prix de problèmes graves ultérieurs”.
L’Union européenne semble consciente du défi, la Commission s’étant dotée d’une commissaire de la démocratie et de la démographie, avec rang de Vice-Présidente, chargée d’organiser la conférence sur le futur de l’Europe en la personne de Dubravna Suica. Il est par ailleurs évocateur que la commission soit présidée par Ursula Von der Leyen, première femme à ce poste et mère de 7 enfants, ex-ministre de la famille en Allemagne, ayant mis en place dans ce pays le salaire parental allant jusqu’à 1800 euros.
Problème démographique
Un double défi se fait jour. Si la vitalité économique nécessaire à l’innovation et au financement de la transition écologique implique une politique de lutte contre l’hiver démographique, faut-il également disposer d’une jeunesse formée à intégrer le monde du travail. Maroune Eddé, spécialiste de philosophie politique, nous met en garde contre la pénurie de compétences qui touche d’ores et déjà l’industrie française : “En octobre 2021, on compte 70 000 postes non pourvus dans l’industrie, et de 15 000 à 80 000 dans les métiers du numérique.” La proportion et les effets de cette pénurie ne peuvent qu’augmenter alors que la population en âge de travailler va se réduire face au nombre de retraités. L’immigration, “la loi d’attirance” n’est ici qu’une réponse imparfaite et inégalitaire : au delà de l’amplification de la fuite des cerveaux dans des pays qui en souffrent déjà, les défaillances d’intégrations ayant des effets sur la paix sociale nécessaire à l’accueil de personnes exogènes doivent nous questionner.
La réflexion prospective se proposant d’éclairer l’action présente à la lumière des futurs possibles, selon l’expression de Michel Godet, elle ne peut faire l’économie d’une intégration d’une potentielle intensification du vieillissement dû à l’anxiété écologique. Si le vieillissement de la population est déjà un problème aux répercussions multiples, parmi lesquelles géostratégiques, alors l’hésitation à procréer de 39,1% de la jeunesse frappée par l’anxiété écologique en est un facteur aggravant à prendre en compte d’urgence ; et ce peut-être davantage alors que le chef d’état-major des armées françaises, le général Thierry Burkhard, affirme depuis l’été 2020 que la France doit se préparer au risque de guerre de haute intensité, coûteuses en ressources humaines et financières.
Une conclusion semble claire, les effets de l’anxiété due à la perception du changement climatique au sein de la jeunesse sont d’une ampleur que l’on n’avait jusqu’alors pas imaginé, et ont le pouvoir d’aggraver un vieillissement délétère déjà à l’œuvre.