La crise sanitaire du covid a démontré la nécessité pour un pays de disposer d’entreprises pharmaceutiques puissantes, capables de fabriquer médicaments et vaccins. Or le système français de fixation des prix pénalise le secteur pharmaceutique, qui recule depuis quelques années. Un étau que les acteurs politiques souhaitent desserrer.
L’inflation des contraintes réglementaires, le poids des prélèvements obligatoires et du système de fixation des prix tendent à pénaliser l’industrie pharmaceutique française en passe d’être déclassée.
La France demeure pourtant le cinquième marché pharmaceutique mondial derrière les États-Unis, la Chine, le Japon et l’Allemagne. Mais elle est talonnée par l’Italie et le Brésil, qui devraient l’avoir dépassée à l’horizon 2023. Le secteur emploie près de 100 000 personnes dans l’Hexagone, réparties sur près de 300 sites de production. Il s’appuie sur de grands groupes comme Sanofi, les laboratoires Servier, Ipsen et Pierre Fabre mais aussi sur un grand nombre de PME et un réseau dynamique de sous-traitants. La particularité du secteur pharmaceutique est d’être à la fois un secteur industriel ouvert sur le monde et exportant beaucoup et d’être tributaire des réglementations françaises qui fixent les prix du médicament. Deux logiques opposées s’affrontent ici. Pour les industriels, la nécessité de pouvoir récupérer leurs investissements passés, leurs coûts de production présents et de pouvoir financer les investissements futurs ; pour le législateur, la tentative de juguler le déficit de la Sécurité sociale en bloquant les prix pour limiter les coûts des remboursements.
Le Comité Economique des Produits de Santé (CEPS) est donc chargé de fixer les prix des médicaments. Son principal critère étant le déficit des comptes de la sécurité sociale, il a tendance à geler, voire baisser les prix des médicaments, ce qui pénalise les entreprises françaises. Une des raisons des nombreuses délocalisations des entreprises pharmaceutiques à partir des années 2010 a été la baisse continue des prix des médicaments, qui a obligé les acteurs du secteur à diminuer leurs coûts de production en produisant ailleurs.
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Modifier la fixation des prix
Pour limiter la pénalisation des entreprises, plusieurs rapports ont donc demandé de prendre en compte le lieu de production lors de la fixation des prix. C’est le cas notamment du plan « Innovation santé 2030 » présenté en conclusion du conseil stratégique des industries de santé (CSIS) qui s’est tenu en juin dernier à l’Élysée. Il a recommandé d’inscrire dans la loi la possibilité de prise en compte de critères d’implantation des lieux de production afin de fixer le prix des médicaments et dispositifs médicaux.
L’idée principale est que le Comité Economique des Produits de Santé (CEPS) puisse accorder un meilleur prix aux médicaments produits en France, dans une logique de réindustrialisation et de souveraineté sanitaire. C’est notamment ce que pratiquent les Italiens, dont l’industrie pharmaceutique est l’une des plus dynamiques d’Europe.
Lors de la réunion annuelle du G5 Santé le 5 octobre, le Président du CEPS Philippe Bouyoux a confirmé ce souhait de prendre en compte la localisation de la production. Durant ces 10e rencontres du G5 Santé, les entreprises françaises ont demandé un arrêt de la baisse des prix du médicament, notamment sur ceux qui ont un fort impact de souveraineté sanitaire. Ce principe a fini par être intégré au Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) dans son article 38.
Un article qui reste aujourd’hui en suspens puisqu’un amendement a été déposé par la droite sénatoriale qui vide l’article de sa substance. Cet amendement, en ajoutant des conditions de mise en œuvre autres que le simple lieu de production, et qui seront introduites par décret en Conseil d’État, supprime la possibilité d’application immédiate de la mesure dès la promulgation de la LFSS 2022. Des projets d’investissements industriels en cours pourraient ne pas être valorisés du fait de cette mesure. Surtout, l’ajout de contraintes réglementaires risque de compliquer et ôter tout intérêt à la mesure.
Comme pour une grande partie de l’industrie française, le secteur pharmaceutique souffre d’abord de problèmes internes à la France, plus que d’une concurrence mondiale débridée. Avec Roche, la Suisse se positionne au premier rang mondial des exportations, cette entreprise étant la première entreprise pharma mondiale. Derrière Roche, c’est tout un réseau de PME qui travaillent et produisent dans le domaine du médicament. La récente délocalisation de l’usine de macarons Ladurée de l’Essonne vers la Suisse démontre elle aussi que la concurrence n’est pas celle des pays à bas coûts de production, mais de nos voisins européens qui ont moins de contraintes fiscales, réglementaires et sociales.
Le développement de l’industrialisation et la vitalisation de notre industrie ne peut se faire sans revoir en profondeur l’ensemble de notre modèle social, couteux, fragile et qui pénalise le développement économique et technique. À cet égard, les difficultés de l’industrie du médicament illustrent celles de l’ensemble du monde industriel français.
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