100 ans de multilatéralisme à Genève, de la SDN à l’ONU

1 novembre 2021

Temps de lecture : 5 minutes

Photo : 100 ans de multilatéralisme à Genève, de la SDN à l’ONU. Crédit photo : Unsplash

Abonnement Conflits

100 ans de multilatéralisme à Genève, de la SDN à l’ONU

par

Le centenaire de la création de la Société des Nations, comme les 75 ans de l’ONU en 2020 n’a pas fait l’objet d’une célébration mondiale. D’une part parce qu’en pleine pandémie, l’esprit n’était guère aux célébrations, ce n’était pas l’humeur de Donald Trump ni des États-Unis qui n’&avaient pas ratifié le traité fondateur de la SDN.

Sous la direction de Olga Hidalgo – Weber et Bernard Lescaze

Tome 1 : La Société des Nations ou la singulière expérience du multilatéralisme ; Tome 2 : Les Nations-unies ou la résilience du système multilatéral, Éditions Suzanne Hurter, 2020, 406 et 312 pages.

L’image de cette dernière, en raison de ses échecs, et du fait que sept pays en sont sortis, n’était guère positive ; ce à quoi s’ajoutait le fait que Genève où s’était établie la première organisation à vocation mondiale était aussi le siège de l’OMS, dont l’action vis-à-vis du Covid– 19 fut l’objet de vives critiques. Mais il convient de dépasser ses impressions ou humeurs négatives. Le multilatéralisme est un précieux acquis que l’on ne peut ni négliger ni ignorer au moment de la COP 26 de Glasgow, il est plus utile que jamais. Aussi faut-il saluer la publication de ces deux synthèses, œuvres regroupant une vingtaine d’auteurs qui décrivent tant la SDN que l’ONU dans toutes les dimensions.

100 ans de multilatéralisme à Genève est un coffret qui permettra aux lecteurs de trouver un ensemble d’informations à la hauteur de l’importance du sujet traité. Tatiana Valovaya, directrice générale de l’Office européen des Nations Unies, rappelle dans la préface que « l’ouvrage voit le jour dans le cadre du centenaire de la Conférence de la paix de Paris, entérinant la fin de la Grande Guerre et la naissance du multilatéralisme moderne, c’est celui qui a ouvert la voie au développement du système international tel que nous le connaissons aujourd’hui et constitua un véritable tournant dans l’Histoire ».  « Ce qui ressort de cet ouvrage, c’est la résilience du système multilatéral. Il a survécu à une guerre mondiale, traversé la guerre froide, affronté d’innombrables conflits, crises et tensions. Davantage, il s’est étendu et installé comme le mode « normal » de la coopération internationale » … « Dans tous les cas, quel que soit leur besoin de réforme, les organisations internationales par leur seule existence signalent à tous les acteurs qu’une paralysie, pour ne pas parler d’une disparition, aurait un coût majeur pour le monde. Genève, ville de Calvin et de Rousseau, cela avait été souligné par le président Wilson, est au centre de l’ouvrage et on le comprend bien. » …  Si Genève a été choisi, c’est que Vienne était la capitale d’un Empire déchu, que l’on ne désirait pas choisir les capitales des puissances victorieuses (Paris, Londres) et que La Haye abritait déjà la Cour internationale de Justice. Ne restait que le choix entre Bruxelles, Genève et Lausanne. Pour retracer la genèse et l’œuvre de la SDN puis de l’ONU, un groupe composé d’anciens magistrats genevois d’universitaires, de responsables actuels où émérite d’organisations internationales s’est constitué, avec une seule ambition rendre hommage à l’œuvre des pères fondateurs parmi lesquels les Français Joseph Avenol, deuxième Secrétaire général de la SDN de 1933 à 1940, et surtout Albert Thomas qui a présidé l’OIT, (Organisation internationale du travail) de 1919 à 1932.

À lire également

Nouveau Numéro spécial : Regards sur la guerre

Ce livre ne prétend pas à l’exhaustivité, il souhaite d’abord retracer le contexte dans lequel est née la Société des Nations, ses objectifs et ses réalisations. Il revoit aussi les principales actions du siège européen des Nations Unies à Genève ainsi que des institutions spécialisées avec la contribution d’importants acteurs du système onusien, l’OIT, l’OMS, mais aussi moins connues comme l’UIT , l’ Union internationale des télécommunications. Les auteurs ont voulu porter un regard sur l’avenir du multilatéralisme avec la contribution d’importants acteurs du système des Nations Unies. Les Nations Unies et les autres organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales sont souvent critiquées. Elles sont pourtant uniques dans l’histoire et elles témoignent des efforts de l’humanité pour rechercher un avenir meilleur. Elles sont autant de signes d’espérance pour les hommes, les femmes et les enfants les plus déshérités de notre planète. Grâce à elles, Genève est devenue une ville internationale où se rencontrent tous les courants qui portent l’aventure humaine et où se discutent les problèmes du monde. Dans les années 1920 et avant l’arrivée d’Hitler au pouvoir, on a parlé de l’ « esprit de Genève ». Après 1945, durant la guerre froide, et jusqu’à nos jours à propos du conflit syrien, des sommets se sont enchaînés aux bords du lac Léman et de nombreux accords ont été conclus comme les accords de juillet 1954, mettant fin à la première guerre d’Indochine (1946–1954).

Ces deux ouvrages, agrémentés d’une riche iconographie, permettant de mieux connaître quels furent les acteurs de cette brillante scène diplomatique, rassemblent des textes d’historiens, de spécialistes et de praticiens des organisations internationales. Ils se découpent en trois parties distinctes. Le premier tome fait revivre les forces profondes à l’origine de la Société des Nations (SDN) et de l’Organisation internationale du Travail (OIT) en 1919. Ces organisations sont issues de la Première Guerre mondiale, mais ont néanmoins vu le jour grâce à des milieux qui en ont favorisé l’éclosion depuis la fin du 19e siècle. Cette partie expose différentes activités menées par ces deux organisations pendant l’entre-deux-guerres dans le cadre des programmes visant à maintenir la paix, ainsi que celles menées dans un cadre humanitaire, économique ou social. Par exemple, la lutte contre la drogue ou contre l’esclavage de même que l’aide apportée aux réfugiés sont largement mises en évidence. La Seconde Guerre mondiale que la SDN n’a pu empêcher sonne évidemment comme l’échec de son œuvre de paix, néanmoins plusieurs chapitres montrent comment les intentions et les idées persistent et sont présentes dans les projets de reconstruction bien avant que la guerre ne soit gagnée. La seconde partie présente différentes actions du multilatéralisme après la Seconde Guerre mondiale. Dans le monde bipolaire d’alors, les anciennes grandes puissances doivent s’adapter aux modifications liées à la décolonisation qui a des effets sur le multilatéralisme. Les questions de paix et de sécurité sont traitées à New York, nouveau siège des Nations unies, néanmoins de nombreux sujets présentés dans cet ouvrage sont discutés à Genève grâce aux institutions spécialisées des Nations unies qui ont établi leur siège dans cette ville. Les questions concernant le commerce international, l’environnement, le désarmement, le développement et les droits de l’homme sont ainsi débattues dans différents forums sur le sol helvétique. La troisième partie, qui chronologiquement correspond au retour d’un monde multipolaire et de nouvelles incertitudes politiques et sécuritaires, expose les nouveaux défis qui attendent les Nations unies et le multilatéralisme. Elle développe également le rôle que Genève et la Suisse peuvent jouer pour soutenir les grands axes du multilatéralisme. Dès lors, la question qui doit nous occuper n’est pas s’il existe une alternative au multilatéralisme, mais plutôt de quel type de multilatéralisme nous avons besoin pour garantir notre futur à tous.

À lire également

Concert des nations et organisations internationales. Entretien avec Eugène Berg.

Temps de lecture : 5 minutes

Photo : 100 ans de multilatéralisme à Genève, de la SDN à l’ONU. Crédit photo : Unsplash

Vous venez de lire un article en accès libre

La Revue Conflits ne vit que par ses lecteurs. Pour nous soutenir, achetez la Revue Conflits en kiosque ou abonnez-vous !

À propos de l’auteur
Eugène Berg

Eugène Berg

Eugène Berg est diplomate et essayiste. Il a été ambassadeur de France aux îles Fidji et dans le Pacifique et il a occupé de nombreuses représentations diplomatiques.

Voir aussi

Livre

Livres 8 novembre

Blake et Mortimer, Saint Louis et la Croisade, Bouaké, printemps des peuples, Amazone. Sélection des livres de la semaine. Yves ...

Pin It on Pinterest