Livre – Géopolitique des océans

2 novembre 2021

Temps de lecture : 5 minutes

Photo : Livre – Géopolitique des océans. Crédit photo : Unsplash

Abonnement Conflits

Livre – Géopolitique des océans

par

Notre planète Terre devrait s’appeler Mer, car l’eau occupe 71% de la surface notre planète. Si les habitants sont des terriens, c’est aussi parce que mers et océans, longtemps domaines de l’infini et de l’inconnu, ont été appréhendés à partir de la terre. Ils en ont constitué une annexe, ont été parcourus en tous sens, et sont devenus une ressource finie, menacée, altérée. D’où la nécessité de concevoir le monde marin comme un tout, non pas séparé mais spécifique, et de l’appréhender dans toutes ses dimensions humaines, convoques, stratégiques, touristiques et culturelles. Tel est l’objet et l’intérêt de ce riche numéro double qui présente une synthèse actuelle, diversifiée et stimulante.

Chaque minute près de 7,8 milliards d’êtres humains respire sur la surface émergée du globe, soit 47 habitants au km2 et seulement 2,5 millions sur sa surface liquide 2 fois plus étendue, soit 0, 007 navigants au km2. L’océans met en contact 8/10è des États « il embrasse la terre d’un flot non interrompu » a dit un poète grec qui ignorait que la terre était ronde.

Quelques données :

361 millions de kilomètres carrés, 70,8 % de la surface de la Terre

Volume total 1,37 milliard de kilomètres cubes = 97% de l’eau sur terre

Profondeur moyenne 3 700 à 3 800 mètres. Près de la moitié des eaux océaniques dépassent 3 000 m de profondeur, la fosse des Mariannes a 11 020 m de profondeur

La masse volumique de l’eau de mer se situant entre 1 020 et 1 035 kg/m3, la masse totale des eaux océaniques est d’environ 1,4×1021 kg, soit 0,023 % de la masse totale de la Terre (et près de 2 % ou 1/50e de la masse de la Lune qui est de 7,3×1022 kg).

65 millions d’îliens et 80 millions de personnes vivant près d’un littoral situé à moins de 10 m d’altitude, ils seront 1 milliard en 2050

À lire également

L’océan et l’espace, la troisième dimension de la géopolitique

On ne sait pas si l’on célébrera en 2022 les quarante ans de la convention de Montego Bay qui a codifié le droit de la mer en 1982. Toujours est-il que malgré ses imperfections mineures, ce texte établit la lex maritima dans tous ses aspects. A l’exception notable des États-Unis, du Venezuela, du Pérou, du Soudan Sud, et des cinq pays de l’Asie centrale (enclavés), tous les membres de l’ONU l’ont signée et ratifiée. Désormais, les espaces maritimes sont devenus les territoires de la mondialisation. 90% des échanges mondiaux sont effectués par voie maritime. De grandes routes maritimes sillonnent le monde, passant par des points de tension, susceptibles de les alimenter, voire de créer des conflits. 85 202 navires ont transité en 2018 par le détroit de Malacca, par lequel transite 80% du pétrole consommé par la Chine, le Japon ou la Corée du Sud. 19 311 navires sont passés par le canal de Suez, 13 369 par le canal de Panama. D’autre part, les câbles sous-marins assurent 80% des télécommunications mondiales (téléphone et Internet) : un vaste réseau de 426 câbles sous-marins déployés sur 400 000 km, à une profondeur maximum de 8 500 mètres. De ce fait, les espaces maritimes oscillent entre coopération et compétition.

À cet égard, les marines de guerre sont devenues, avec le cyber espace, le véritable étalon de la puissance des États. Certes les États -Unis, avec leurs 11 porte-avions nucléaires, dont un de la classe Gerald Ford qui a coûté 10 milliards d’euros, et leurs 70 sous-marins nucléaires, dont 53 d’attaque, demeurent une marine de guerre inégalée, bien que la Chine désormais avec 350 navires, les dépassent en nombre (293 bâtiments pour les États -Unis), mais non en tonnage. Instructif est à cet égard le tableau (page 43) présentant le profil des principales marines de guerre. Les 11 porte-avions américains, se comparant aux 2 chinois et aux 2 britanniques, et aux uniques porte-avions de la Russie, de l’Inde et de la France. D’où l’importance de la décision française de se de se doter d’un deuxième bâtiment. Ce n’est qu’à l’horizon 2030 que la Chine devrait se doter d’un quatrième. Cela constitue-t-il un répit pour Taiwan, dont l’invasion est de plus en plus évoquée surtout depuis la chute de Kaboul ? Notons au passage que la France, bien que dotée de la deuxième ZEE du monde (10,2 millions de km2) n’occupe, en termes de tonnage que le septième rang mondial, le Japon disposant par exemple de 47 bâtiments de premier rang contre 15 pour la France, ce qui rend la tâche de défendre tous son territoire bien malaisé.

À lire également

L’océan Indien : une renaissance sous la menace islamiste

On trouvera dans ce numéro de nombreux articles portant sur des sujets clefs (Stratégies en Méditerranée orientale, Mer de Chine, des eaux grosses de tempêtes, dissuasion par les sous-marins). Le volet économique est tout aussi richement traité. La mer mène à tous les rivages : routes, ports, et trafics, qui s’orientent de plus en plus vers l’Asie. A-t-elle seule la Chine importe 70% du minerai de fer du monde, 70% du charbon et 60% des grains. Parmi les 10 plus grands ports du monde, on ne compte que Rotterdam avec un tonnage de 461 millions de tonnes contre 647 millions pour Shangaï et 593 millions pour Singapour (chiffres 2016). 30% du pétrole provient de l’offshore. Enfin, les espaces maritimes sont des espaces à protéger, notamment concernant les ressources halieutiques. La Chine avec 14, 65 millions de tonnes est le principal producteur de poisson. Il convient aussi de lutter contre la pollution marine, dont 80% provient de la terre via les fleuves. Une lutte incessante jamais gagnée malgré les dizaines de conventions, d’accords pratiques communes et mesures. A regarder de près, les chiffres sont effrayants : il y a 1 ,3 millions d’objets par km2 au large de la Sicile !

Le rôle des Océans dans la régulation du climat mondial est essentiel. Il redistribue d’énormes quantités de chaleur grâce aux courants marins, absorbe 20 à 30 % des émissions de CO2 soit 12 milliards de tonnes équivalent, ce qui provoque par son propre réchauffement une dilatation de son volume, et une élévation du niveau des eaux de 3 – 4 mm/an. Il a déjà absorbé près de 160 milliards de CO2 depuis 1870.

Il a absorbé depuis 1970 94% du surplus de la chaleur créée par les activités humaines

Depuis 1993, le réchauffement de l’océan a plus que doublé par rapport aux 25 précédentes années.

Entre 1971 et 2010 la couche des 75 premiers mètres augmentent de 0,11 °C par décennie, dans les couches comprises entre 700 m et 2000m, elle a presque triplé.

A quel niveau d’élévation des mers assistera-t-on d’ici 2100 ? 84 cm, 1,10 m ou 2 mètres en cas de fonte brutale des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique.

L’activité des hommes se tournera de plus en plus vers la recherche de l’exploitation de la mer, et naturellement, les ambitions des États chercheront à dominer la mer pour en contrôler les ressources » Charles de Gaulle

« L’homme intelligent aime l’eau l’homme raisonnable les montagnes » Confucius.

Serons-nous à la hauteur de tous ces enjeux que ce numéro nous a exposés avec clarté et force ?

À lire également

Etats-Unis / Chine : dominer les océans

Mots-clefs :

Temps de lecture : 5 minutes

Photo : Livre – Géopolitique des océans. Crédit photo : Unsplash

Vous venez de lire un article en accès libre

La Revue Conflits ne vit que par ses lecteurs. Pour nous soutenir, achetez la Revue Conflits en kiosque ou abonnez-vous !

À propos de l’auteur
Eugène Berg

Eugène Berg

Eugène Berg est diplomate et essayiste. Il a été ambassadeur de France aux îles Fidji et dans le Pacifique et il a occupé de nombreuses représentations diplomatiques.

Voir aussi

Pin It on Pinterest