La guerre civile n’aura pas lieu, si…

2 avril 2016

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La guerre civile n’aura pas lieu, si…

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La guerre civile est à la mode en France, si l’on ose dire. Hommes politiques et intellectuels n’hésitent pas à employer le terme, sans craindre d’être accusés de jouer sur les peurs. Y croient-ils vraiment, eux qui ne cessent de se féliciter de la réussite de notre « vivre ensemble » ?

Conflits n°9, avril-mai-juin 2016

Conflits n°9, avril-mai-juin 2016

Le fait est que, si la guerre civile déchire de nombreux pays du Sud, elle épargne depuis longtemps les pays développés. Faisons un bilan rapide.

On pourra dire que les États-Unis ont connu une guerre civile larvée entre Blancs et Noirs. Le mouvement des Black Panthers, créé en 1966, arme ses militants, attaque les policiers blancs, négocie avec les gangs ; cinq de ses membres vont jusqu’à détourner un avion en 1972. Mais ils s’isolent de la majorité des associations noires et font l’objet d’une répression sévère organisée par le directeur du FBI, Edgar Hoover. Les plus radicaux s’engagent dans une fuite en avant suicidaire, le mouvement se divise et s’étiole. La guerre civile n’a pas eu lieu, même si les clivages entre Noirs et Blancs persistent sur fond de violences.

Dans les années 1960 et 1970, les mouvements gauchistes espèrent engager un processus révolutionnaire à travers tous les pays occidentaux et trois d’entre eux, Alain Geismar, Serge July et Erlyn Morane, publient un opuscule intitulé Vers la guerre civile. Le titre doit être bien compris : c’est la violence du capitalisme menacé par les forces révolutionnaires qui provoquera la guerre civile. « La bourgeoisie française apprend qu’elle est prise au piège de l’affrontement, qu’elle devra descendre dans la rue et mourir pour le capital. » Des actes terroristes auront lieu dans toute l’Europe, parfois encouragés par les services secrets soviétiques et peut-être même américains, une entreprise comme Fiat sera presque paralysée par les gauchistes qui pratiquent (déjà) la « jambisation». Mais les étudiants gauchistes n’entraînent pas le monde ouvrier et rentrent chez eux.

Nous étions loin de la guerre civile. C’est tout juste si certains ont joué à la guerre civile tandis que d’autres jouaient de la guerre civile, pour attiser les peurs ou pour manipuler.

On peine à trouver d’autres exemples. L’Ulster apparaît comme la conséquence lointaine d’une décolonisation inachevée un demi-siècle plus tôt. Les conflits yougoslaves naissent dans une région encore marquée par le communisme qui avait gelé tous les problèmes de l’entredeux – guerres sans en résoudre aucun – d’ailleurs nous ne sommes pas dans un pays développé de tradition libérale.

Les pays occidentaux sont protégés parce qu’ils sont depuis longtemps des États-nations, des démocraties et des sociétés riches. Comme nations, ils ont forgé une identité commune qui transcende les clivages. Démocratiques, ils ont élaboré des processus de résolution des conflits et ils savent comment « récupérer » les rebelles. Leur richesse, même mal partagée, fait comprendre à chacun ce qu’il aurait à perdre dans une guerre fratricide. Enfin, leurs États disposent de forces de répression assez efficaces pour maintenir les menaces à un niveau supportable.

Optimiste, ce bilan dessine en contrepoint les événements qui pourraient faire basculer nos sociétés : que les évolutions économiques aggravent la paupérisation en bas de l’échelle ; qu’une part importante de la population ait le sentiment qu’elle n’est pas représentée et que ses problèmes ne sont pas pris en compte ; que la lutte des classes à laquelle plus personne n’attribue d’importance reprenne vigueur ; que l’unité soit menacée par la montée de communautés affirmant leur propre identité au détriment des autres.

Nous en sommes loin et il n’y a aucune raison de craindre le pire. Souvenons-nous simplement que, comme la paix extérieure, la paix intérieure est toujours fragile.

Pascal Gauchon

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