Reprenant le droit romain, la Corse a été une terre d’expérimentation du droit, qui s’est développé à partir de l’époque médiévale. Devant trancher autant les questions de propriété que les litiges entre les personnes et l’administration, c’est tout un corpus juridique qui s’est édifié. Cette journée d’étude est revenue sur les rapports entre la Corse et le droit.
Compte rendu du colloque « La Corse et le droit » tenu le 19 juin 2021 à Bonifacio dans le cadre de la XXIIe journée universitaire d’histoire maritime de Bonifacio. Le colloque était organisé par le Professeur Michel Vergé-Franceschi.
Resté longtemps bastion de la Sérénissime république de Gênes, Bonifacio est aujourd’hui le point le plus au sud de la France métropolitaine, et fait face à la Sardaigne, du haut de ses falaises qui la rendent inexpugnable. Cette cité médiévale, qui accueillit Charles Quint, s’est imposée pour des rencontres destinées à évoquer la géopolitique de la Corse. Ces rencontres, baptisées Journées universitaires d’histoire maritime, se déroulent dans une ancienne église édifiée par les Génois au cœur de la haute ville. Cette année a ainsi vu se dérouler la vingt-deuxième édition, le samedi 19 juin. Elles sont l’œuvre du Professeur Michel Vergé-Franceschi, auteur de nombreux ouvrages de référence sur l’histoire maritime et sur l’histoire de la Corse, et sont activement soutenues par la municipalité, dont le maire Jean-Charles Oscucci, a accueilli les conférenciers et le public.
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Après « La Corse et Naples », le thème retenu cette année fut « La Corse et le droit ». Cette vingt-deuxième journée a été ainsi placée sous la présidence d’honneur du doyen Coppolani, professeur émérite de droit à l’Université de Corse. Les sujets abordés furent variés, mais l’ensemble toujours harmonieux. C’est en toute logique que le doyen Coppolani fut le premier intervenant afin de traiter l’ancien droit corse, « entre archaïsme et avant-gardisme », puis de laisser la parole à Florence Jean, maitre de conférences à l’Université de Corse, qui s’est intéressée plus précisément à la « propriété arboraire », toujours présente de façon coutumière en Corse, ce qui n’a pu qu’enrichir la culture du public en général, des juristes en particulier. Spécialiste de la question, Florence Jean est l’auteur de l’ouvrage La propriété arboraire en Corse et ailleurs (Éditions L’Harmattan).
Comment le droit s’est imposé
Son Excellence Henry Zipper de Fabiani, ancien ambassadeur de France au Tadjikistan et Vice-Président de la Société Chateaubriand, a évoqué la Corse du XVIIIe siècle et le droit international, droit éminemment politique. Plus tard, Michel-Edouard Nigaglioni, chercheur au service de l’Inventaire de la Collectivité de Corse, s’est livré à un exposé sur l’architecture du Palais de justice de Bastia. D’autres intervenants, que nous avons déjà rencontrés dans le cadre des Rencontres Napoléoniennes de Sartène dont la revue Conflits est partenaire, ont également animé cette journée. Docteur en sciences de l’Art et chargée de cours à Sciences Po Paris, Anna Gnedina-Moretti, russe de naissance et à ce titre auteur d’un Catherine II (Éditions Ellipses), est intervenue sur le droit des femmes en Corse. D’autres ouvrages sont à son actif et évoquent cette question : Pascal Paoli et les Femmes(Éditions Colonna d’Istria) et uneHistoire érotique de Versailles (Éditions Payot), tous deux réalisés en collaboration avec Michel Vergé-Franceschi. Ce dernier a ravi le public en évoquant précisément les Statuts de San Colombano, datant de 1348, prouvant si besoin était que l’île de Bonaparte est bien, depuis le Moyen Âge, terre de droit. Dans cette même optique, Antoine-Baptiste Filippi, collaborateur de la revue Conflits, et chercheur au Labiana, laboratoire d’histoire grecque dirigé par l’helléniste Olivier Battistini, également auteur pour la revueConflits, qui était présent lors de cette journée, a fait une intervention dont l’intitulé reprenait le titre de son ouvrage La Corse, terre de droit (Éditions Mimésis), et évoquant le « libéralisme latin » comme pensée de droit. Également deux spécialistes connus de l’histoire napoléonienne, l’historien et rédacteur en chef de la Revue Napoléon Ier(RSN) David Chanteranne, auteur des Douze morts de Napoléon (Éditions Passés composés), qui a évoqué la diffusion du droit dans les républiques sœurs, et Jacques-Olivier Boudon, professeur à la Sorbonne et auteur de Napoléon, le dernier des Romains(Édition Robert Laffont), intervenant lui sur « le droit et le sexe sous l’Empire ». La conclusion de cette journée enrichissante fut assurée par Alain di Méglio, vice-président de l’Université de Corse.
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En raison d’empêchements, certains conférenciers n’ont pu venir. La constitutionnaliste Wanda Mastor devait ainsi évoquer une Corse, « terre de constitutions », le professeur de droit public Francine Demichel, avait prévu de parler de la Corse et du droit maritime, et enfin l’historien Raphaël Lahlou dont l’intervention aurait porté sur Maître Moro-Giafferi, le célèbre avocat corse.
Le travail de cette journée productive ne sera pas perdu. Comme à chaque édition, les textes des interventions (comprenant également ceux qui n’ont pu se déplacer) seront compilés et feront l’objet d’une publication aux éditions Alain Piazzola, sous forme d’Actes de colloque, qui prendront pour titre le thème de cette journée « La Corse et le droit », sous la direction scientifique du professeur Vergé-Franceschi.