Le livre d’Antoine Buzat, fruit d’un long travail de recherche, finement maîtrisé effectué dans le cadre du Master 2 Sécurité et Défense de l’Université de Toulon passe au scalpel un chapitre aujourd’hui un peu oublié de la politique extérieure française au début des années 1980, qu’il convient de replacer dans son contexte, à savoir l’émergence d’une République islamiste désireuse de bousculer l’échiquier régional, en dénonçant le Satan américain et ses suppôts dans la région.
La guerre Iran-Irak enclenchée en septembre 1980 par une attaque-surprise de l’Irak contre l’Iran des mollahs prendra fin à l’été 1988, presque huit ans jour pour jour après son début. Le 18 juillet 1988, l’Iran accepte les termes de la résolution 598 du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Le 6 août, il accepte un cessez-le-feu avec l’Irak et le 20 août il entre en vigueur. Cette guerre aura été meurtrière pour les deux camps et finalement, les frontières irano-irakiennes n’auront pas sensiblement bougé. Les pertes ont été considérables pour les deux camps. L’Irak compte 180 000 morts, dont 5000 civils et l’Iran 500 000 morts dont 10 000 civils. Cette guerre aura façonné la région pour des décennies. L’Iran prendra prétexte de l’invasion irakienne pour développer son programme nucléaire pour ne plus jamais revivre une invasion de son territoire. La position française aura été ambiguë tout le long du conflit et la France semble plutôt avoir subi le conflit, estime l’auteur, une thèse qu’il convient de prendre avec du recul. Certes, à la suite du déclenchement du conflit, la France s’est montrée mesurée à l’égard des belligérants, mais tout en soutenant progressivement l’Irak. Quand François Mitterrand accède au pouvoir, cette mesure s’efface et il cédera aux demandes irakiennes. Cela crée de fait un état de guerre à l’égard de l’Iran qui n’hésitera pas à riposter à la fois dans la région, en fomentant le terrible attentat du Drakkar en 1983 au Liban, mais également sur le sol français entre 1985 et 1986 en soutenant des groupes terroristes commettant des attentats dans la capitale française. Ces vagues d’attentats en France conduiront au renforcement de l’arsenal juridique pour lutter contre le terrorisme, jusqu’ici vide de toute disposition.
Ce qui caractérise également la position française dans cette guerre sont les affaires directement liées à ce conflit et qui ont grandement fragilisé Paris sur la scène intérieure. Elles démontreront l’indécision dans la gestion du conflit Iran-Irak du pouvoir socialiste en place. La première d’entre-elle qui sera révélée sera l’affaire Luchaire, en 1986, et constituera une véritable bombe à retardement pour le pouvoir, le mettant dans une position délicate à quelques jours des élections législatives. Elle entraînera, en outre, l’adoption en 1988 de deux lois obligeant les élus locaux et membres du gouvernement à déposer une déclaration de situation patrimoniale à la Commission pour la transparence financière de la vie politique. Il y eut également l’affaire Gordji, un an plus tard, du nom d’un traducteur travaillant pour l’ambassade d’Iran en France, impliqué dans les attentats parisiens de 1985-1986. Elle sera à l’origine de l’aggravation sensible des relations diplomatiques avec l’Iran et du déploiement inédit d’un groupe aéronaval français dans le golfe Persique pour faire pression sur l’Iran. Ce déploiement a été efficace étant donné que la France n’a plus connu d’attentats sur son territoire pendant cette période. Cela a amené l’Iran et la France à négocier et régler leurs différends par des moyens pacifiques. L’aide militaire apportée à l’Irak aura été très importante pour une utilisation sur le terrain globalement inefficace. Bien que formés par des pilotes français, deux appareils Super-Etendard sur les cinq livrés sont détruits ou gravement endommagés. La disponibilité des Mirage F1 reste problématique. Seuls les matériels terrestres ont semblé prouver leur efficacité, notamment les canons automoteurs AMX AuF1 155 GCT et les armes de défense anti-aérienne. L’Irak est sorti fortement endetté de ce conflit et ne paiera au final jamais ses dettes contractées depuis huit ans auprès de la France. D’autant plus, que deux ans après la fin des hostilités contre l’Iran, l’Irak sera de nouveau l’agresseur contre son minuscule voisin : le Koweït. Cette fois-ci, la position française se montrera plus ferme et condamnera cette invasion, alors que deux années auparavant, l’Irak était le partenaire le plus important de la France dans la région. La France participera à la coalition internationale dirigée par les États-Unis contre l’Irak avec le déclenchement de l’opération Daguet. Cette opération militaire sera la plus grande organisée depuis la guerre d’Algérie et réunira plus de 25 000 soldats d’août 1990 à février 1991. Pendant cette deuxième guerre du Golfe, tel fut le nom donné par les journalistes à cette époque, les avions de construction française Dassault Mirage F1 irakiens s’envoleront en Iran pour se mettre à l’abri des frappes aériennes importantes de la coalition, l’Iran les confisquera puis les utilisera dans sa force aérienne.
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