La santé est un enjeu essentiel de puissance que la pandémie de covid a révélé. Si la France dispose de nombreuses entreprises pharmaceutiques performantes, elle souffre d’un déclassement opéré depuis quelques années.
Richelieu, souvent malade, a passé une partie de sa vie alité, dictant des lettres, donnant des ordres, planifiant la libération de La Rochelle et de la Valteline depuis son lit. La bonne santé est une conquête récente et depuis Louis Pasteur les pouvoirs des médicaments et des vaccins n’ont fait que s’amplifier. Développement de l’hygiène, du savon et de l’eau courante, désinfection des ustensiles du médecin, meilleure compréhension du corps humain, développement de la technologie permettant des opérations à distance. La révolution invisible de la santé a transformé l’humanité, modifiant le rapport à la mort et à la vie. Autrefois, la maladie et la mort étaient abondantes ; la vie était rare. Désormais, la vie paraît chose normale et la mort chose extraordinaire. Si ce progrès est réjouissant, il peut aussi nous fragiliser quand survient une épidémie. Nous ne mesurons pas toujours les transformations anthropologiques que cela induit. La France est l’une des pionnières de cette libération par la bonne santé. Ses médecins, ses chimistes, ses pharmaciens, ses ingénieurs ont permis les découvertes de principes actifs, le dépôt de brevet, la création et le développement d’entreprises qui sont aujourd’hui mondiales. La particularité du secteur pharmaceutique est d’être éclaté en une multitude de groupes et présent, en France, dans des territoires très variés, parfois des petites villes. La cartographie de la santé mondiale est très loin du mythe de big pharma.
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Conflits travaille sur ce hors-série depuis l’automne 2019, donc bien avant l’apparition de la crise de la Covid-19. Avant celle-ci, il était déjà évident que la santé était centrale dans le monde d’aujourd’hui et que la puissance d’un pays passe par la présence d’entreprises pharmaceutiques robustes, qui peuvent se développer, innover, inventer et se mesurer à la concurrence. L’épidémie de coronavirus a révélé au monde le pouvoir de la santé. Elle a démontré l’importance de disposer d’une économie forte et développée afin de pouvoir garantir la santé au plus grand nombre. Elle a montré également l’agilité des entreprises qui en quelques mois ont été capables de produire des respirateurs pour soulager les malades, des médicaments pour soigner et des vaccins pour se prémunir. La coopération internationale entre scientifiques et entrepreneurs a permis des progrès majeurs en un laps de temps restreint. C’est toute une partie de l’économie mondiale qui était méconnue qui s’est ainsi révélée de façon soudaine et dont chacun a mesuré l’importance et la centralité.
La santé est décentralisée dans l’espace et dans le temps. Dans l’espace, car ce sont de nombreuses entreprises qui interviennent pour permettre l’élaboration du produit final, des principes actifs aux gélules ou seringues permettant d’administrer le médicament. C’est toute une chaîne, mondiale, qui entre en jeu. Dans le temps, car entre le début de la recherche sur un médicament et l’élaboration du produit final, il peut parfois s’écouler de nombreuses années. Entre les deux, la santé a besoin de capitaux importants et d’hommes compétents et bien formés. L’industrie pharmaceutique est une activité à haute intensité capitalistique et soumise à une concurrence rude. Le développement des biotechnologies et de la médecine personnalisée va encore modifier en profondeur ce secteur au cours de la décennie à venir. La santé est plus que jamais une « arme blanche » de la géopolitique qui, de l’animal à l’homme, est fondamentale pour assurer et développer sa puissance.
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La France connaît un déclin relatif certain dans ce secteur, surtout en comparaison avec ses voisins suisses et italiens. Les États-Unis demeurent la grande puissance, quand la Chine et l’Inde s’éveillent au nouveau monde. La nécessaire réindustrialisation ne peut se faire par un retour aux pratiques d’avant ni par le maintien d’une réglementation qui pénalise nos fleurons. Dans l’industrie pharmaceutique comme dans de nombreux autres domaines politiques et économiques, la réflexion géopolitique s’avère essentielle pour comprendre le monde à venir.
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