À l’heure où les tensions montent à nouveau à Jérusalem, cette étude -rare – sur l’OCI, vient à point nommé. Beaucoup de chercheurs pensent que l’incendie de la mosquée Al-Aqsa le 21 août 1969 est l’événement direct qui a incité à ce type de groupement (l’OCI). Cet incident a coïncidé avec la réunion des ministres des Affaires étrangères des quatorze pays arabes tenue au Caire du 25 au 26 août 1969. Bien que cet incendie ait suscité chez beaucoup de musulmans un choc émotionnel, la volonté de créer l’OCI était présente dans le cœur des musulmans depuis longtemps.
Alors que le monde catholique dispose du Vatican, le monde islamique trouve sa représentation au sein de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), organisation internationale fondée sur la solidarité religieuse voire la solidarité islamique.
Nous sommes en présence d’une organisation intergouvernementale sui-generis qui se distingue par la qualité de membre étant donné que le critère d’admission repose sur la religion musulmane. En conséquence, elle acquiert un caractère transcontinental puisque sa compétence géographique ne se limite pas exclusivement à des pays musulmans appartenant principalement aux continents asiatique et africain, mais aussi à l’Europe avec l’Albanie et la Bosnie ou même à des pays multiconfessionnels tels que le Liban ou la Syrie. L’Organisation regroupe 57 États avec une population d’environ 2 milliards de citoyens musulmans. L’OCI est considérée comme la deuxième organisation internationale après l’ONU. L’auteur démontre clairement la spécificité de cette Organisation .Selon le préambule de la charte de l’OCI, les États membres sont régis aussi bien par les valeurs islamiques d’unité et de fraternité que par les principes et buts de l’ONU.
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L’auteur, avocate et docteure en droit public, qui a fait ses études à l’Université Paris Dauphine PSL a été lauréate du Prix jeune chercheur 2018 de la fondation Paris Dauphine. Elle nous livre ici un travail de recherche minutieux qui dénote un effort constant et méticuleux afin de couvrir tous les aspects liés à l’existence, à la structure et au rôle de cette institution méconnue en Europe et très peu étudiée dans le monde arabe, d’où l’originalité de cet ouvrage. La riche documentation de première main présentée dans cette recherche est significative : plus de mille sources bibliographiques, dans leurs majorités en langue arabe, des schémas et des organigrammes réalisés par l’auteur en font un ouvrage de référence. Elle démontre la complexité de l’OCI qui se manifeste à différents niveaux: par les facteurs historiques qui ont contribué à sa création tels que la protection des lieux saints musulmans ou la nécessité de régler la question palestinienne, par sa composition et par les normes qui gouvernent la solidarité des États membres et le rôle de l’Organisation, en conséquence une question délicate se pose, c’est celle de savoir quelle est la part des prescriptions de la Sharia ou celle des règles du droit international qui sont applicables au processus de décision au sein de ses organes et à son action en général, tel qu’il appert, par exemple, dans le domaine des droits de l’homme.
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En effet, si les buts de l’OCI comme toute institution internationale sont de garantir les intérêts de ses États membres, il s’avère que son rôle est de transcender leurs diversités géographiques, politiques, économiques et sociales afin de réaliser des objectifs communs. Dans l’introduction, l’auteur se penche sur la genèse de l’Organisation et sur une série de thématiques de fond reprises dans les développements ultérieurs : le rapport entre religion et civilisation, les idéologies politiques, la nécessité de trouver un compromis entre les obligations de la Sharia et l’inévitable adaptation aux relations internationales et la vocation de l’OCI de transcender la tension entre le rêve d’une unité des croyants et les conflits armés ou non asymétriques caractérisés par des dimensions religieuses, géographiques, voire ethniques, tels que les tragiques événements qui se déroulent en Syrie, au Yémen, en Iraq, au Mali ou en Somalie et sur le territoire d’autres États membres de l’Organisation. Dans la première partie de l’ouvrage, une analyse exhaustive de l’acte constitutif de la structure et des compétences de l’OCI a été menée à bien en accord avec la théorie générale de l’organisation internationale. La deuxième partie est consacrée à l’action de l’OCI au sein de la société internationale : si le constat est plutôt décevant sur le plan politique, l’auteur a mis en valeur les quelques domaines d’action dans lesquels l’Organisation a réussi à accomplir certains de ses buts sur les plans de la coopération économique, des droits de l’Homme, et du renforcement de l’ entraide financière entre ses membres par l’établissement de la Banque islamique de développement (BID) dont le modèle a été fortement suivi par de nombreuses banques nationales des États membres. S’ agissant de la coopération financière l’auteur analyse, les mécanismes des « Finances islamiques’’. Après avoir clarifié les enjeux et analysé les effets de l’action de l’OCI, l’accent est mis sur le fait que cette nouvelle catégorie d’organisation internationale ne devra pas provoquer de contradictions par rapport aux autres formes de coopération internationale. Elle va coexister avec elles et pourra contribuer à la fois au combat de l’islamophobie et du terrorisme tout en encourageant le dialogue entre civilisations. En définitive, l’avenir du rôle de l’OCI dépendra plus que jamais de la ferme volonté politique de ses États membres de sauvegarder les valeurs islamiques de paix et de coopération.
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C’est dans cette perspective que l’auteur dégage de nouvelles pistes pouvant faciliter une intégration politique, économique ou financière. L’OCI peut être confrontée à des désillusions et à un sentiment d’impuissance qui pourrait conduire à la résignation, mais l’expérience a démontré que la persévérance mène au succès.