Le communisme cubain peut-il tenir sans les Castro ?

30 avril 2021

Temps de lecture : 6 minutes

Photo : Le communisme cubain peut-il tenir sans les Castro ? Crédit photo : Unsplash

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Le communisme cubain peut-il tenir sans les Castro ?

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Passage de pouvoir à Cuba, les Castro ne contrôlent plus l’île. Mais l’idéologie communiste demeure pour autant et l’avenir du pays et de sa population ne semble guère glorieux.

Un article publié sur le site d’Yves Montenay.

 

Après la mort de Fidel Castro, puis la démission de son frère Raul, que devient Cuba ?

Cuba est un pays communiste style Corée-du-Nord, c’est-à-dire très en retard sur la Chine et le Vietnam qui ont choisi de se développer en tolérant un système capitaliste bien contrôlé politiquement.

C’est ce que j’analysais en 2009, dans ma conférence « Pourquoi le Vietnam progresse et Cuba s’enfonce ? » pour le Cercle Frédéric Bastiat.

Depuis le contraste s’est encore accru, la vie quotidienne des Vietnamiens s’est énormément améliorée, mais les journalistes continuent à être emprisonnés. Quant à la pauvreté des Cubains, elle s’est encore accrue, notamment suite à l’écroulement du Venezuela qui les fournissait en pétrole bon marché.

En 2016, je passais à La Havane qui bénéficiait d’un petit mieux économique dans son centre historique grâce à l’arrivée des touristes et une micro-libéralisation très prudemment lancé par Raul Castro, aux commandes depuis la démission de Fidel Castro pour raisons de santé.

Les téléphones mobiles furent autorisés et 600 000 actifs sur 4,8 millions purent devenir « travailleurs indépendants », c’est-à-dire souvent guide ou artisan ou logeur de touristes, les autres demeurant dans des organisations économiques du régime.

Quelques jours après, j’étais à Carthagène, ville très analogue à La Havane par son histoire et sa population. Le contraste était saisissant, bien que la Colombie ne soit pas un pays particulièrement moderne et développé. Voici la description de ces deux villes.

Un peu plus tard, le 26 novembre, mourait Fidel Castro. Ou plutôt, comme le sous-entendaient les Cubains, faisait semblant de mourir. Voici ce que j’écrivais alors :

Fidel est toujours là : les dictateurs sont immortels !

C’est du moins ce que pensent les Cubains qui ont attendu la fin du cauchemar combien de décennies, pour constater que l’héritier est déjà en place et que ça va continuer. Raul, un peu « moins pire » que son frère Fidel, est bien installé, et on murmure que tel notable du parti nettement plus jeune est en train de bétonner la suite.

Comme Kim Jong-un, le dirigeant suprême nord-coréen qui prolonge la dictature de son père, est encore jeune, je souhaite une longue patience à ses compatriotes ! Il a déjà fait ses preuves en fusillant son oncle et en faisant crever de faim son peuple.

À lire aussi : Amilcar Cabral : la révolution en pensée et en action

Cette résilience des dictateurs, en général « révolutionnaires », est un mystère pour nous qui avons été élevés en démocratie libérale et nourris de mythes sur les révolutions libératrices.

Mais le fait est là : la révolution engendre en général la dictature, et cette dernière a tendance à durer très longtemps. Demandez aux Russes, aux Algériens, aux Chinois, aux Éthiopiens, aux Érythréens et je m’arrête parce que j’en aurais pour deux pages !

Heureusement il y a quelques exceptions : Robespierre, que beaucoup admirent encore aujourd’hui, n’a pas eu de successeur du même style, et Hitler a été remplacé par une république libérale, mais il a fallu que l’ennemi détruise le pays pour y arriver !

Et le plus étonnant est que, comme pour Robespierre, il y a toujours des gens extrêmement sérieux et documentés pour nous montrer le bon côté du personnage : Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir ont chanté les louanges de Fidel Castro, et des décennies plus tard Danielle Mitterrand faisait de même, malgré l’accumulation de témoignages de répression et de plongée dans la misère !

Quant à Che Guevara il n’a arrêté ses activités sanglantes que parce que Fidel s’est débarrassé de lui en l’envoyant se faire tuer dans la jungle bolivienne. Mais il reste immortel sur les casquettes et T-shirts !

Ho Chi Minh a réussi à cultiver la légende de « l’oncle Ho » attendri par les enfants, mais sa révolution a commencé par une répression massive et sanglante de la paysannerie vietnamienne. Elle s’est poursuivie par une misère généralisée, masquée par la guerre contre le bien meilleur régime du Vietnam sud, accusé lui, de tous les maux, pourtant véniels par rapport à ceux du Nord.

De même pour le régime de Batista renversé par Castro : dans les deux cas avez-vous lu une étude comparant les niveaux de vie et de liberté avant et après ? Les ex-admirateurs, qui le sont souvent encore un peu, sont très discrets sur ces points.

Et peut-être Fidel Castro, comme Ho Chi Minh, comme Mao, comme Lénine, comme longtemps Staline, aura-t-il son mausolée pieusement visité par les touristes et les enfants des écoles.

Le seul point éventuellement positif, bien que controversé, de la révolution est la formation massive de médecins remplaçant, et bien au-delà, ceux qui ont émigré vers les Etats-Unis. C’est un point de propagande permanent, et ces médecins ont été exportés massivement dans les pays amis, d’où des rumeurs dont j’ignore la solidité sur le nombre restant à Cuba et le niveau de leur formation.

Une libéralisation économique très limitée…

Raul Castro, qui va sur ses 90 ans, a passé le pouvoir à Miguel Diaz-Canel, vieil apparatchik, avec comme programme « Unité et Continuité ». Pas de quoi faire rêver les Cubains ! Quoique le simple fait qu’on soit obligé de le rappeler laisse supposer qu’il n’y a pas unanimité…

Un petit pas de plus dans la libéralisation d’économie a été la fusion des deux monnaies cubaines, de toute façon non convertibles (*). C’est une simplification et également la fin d’une occasion de trafic massif.

Ce système de double monnaie avait été mis en place pour que les touristes payent les prestations locales beaucoup plus cher que les Cubains. Pour ces derniers en effet, les prix et les salaires étaient très bas.

Mais de toute façon, comme dans tout pays totalement communiste, le prix n’a pas beaucoup d’importance, ce qui compte est que quelques produits apparaissent au magasin… une longue queue se forme alors immédiatement, et les plus démunis se proposent d’attendre pour vous moyennant quelques piécettes.

L’adoption d’une monnaie unique a entraîné la fixation du prix et des salaires à un niveau beaucoup plus élevé (*), ce qui ne change pas grand-chose : ce qui compte, c’est la disponibilité du produit.

Dans le même esprit de rapprocher les prix de la réalité économique, il est prévu depuis 2013 de supprimer la majorité des subventions tant aux entreprises qu’aux produits consommés par les particuliers. Le prix du pain devrait être multiplié par 20. Ces réformes essentielles mais très pénibles devrait être bientôt appliquées, malgré la récession venant de la chute du tourisme du fait de la pandémie (**).

Pour l’instant la possibilité de créer des entreprises petites ou moyennes, ce que tout le monde attend, ne s’est pas concrétisée « il y a des limites qu’il ne faut pas franchir, parce que ça mènerait à la destruction du socialisme » a rappelé Raul Castro en partant.

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… et un récent déblocage d’Internet

Dans un premier temps, il y a eu une diffusion des téléphones cellulaires qui a dépassé les 2 millions en 2014. Mais l’accès à Internet ne pouvait se faire que dans 120 cybercafés et 3, 4 % des foyers …. Soit un total de 334 ordinateurs raccordés et une connexion coûtant 20 % du salaire mensuel moyen !

Imagine-t-on qu’en France un abonnement internet coûte 400€ par mois sur un salaire moyen de 2000€ mensuels ?

Le 2 juillet 2015, 35 sites de wi-fi ont été ouverts avec l’objectif d’un accès généralisé en 2020. Les blogueurs se sont multipliés … et sont suspectés d’être des ennemis politiques. D’où la multiplication de blogueurs « pro régime ».

Perseverare diabolicum ?

Évidemment, la réaction générale occidentale, mais aussi communiste asiatique, pense que l’urgence est de développer le secteur privé. Mais le blocage politique demeure, et chacun cite le vieux proverbe catholique : « On peut se tromper, mais persévérer dans l’erreur est diabolique ».

Or ce nouveau président, n’étant pas « un Castro », sera peut-être moins intouchable… quoique deux membres de la famille fondatrice ne soient pas loin dans la hiérarchie du parti communiste.

Et puis il y a Internet et ses idées subversives. Bref un changement est possible.

Toutefois cela irait à l’encontre de la tendance mondiale au renforcement des régimes autoritaires et des dictatures que l’on voit à l’œuvre en Chine, en Russie, en Iran, en Turquie et même en Inde, pourtant fière d’être la plus grande démocratie du monde.

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(*) Ouest France du 11 déc 2020 : Cuba : le salaire minimum multiplie par 5 le prix du pain.
« La réforme fera disparaître en six mois le peso convertible ou CUC, aligné sur le dollar et né justement en 1994 pour accompagner puis remplacer cette devise. Ne restera que le peso cubain ou CUP, qui vaut 24 fois moins. »

(**) La Presse (Canada), 20 nov 2020 : Cuba face au défi d’attirer les touristes 
« Financièrement, il y a urgence : privé de ce moteur économique (2,645 milliards de dollars en 2019), Cuba a dû réduire de façon importante ses importations, qui couvrent habituellement 80 % de ses besoins alimentaires. Partout, les files d’attente face aux supermarchés s’allongent, avec des pénuries de café, lait, papier toilette… »

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Yves Montenay

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