Hervé Hamon, professeur de philosophie puis écrivain, dresse une réflexion poétique sur les îles, ces morceaux de roche embrassés d’écume. Les îles, tantôt luxuriantes, tantôt austères, toujours rêveuses, sont le miroir des convoitises humaines.
Combien y a-t-il d’îles dans le monde ? On a beau dire que lorsqu’on aime, on ne compte pas, et tel est bien l’objet de ce superbe Dictionnaire amoureux des îles. Savoir un peu de ce qu’on parle avant de prendre le grand large, aide tout de même à s’orienter. Traditionnellement, les îles sont considérées comme des enjeux stratégiques et géopolitiques mais, dans le contexte actuel de mondialisation et de changement climatique, la manière de les appréhender tend à évoluer. 460 000 îles sont référencées dans une base de données constituée par le programme des Nations Unies pour l’Environnement et l’Institut de Recherche pour le Développement. Grand amoureux de la mer et de la navigation, Hervé Hamon qui très tôt a été saisi par l’amour des îles dans sa Bretagne natale, nous conduit sur maintes d’entre elles : Batz, Belle île en mer, Bréhat, Capri, Clipperton, Guernesey, Jersey, Malte, les Marquises, Nauru, Ouessant, Ouvéa, Palaos, Pitcairn, Robben Island, Ré, Saint -Barthélemy, Sao Tomé, Saintes, Solovki, Tromelin. Les unes sont des lieux de détention, d’autres sont des endroits paradisiaques, le reste, des lieux de séjour estival, ou de vie permanente.
Le monde des îles est multiple, foisonnant, il se recrée en permanence, il oscille en sans cesse entre le rêve et la réalité. Les îles sont aussi séduisantes, elles nous disent, elles nous crachent la vérité de notre monde. Loin d’en constituer le refuge ou l’abri, elles parlent toujours cru. Les îles qui émergent de la mer sont en première ligne de notre vérité. Elles rassemblent nos mythes, nos sagas, nos aventures, nos projets avortés ou menés à terme, nos appétits et nos rêves. Elles sont notre plaque sensible. Les îles sont des épicentres du déclin de la biodiversité, tantôt havres, tantôt zones fragiles, tantôt les deux. Comment assurer la protection de ces milieux particuliers ?
Mais, au fait, à partir de quelle dimension le rocher devient île ? Et à partir de quelle taille l’île devient-elle Continent ? Ces questions n’ont rien de théorique : il suffit, pour s’en convaincre, d’observer la politique de poldérisation menée avec constance par la Chine populaire en mer de Chine méridionale, qu’elle voudrait transformer en mer chinoise. Il n’y a pas de consensus en la matière, du moins scientifiquement, mais il existe des définitions institutionnelles des îles qui ont des incidences pratiques. Ainsi, pour Eurostat, une île est une terre d’au moins 1 km² de superficie, habitée en permanence par une population statistiquement significative (supérieure ou égale à 50 habitants), non reliée au continent par des dispositifs permanents, et séparée de ce même continent par une étendue d’eau d’au moins 1 km de large.
Posséder une île permet d’exercer et de maintenir une puissance avec des moyens réduits. Tous les États maritimes cherchent à installer des bases dans les zones côtières et sur les îles. Ce fut le cas depuis l’Antiquité en Méditerranée. Plus près de nous, les États-Unis ont déployé des bases militaires dans l’archipel d’Hawaï (île d’Oahu) en 1887, sur l’île de Guam dans l’archipel des Mariannes à proximité de la fosse océanique éponyme en 1944 et, plus récemment, sur l’île de Diego Garcia dans l’archipel des Chagos, situé dans le Nord de l’océan Indien (1971), en accord avec le Royaume-Uni dont l’île dépend.
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