Au cours d’un séjour en Sibérie, Sophy Roberts découvre l’existence de nombreux pianos d’exception, en grande partie envoyés là-bas avant la révolution de 1917 puis durant le régime soviétique. L’auteure décide alors de partir à la recherche d’un de ces pianos perdus et s’enfonce dans le passé terrible de cette région glaciale.
Depuis La Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France, poème écrit durant les premiers mois de 1913 par Blaise Cendrars, qui a ensuite été illustré, mis en forme par l’artiste Sonia Delaunay et publié aux éditions Les Hommes nouveaux à la fin de l’année 1913 ; la Sibérie n’a cessé de fasciner et de susciter bien des vocations, des voyages ou des interrogations. C’est dire que cette immense terre de 13 millions de km2, peuplée aujourd’hui de quelque 28 millions d’habitants, ne se réduit pas seulement au bagne tsariste, ou aux camps du Goulag stalinien. Les Pianos perdus de Sibérie, s’inscrit bien dans cette veine, c’est une histoire extraordinaire. Celle d’une femme qui, au bout du monde, part dans la quête improbable d’un piano en Sibérie.
Cette histoire, que Sophy Roberts raconte dans son livre, c’est également la narration d’un voyage, d’un retour au passé et à la nature. Au cours d’un séjour en Sibérie, Sophy Roberts découvre avec étonnement que sur cette terre méconnue et hostile demeurent de nombreux pianos d’exception, en grande partie envoyés là-bas avant la révolution de 1917 puis durant le régime soviétique, tant cet instrument bourgeois fut banni des foyers russes. L’auteur décide alors de partir à la recherche d’un de ces pianos perdus et s’enfonce dans le passé terrible de cette région glaciale. C’est ainsi que se déploie une quête qui nous fait voyager dans des paysages à la fois enchanteurs et terrifiants.
Parmi les nombreux faits qui se produisent en ces immenses terres, si lointaines, mentionnons l’épopée de quelques françaises qui ont suivi le sort de leurs époux déportés. Le 14 décembre 1825, des membres nobles de sociétés secrètes de Saint-Pétersbourg firent une tentative de coup d’État entrée dans l’histoire comme l’insurrection décembriste. Les conspirateurs cherchaient à empêcher Nicolas Ier d’accéder au trône et militaient pour l’abolition de l’autocratie et du servage. L’empereur punit sévèrement les rebelles : certains furent exécutés, d’autres envoyés en exil. Les épouses des « criminels d’État » se virent proposer le droit au divorce, mais elles préférèrent partager le sort de leurs conjoints et les suivirent en Sibérie. En renonçant à leurs statuts et privilèges, en se séparant de leurs enfants et proches, ces femmes devenaient épouses de bagnards, alors que les enfants qui pouvaient naître en Sibérie allaient devenir des serfs de l’État.
L’exploit des femmes russes fut salué par des écrivains, des poètes et des metteurs en scène. Pourtant, on se souvient rarement des Françaises qui figurent parmi elles : il s’agit des compagnonnes fidèles des trois décembristes Annenkov, Ivachev et Troubetzkoï. Entre carnet de voyage et récit littéraire mêlant l’aventure à l’intime, Les pianos perdus de Sibérie nous fait arpenter un continent fascinant pour retracer plus de deux cents ans d’Histoire russe enfouis dans des instruments capables comme aucun autre de bouleverser l’âme humaine. Qui sait par exemple qu’il existe une église catholique polonaise (où s’est rendu l’auteur de cette recension) à Irkoutsk, qui a compté jusqu’à 1 400 fidèles ? Depuis l’insurrection polonaise de 1830 jusqu’aux années 1950, la Sibérie a accueilli, parmi tant d’autres, des vagues de déportés polonais.
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