5 mai 1821, 17h49. À Sainte-Hélène, Napoléon Bonaparte expire. Le décès, dû à un ulcère cancéreux à l’estomac, est constaté par son fidèle médecin corse, François Antonmarchi, bientôt suivi des officiers britanniques de l’île. Une exposition aux Invalides revient sur les derniers moments de l’Empereur.
Deux siècles plus tard, alors que le choix de célébrer le bicentenaire de celui qui fut empereur des Français fait débat, le musée de l’Armée revient sur sa mort et le retour de ses cendres. En partenariat, entre autres, avec la fondation Napoléon, l’institution enquête sur les dernières heures du monarque et sur son héritage.
Le mercredi 31 mars dernier, l’inauguration – virtuelle, pandémie oblige – de l’exposition a vu des prises de parole du général Henry de Medlege, directeur du musée de l’Armée, de Thierry Lentz, directeur de la fondation Napoléon, et de Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée à la mémoire et des anciens combattants auprès de la ministre des Armées. La représentante du gouvernement le rappelle, « Napoléon n’est plus, et pourtant il est toujours présent » et « particulièrement ici aux Invalides », lui qui a « tant fait pour le rayonnement de ce lieu ». Après deux cents ans, c’est finalement l’Hôtel du 7e arrondissement qui offre toute sa visibilité à l’empereur, comme en un contre-don posthume.
Cette exposition, insiste Emilie Robbe, conservatrice en chef du patrimoine du musée, n’est « pas conçue comme une célébration, pas conçue autrement que comme une interrogation ». Il s’agit de revenir sur l’image de l’empereur déchu à travers sa mort, comment « durablement, dans sa mort, il est devenu ce qu’il est aujourd’hui ».
A lire aussi : Napoléon, de la réalité au mythe. Entretien avec Thierry Lentz
De nombreux objets du quotidien
Pour ce faire, le musée expose des œuvres d’art où apparaît Napoléon mort ou mourant, mais aussi de nombreux objets qui l’ont entouré ou qu’il a légués. On retrouve le lit de campagne où il agonisa, couche que, dit l’historien Pierre Branda, il préférait aux lits plus confortables des palais. On retrouve également son célèbre tricorne, l’épée d’Austerlitz et l’un des masques mortuaires qui servirent à l’entretien de sa mémoire. En effet, explique Léa Charliquart, commissaire de l’exposition, si Napoléon n’est plus à sa mort le grand souverain qu’il fut, son médecin a voulu faire perdurer la gloire de son génie et subtilisa le masque réalisé par un confrère britannique avant de lancer une souscription en vue d’une reproduction industrielle. Celle-ci fut si massive qu’on ne sait, aujourd’hui, quel fut l’original, malgré l’usage récent de technologies comme la photographie UV et la modélisation 3D.
Pièce maîtresse de l’exposition, le testament de Napoléon, conservé depuis le milieu du XIXe siècle dans une armoire de fer des Archives nationales, est de sortie. S’y lisent les deux facettes de l’homme, l’homme privé qui lègue ses biens personnels à son fils, son argent à ses compagnons d’exil et des legs collectifs aux vétérans, et l’homme d’État qui souhaite que ses cendres reposent « sur les bords de la Seine, au milieu de ce peuple français [qu’il a] tant aimé ».
Si son vœu n’est pas exaucé, ses restes mortels sont bien rapatriés à Paris en 1840, après bien des pétitions, lorsque Thiers décide du retour des « cendres » de l’empereur qu’il accueille le 15 décembre aux côtés de Louis-Philippe aux Invalides. L’auteur de l’Histoire de la Révolution française et de l’Histoire du Consulat et de l’Empire comme le roi non plus de France, mais des Français sont soucieux de l’héritage d’un souverain dont le convoi funèbre est regardé, semble-t-il, par 800 000 Français. La mission de Sainte-Hélène, menée par le prince de Joinville qui commande la frégate Belle Poule – dont une réplique miniature est exposée –, apparaît comme un pèlerinage.
Objet sans doute le plus original, mais aussi le plus mystérieux, la boîte des clés du cercueil est présentée. S’y logent pas moins de cinq clés, dont l’une dans le lacs de soie cachetée, les clés d’apparat en double, une autre clé d’usage et une dernière dont l’emploi pose encore question.
Le mot de la fin de cette visite virtuelle revient à Emilie Robbe, qui présente la reprise en micro-mosaïque de la très christique toile d’Horace Vernet où apparaît l’empereur auréolé et en uniforme sortant de son tombeau au milieu d’une végétation abondante et saturée de symboles. « Le dernier legs de Napoléon à Sainte-Hélène, c’est son martyre », dit-elle. Sans doute les admirateurs de l’empereur y seront-ils sensibles.
L’exposition est à découvrir à cette adresse.
A lire aussi : Napoléon et l’Europe. Entretien avec Jacques-Olivier Boudon