Le secrétaire d’État américain, en visite à Séoul, a déclaré que les liens économiques qu’entretient la Chine avec Pyongyang lui confèrent une « influence considérable » et un « intérêt commun » à mettre fin au programme nucléaire. Quelques heures plus tôt, le responsable nord-coréen Choe Son-hui avait qualifié les tentatives de l’administration Biden de contacter Pyongyang de « coup bas ».
De Park Chan-kyong
Traduction Alban Wilfert pour Conflits
Article original paru sur le South and China Morning Post
Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a demandé à la Chine de faire usage de son influence auprès de la Corée du Nord pour l’aider à faire pression sur elle afin qu’elle abandonne son programme nucléaire.
M. Blinken, qui s’est exprimé à Séoul dans le cadre d’un voyage visant à renforcer les liens de Washington avec ses alliés japonais et sud-coréen, a déclaré que la « relation unique » entre Pékin et Pyongyang signifiait que la Chine avait un « rôle primordial » à jouer dans les efforts visant à la dénucléarisation. La Chine est le plus grand partenaire commercial et soutien diplomatique de la Corée du Nord.
« L’essentiel des relations économiques et commerciales de la Corée du Nord passe par la Chine, ce qui confère à cette dernière une influence considérable. Je pense qu’elle a intérêt, au même titre que nous, à s’assurer que nous agissons sur le programme nucléaire de la Corée du Nord et sur son programme de missiles balistiques, de plus en plus dangereux », a déclaré M. Blinken.
M. Blinken a également critiqué la Corée du Nord pour ses graves violations des droits de l’homme et a déclaré qu’il était envisagé tant de « faire pression » que de passer par les « options diplomatiques » pour traiter avec Pyongyang, marquant ainsi une rupture avec le ton moins conflictuel qui était celui de l’ex-administration Trump. Il a indiqué qu’il profiterait de sa rencontre avec des responsables chinois à Anchorage, en Alaska, prévue pour jeudi, pour faire pression sur Pékin afin d’obtenir une intervention de sa part.
« Pékin a un intérêt, un intérêt personnel évident, à participer à la poursuite de la dénucléarisation de la RPDC », a déclaré M. Blinken, faisant référence au nom officiel du Nord, la République populaire démocratique de Corée.
« C’est une source d’instabilité et, à ce titre, de danger. C’est évidemment une menace pour nous et nos partenaires, mais la Chine a un réel intérêt à aider à régler ce problème », a-t-il ajouté.
Quelques heures plus tôt, un haut responsable nord-coréen, Choe Son-hui, avait critiqué les tentatives de l’administration Biden de contacter Pyongyang, les qualifiant de « coups bas » qui n’obtiendraient pas de réponses tant que Washington n’aurait pas mis un terme à ses politiques hostiles. La déclaration de Choe, premier vice-ministre des Affaires étrangères du Nord, constitue le premier rejet formel de l’approche de Washington sous l’administration Biden, qui a pris ses fonctions en janvier.
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Froideur américaine
La Maison-Blanche a déclaré au début du mois qu’elle avait pris contact avec la Corée du Nord, mais que cette dernière n’avait pas réagi, sans donner plus de détails. Mais selon l’agence de presse étatique nord-coréenne KCNA, Choe a déclaré qu’on avait tenté de contacter Pyongyang par e-mail et par messages téléphoniques, à travers plusieurs canaux, y compris via un pays tiers. « Depuis l’émergence du nouveau régime, on n’entend plus rien d’autre des États-Unis qu’une théorie démente de « menace nord-coréenne » et une rhétorique infondée de « dénucléarisation complète » », a déclaré M. Choe.
S’adressant aux journalistes, M. Blinken a refusé de détailler davantage le plan suivi par les États-Unis à l’égard de la Corée du Sud, et a souligné qu’ils étaient en train de revoir leur politique tout en consultant étroitement leurs alliés. Cela devrait être l’affaire de quelques semaines, a-t-il dit. M. Blinken, qui a tenu jeudi matin des entretiens en « 2+2 » avec le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, et leurs homologues respectifs sud-coréens, Chung Eui-yong et Suh Wook, a également reproché à la Chine de saper l’autonomie de Hong Kong, de montrer les muscles devant Taïwan et de revendiquer des droits maritimes en mer de Chine méridionale.
Lors d’une conférence de presse conjointe organisée à l’issue des entretiens, M. Blinken a déclaré que les États-Unis et la Corée du Sud étaient « lucides quant à l’incapacité constante de Pékin à respecter ses engagements » dans ces domaines, ajoutant que les responsables ont discuté « de la manière dont le comportement agressif et autoritaire de Pékin menace la stabilité, la sécurité et la prospérité de la région indo-pacifique ». Choi Kang, vice-président de l’Asan Institute for Policy Studies, a déclaré que la Corée du Sud ne rendrait pas publiques les préoccupations partagées avec les États-Unis concernant une Chine agressive, afin d’éviter de froisser la Chine, avec laquelle le pays entretient des relations commerciales considérables.
Dans leur déclaration, les deux parties se sont engagées à travailler ensemble sur des problématiques régionales, allant du changement climatique au coronavirus, sans oublier le commerce. Elles ont également supervisé la signature d’un nouvel accord sur le financement par Séoul des 28 500 militaires américains présents dans le pays. La déclaration commune a également « souligné l’importance » de la coopération trilatérale entre la Corée du Sud, les États-Unis et le Japon, et s’est engagée à « continuer à promouvoir une coopération mutuellement bénéfique et tournée vers l’avenir afin de favoriser la paix, la sécurité et la prospérité dans la région ».
M. Choi, de l’Institut Asan, a déclaré que la Corée du Sud était prête à intensifier la collaboration trilatérale, tant que celle-ci se limitait à la question des rapports avec le Nord. « Toutefois, il lui est difficile de céder à la pression américaine visant à transformer l’alliance tripartite en un front commun contre la Chine », a déclaré M. Choi.
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