Les interventions au Haut-Karabakh, en Syrie, en Libye ou en Méditerranée orientale ont permis à Recep Tayyip Erdoğan de masquer tout un pan de sa politique. En effet, en investissant pleinement le terrain de la géopolitique, le président turc a sans nul doute voulu faire passer au second plan les difficultés auxquelles il est confronté sur le terrain économique. Un choix qui pourrait lui coûter sa place en 2023 ?
Pays respecté sur la scène internationale, État situé au carrefour des voix d’approvisionnement énergétique et disposant d’une position d’interface entre Europe, Asie et Afrique, la Turquie n’en est pas pour autant une puissance économique de rang mondial. En arrivant au pouvoir en 2003, R.T. Erdoğan forme un contrat social avec la population : une obéissance aux normes édictées par le pouvoir en échange de la prospérité économique. Si la croissance moyenne annuelle du PIB, depuis 2002, est de 5%, le coup d’Etat de juillet 2016, les différentes prises de position gouvernementales qui l’ont suivie et l’intense activité du président turc dans la région ont fortement atteint la puissance économique du pays.
En effet, le taux de croissance est tombé à 3,5% et, depuis fin 2018, le pays est officiellement en récession. La crise du coronavirus n’a fait qu’aggraver cette situation et la Turquie n’a pas échappé aux conséquences financières et commerciales dues à la rétractation des échanges internationaux qui ont suivi la pandémie. En effet, entre janvier et septembre 2020, les exportations ont diminué de 10,9% et les importations n’ont progressé que de 1,5%. Mais en réalité, la Turquie ne s’est jamais vraiment remise de la crise mondiale de 2008, car on observe une diminution progressive du PIB depuis cette date, passant de 10% de croissance annuelle, en moyenne, à la fin de la dernière décennie à une récession aujourd’hui. Mais cette crise profonde trouve sans doute ses causes dans la structure même de l’économie du pays.
Selon l’Institut de statistique turc, face à l’agriculture qui ne représenterait que 6% de la richesse nationale, le secteur tertiaire représente 63% de cette dernière. De plus, ce secteur est également le premier pourvoyeur d’emploi, car il est à l’origine de plus de la moitié des emplois du pays. Le tourisme, qui fait partie intégrante du secteur tertiaire, qui représente près de 4% du PIB et demeure, en ce sens, comme une source majeure de devises étrangères pour la nation, a été fortement impacté par la pandémie. Un élément qui aura donc des répercussions sur l’ensemble de l’économie turque. À ce manque de diversification économique, que la pandémie a ainsi mis en lumière, s’ajoute un taux de chômage avoisinant les 15% de la population active, une situation qu’Ankara n’arrive pas à endiguer.
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