Miracle pour les uns et catastrophe pour d’autres, la fondation de l’Etat d’Israël en 1948 fut un événement que le temps long ne laissait nullement pressentir. Affadie et devenue plus abstraite au fil du temps, l’éventualité d’un retour d’exil du peuple juif fut longtemps l’apanage des seuls utopistes, voire d’esprit franchement dérangés. La naissance de l’Etat moderne d’Israël n’aura ainsi résulté ni d’un messianisme, ni d’un complot, ni d’une fatalité.
Les pères fondateurs
Il aura fallu, en vérité, des concours de circonstances improbables et une somme de hasards comme l’histoire en offre rarement pour qu’un vœu millénaire ou qu’un idéal nostalgique puisse se muer en une réalité tangible. Il aura fallu deux cataclysmes mondiaux pour donner corps à ce qui n’était jusque-là que douces rêveries ou vaines illusions ; le premier pour envisager à la face du monde l’éventualité d’un « foyer national juif » en Palestine, et le second, marqué par la tragédie, pour transformer cette éventualité en évidence étatique. Pour autant, et à supposer même que tout eût été écrit, rien n’était acquis. Il aura fallu surtout des personnalités d’exception pour faire accepter cette folle idée du sionisme qui à l’origine n’avait suscité que mépris ou commisération. En particulier chez les rabbins qui attendaient le retour du Messie qui seul aurait autorisé la fin de l’exil. A chaque étape du sionisme sera donc apparue une figure pour incarner et assumer, chacune à sa façon et selon son style, le destin du peuple juif. Après Théodor Herzl le visionnaire, succéda Haïm Weizman l’initiateur (1874 -1952), qui avoua « Il ne suffit pas d’être fou pour devenir sioniste, mais cela aide ». Puis lui succéda le fondateur Ben Gourion (1885 – 1973) qui résuma dès 1916 sa conviction : « Une patrie on ne la prend pas, on ne l’obtient pas comme un cadeau, on ne l’acquiert pas par des concessions, ni des traités politiques. On ne la saisit pas non-plus par la force brute. Une patrie, on la construit à la sueur de son front ». Une autre figure apparemment plus controversée est présente au panthéon de Georges Ayache, celle de Vladimir Jabotinsky (1880 – 1940) le révisionniste, le père de l’idéologie nationaliste, voire ultra nationaliste, devenue aujourd’hui une composante essentielle du spectre politique israélien.
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Des grands hommes d’Etat
Après la génération des pères fondateurs, vint celle des hommes d’Etat, des ministres, des grandes figures, comme Menahem Begin (1913 – 1992), Golda Meir (1898 – 1978) la forteresse, Moshe Dayan (1915- 1981) la légende, Abba Ebban (1915 – 2002) le diplomate, Yitzhak Rabin (1922 – 1995) le Juste, un vrai faucon, qui fut assassiné par un extrémiste juif. Puis se succédèrent Ariel Sharon (1928 – 2014), César d’Israël, Shimon Peres (1923 – 2016) le survivant. La seule grande figure d’Israël méconnue du grand public est celle d’Isser Harel (1912 – 2003) l’homme de l’ombre, créateur du Mossad. Le sionisme de gauche qui avait été le courant dominant durant la période des pionniers et de la construction de d’Israël, a quasiment disparu aujourd’hui de la scène politique et du paysage intellectuel. Lors des élections du 9 avril 2019, le parti travailliste n’a obtenu que 4,4% des voix et six sièges sur 120 à la Knesset. Il est loin le temps qui vit quatre Premiers Ministres issus du Mapaï, qui se fondit en 1968 dans le parti travailliste : David ben Gourion, Moshe Sharett, Levi Eshkol et Golda Meir. Depuis le basculement qui s’est opéré en 1977, avec la victoire inédite du Likoud de Menahem Begin, la gauche n’a été au pouvoir que sept années sur 42.