<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Nouvelle-Zélande : un autre modèle

20 septembre 2020

Temps de lecture : 5 minutes

Photo : Moutons en Nouvelle-Zélance (c) Revue Conflits

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Nouvelle-Zélande : un autre modèle

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À partir de 1984, la Nouvelle-Zélande a radicalement changé son modèle économique agricole en arrêtant les subventions aux agriculteurs, en ouvrant son marché, en supprimant un grand nombre de normes et d’agences gouvernementales. Conduit par des gouvernements aussi bien travaillistes que conservateurs, ces réformes ont fait du pays un poids lourd de la production agricole mondiale, notamment dans les domaines du lait et de la laine. Un modèle original à l’opposé de ce qui est suivi en Europe.

La Nouvelle-Zélande n’est pas uniquement le pays du rugby, des All Blacks et du haka. C’est aussi un important pays agricole, notamment dans le secteur du lait et de l’élevage. Là aussi, les maillots noirs occupent les premières places des championnats du monde. Pays développé et tertiarisé, occupant le 6e rang mondial pour l’IDH (France, 20e), la Nouvelle-Zélande a néanmoins un secteur agricole qui génère une partie importante de son PIB : 5 % contre 1,76 % pour la France, ce qui détonne par rapport aux autres pays occidentaux. 90 % de ses surfaces arables sont utilisés pour le pâturage et le secteur laitier génère près de 28 % des exportations agricoles. Que ce soit pour le lait, la laine ou la viande d’agneau, la Nouvelle-Zélande est l’acteur incontournable qui donne le ton aux marchés mondiaux et qui impose ses cours. La production laitière a doublé entre 2005 et 2020, atteignant des volumes équivalents à ceux de la France, sur une surface deux fois moins grande. Les fermes sont de taille importante, avec une moyenne de 410 vaches laitières sur 147 ha. Centrée sur le pâturage, la production par vache est de 4 300 litres. Le pays exporte 95 % de sa production et participe à 30 % des échanges mondiaux. Autant dire que c’est un pays qui compte sur la planète lait, et qui reçoit des visites régulières des paysans français avertis comme des étudiants qui viennent étudier la pratique néo-zélandaise.

Outre ses résultats et son poids dans le marché agricole mondial, la Nouvelle-Zélande se distingue aussi par le modèle économique et administratif choisi. Alors qu’elle était très fortement socialisée et étatisée jusque dans les années 1980, le pays a connu une importante politique de libéralisation à partir de 1984. C’est à ce moment-là que l’agriculture néo-zélandaise s’est fortement développée et a commencé à compter sur les marchés mondiaux.

Les réformes de 1984

À la fin des années 1950, la Nouvelle-Zélande se classait en troisième position pour le revenu mondial par habitant. En 1984, le pays avait été rétrogradé à la 27e place. Il semblait alors prendre la direction de l’Argentine, naguère grande puissance économique et agricole dans les années 1920-1930, avant d’être constamment et régulièrement déclassé à partir des années 1950, allant de banqueroutes en dévaluation. Entre 1975 et 1984, le Premier ministre conservateur Robert Muldoon[1] (National Party) mena la politique du Think Big consistant en d’importants investissements étatiques et en des politiques de relance de type keynésien. Las, impôts et dettes ne cessèrent d’augmenter et avec eux le chômage. Ce fut une période d’inflation, de pénuries et de départs des jeunes Néo-Zélandais éduqués qui se voyaient proposer des avenirs plus radieux dans les autres pays du Commonwealth. Muldoon imposa un contrôle des prix et des salaires afin de juguler l’inflation et augmenta les tarifs douaniers, ce qui dégrada la monnaie et la situation économique de la Nouvelle-Zélande. Vaincu en 1984 par le travailliste David Lange, il fut remplacé à sa charge de ministre des Finances par Roger Douglas. Bien que travailliste, ce nouveau gouvernement mena une politique de libération de l’économie et notamment du secteur agricole. Diminution drastique des normes et des contraintes administratives, suppression des subventions, baisse des tarifs douaniers, démantèlement des monopoles étatiques, suppression des commissions et des agences gouvernementales, etc.

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En 1984, les aides gouvernementales représentaient environ 44 % des revenus des éleveurs de moutons. Le principal débouché de cet élevage est la viande d’agneau qui à l’époque se vendait 12,50 dollars la bête sur le marché mondial. L’État donnait en sus aux éleveurs le même montant. Douglas mena une politique radicale et brutale en supprimant en un an l’ensemble des subventions, chose qu’il fit d’autant plus facilement que les éleveurs étaient des électeurs du National Party. Il ne transigea nullement face à colère des éleveurs, qui modifièrent rapidement leur façon de percevoir l’élevage en misant sur la qualité et la montée en gamme. En moins de trois ans, ils parvinrent à vendre leur agneau 30 dollars, au lieu des 12,50 dollars initial. En 1994, l’agneau se vendait 74 dollars et 115 dollars en 1999. L’agneau de Nouvelle-Zélande est aujourd’hui vu comme une viande de qualité, présente dans les meilleurs boutiques et restaurants du monde. Moins de 1 % des éleveurs arrêtèrent leur activité à la suite de ces réformes, la quasi-totalité s’est maintenue dans cette filière qui domine aujourd’hui les marchés mondiaux.

Autre fait marquant, devenant plus rentables et générant davantage de revenus pour les paysans, les entreprises familiales ont augmenté, alors que les grandes entreprises capitalistiques ont régressé. Des mesures visiblement populaires puisque le gouvernement travailliste gagna les législatives de 1987. Revenu au pouvoir en 1990, le Parti national a poursuivi et approfondi les réformes de libération menées par les gouvernements précédents. Le nombre de fonctionnaires dévolus à l’agriculture n’a cessé de diminuer dans le même mouvement que celui des subventions et des tarifs douaniers. Ces derniers sont passés de 27 à 7 % entre 1986 et 1997. Les effectifs des administrations publiques ont été réduits de 66 % ; la part de l’État dans le PIB est tombée de 44 à 27 %. Le budget de l’État est alors devenu excédentaire, ce qui a permis de réduire la dette publique de 63 à 17 % du PIB. Ce qui a permis de réduire de moitié le taux d’imposition sur le revenu et de supprimer un certain nombre de taxes annexes. Le gouvernement mit en place une réforme de la fiscalité, en ne maintenant que deux impôts principaux : un impôt sur le revenu et un impôt sur la consommation, ce qui se rapproche de la flat tax mise en place en Russie et dans les pays baltes.

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La progressivité du système fiscal a été également grandement réduite. Pour les revenus élevés, le taux d’impôt de 66 % pour la tranche supérieure est passé à un taux uniforme de 33 %. Pour les plus faibles revenus, un taux de 19 % a été retenu, alors que les tranches inférieures étaient auparavant taxées à 38 %. Une taxe unique sur la consommation de 10 % a été fixée et tous les autres impôts ont été supprimés : impôts sur les plus-values en capital, sur le patrimoine, etc. Cette baisse drastique des impôts a été suivie d’une augmentation des recettes fiscales estimées à environ 20 %, illustrant une fois de plus le théorème démontré par la courbe de Laffer. La baisse des impôts a également permis un accroissement de la richesse de la population, alors plus à même d’acheter les denrées de qualité produites par leurs agriculteurs.

Laitages et pâturages

L’agriculture néo-zélandaise est dominée par la coopérative Frontera, un des leaders mondiaux de la production de lait, créée en 2001 à l’issue de la fusion de New Zealand Dairy Group et Kiwi Cooperative Dairies. Basée à Auckland, elle compte 15 800 salariés et plus de 10 000 éleveurs néo-zélandais. Le pays est le premier exportateur mondial de lait, impactant directement les prix de vente des cours mondiaux. Le lait est transformé pour être vendu sous différentes formes : crème, poudre, beurre. Afin de minimiser les coûts de production, la production de lait est alignée sur la pousse de l’herbe avec, de ce fait, une production quasiment nulle en juin et juillet. Le nombre moyen de têtes de bétail par exploitation est élevé (393 par exploitation laitière en moyenne, chiffre qui a plus que triplé en trente ans et a augmenté de plus de 120 % dans les dix dernières années), tout comme le chargement moyen par hectare (2,83 vaches laitières en moyenne par hectare lors de la saison, entre 1 et 2 en France suivant les régions). L’ensemble de ces facteurs permet à ces systèmes d’afficher des coûts de production parmi les plus faibles au monde.

La Nouvelle-Zélande est donc un modèle original, qui a choisi une autre voie que celle suivie par la PAC et l’Union européenne. Avec un certain succès depuis bientôt quarante ans qui a permis à ce pays océanien d’être l’un des grands leaders de l’agriculture mondiale.

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Photo : Moutons en Nouvelle-Zélance (c) Revue Conflits

À propos de l’auteur
Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé

Docteur en histoire économique (Sorbonne-Université), professeur de géopolitique et d'économie politique à l'Institut Albert le Grand. Rédacteur en chef de Conflits.

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