L’Union européenne est non seulement la zone commerciale du monde, mais c’est aussi le premier pourvoyeur d’aide au développement qu’elle destine à de nombreux pays du Sud, les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, ainsi qu’aux pays et territoires d’outre-mer. La plupart sont français et britanniques, il y a aussi quelques néerlandais.
Les relations historiques ont commencé avec l’adoption du traité de Rome en 1957, au moment où le processus de décolonisation était loin d’être achevé. A partir de cette date, dans le contexte de la guerre froide, l’Europe va devenir un acteur politique majeur sur la scène mondiale dans le domaine du développement.
À l’heure actuelle, les relations entre l’Union européenne et les pays et territoires d’outre-mer sont régies par la partie IV du traité sur le fonctionnement de l’Union (articles 198 à 204 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne), dont les dispositions sont périodiquement renouvelées par une décision du Conseil de l’Union européenne. Ce régime d’association entre l’Europe et les pays et territoires d’outremer repose sur les principes de libre concurrence et d’aide au développement.
La même stratégie de développement est mise en œuvre pour ces deux groupes de pays et territoires
L’architecture de l’accord de Cotonou
La montée en puissance des investissements de la Chine en Afrique. La Chine était devenue le partenaire du continent, dont elle détient la moitié de la dette extérieure. Ceci a modifié les conditions et les modalités de la politique de coopération européenne. Rappelons que 79 pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique sont signataires de la convention de Cotonou en l’an 2000 qui est le document de référence de la relation entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Ils entretiennent des relations privilégiées avec l’Union européenne de nature politique, économique et sociale. Les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique et les pays et territoires d’outre-mer utilisent tous les deux des financements au titre du Fonds européen de développement (FED) et de la Banque européenne d’investissement (BEI). Cela signifie que la même stratégie de développement est mise en œuvre pour ces deux groupes de pays et territoires. Cette politique a été longtemps considérée comme un modèle de partenariat entre le Nord et le Sud.
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Ensuite, l’accord de Cotonou révisé en 2005 sépare pour la première fois le volet développement à la base de subventions et le volet commerce. Ce dernier vise à normaliser les relations entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique conformément aux règles de l’OMC. Cette réforme va constituer un véritable tournant dans les relations de coopération entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Le respect de la bonne gouvernance, des droits de l’homme et du droit du travail imposés dans d’autres organisations internationales (FMI, Banque mondiale, OMC, OIT) et considérés comme des standards internationaux sont inscrits dans l’accord de Cotonou.
De son côté, la Chine ne poursuit pas de tels objectifs politiques, s’en tenant à une politique purement pragmatique à la recherche des matières premières et de marchés captifs pour toute la gamme de ses produits. L’aide européenne est, quant à elle, liée au respect de ces différentes dispositions. Pour beaucoup d’États comme pour les populations, il s’agit là d’une nouvelle « ingérence insupportable et d’une rupture avec le système des conventions de Lomé ». Aussi assiste -t-on à une remise en cause progressive du « modèle de Lomé » visant à mettre fin au système asymétrique des préférences commerciales non réciproques mais aussi à la disparition des aides automatiques. Les allocations seront désormais attribuées dans l’accord de Cotonou non seulement à partir des besoins mais aussi en fonction des performances du pays concerné. Les nouveaux accords consistent à introduire la réciprocité dans les relations commerciales entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique et à mettre en place des zones de libre-échange entre l’Union européenne et ses partenaires d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique regroupés au sein de blocs régionaux.
L’Union européenne comme modèle pour l’Afrique
De son côté après des années de négociations l’Afrique est parvenue à instituer une nouvelle zone de libre-échange en Afrique signée le 7 juillet 2019 à Niamey (Niger) lancée par l’Union africaine. Cet accord a été approuvé par 54 pays africains dont les puissances régionales comme l’Afrique du Sud, le Nigéria et l’Égypte. Il s’agit là d’un élément majeur dans le cadre des relations commerciales internationales qui auront des effets indirects sur les relations entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. L’Afrique représente un marché de 1,2 milliard de personnes et un PIB de plus de 2,3 milliards d’euros.
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Grâce aux préférences commerciales qu’ils s’accorderont mutuellement, ces pays membres devraient échanger entre eux des biens plutôt que de les importer des pays tiers. On assiste donc à la réalisation d’un véritable marché unique des biens, des services, une libre circulation des entreprises et des investissements ainsi qu’une union douanière chargée de réguler les tarifs. Ce modèle de coopération économique, fiscale et douanière qui s’inspire de celui de l’Union européenne sera-t- il en mesure d’atténuer les inégalités entre pays africains et l’extérieur ? S’il est encore trop tôt pour le dire les auteurs en explorent toutes les données.
Un avenir incertain pour ces groupes
Aussi la question de base se pose : quel est l’avenir pour les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique ainsi que des pays et territoires d’outre-mer et la relation avec l’Union européenne ? De nombreuses critiques ont été faites à propos de l’absence de décollage économique des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, la fragmentation du Groupe ACP lors des négociations à Bruxelles, une coopération déséquilibrée entre le Nord et le Sud qui serait fondée sur une relation unidirectionnelle ou encore des parts de marché en chute pour le Nord et le Sud. Quelques solutions sont possibles notamment en direction de l’économie bleue, du tourisme ou encore un renforcement et une diversification des pôles de coopération dans l’espace économique mondial : ACP-BRICS, ACP-USA, ACP-Inde… Dans ce partenariat entre le Nord et le Sud, comment ne pas évoquer la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union-européenne ? Pour certains auteurs, les pays et territoires d’outre-mer semblent être « une espèce en voie de disparition » puisque douze d’entre eux devraient quitter cette catégorie en raison du « Brexit ». Il ne devrait rester que les pays et territoires d’outre-mer français et néerlandais. Pour d’autres, le retrait des pays et territoires d’outre-mer britanniques impliquerait une plus grande contribution pour le budget de ceux français…
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Ce sont toutes ces questions qui sont examinées dans ce solide ouvrage. Soyons-en bien conscient, à l’heure du post coronavirus, de la « démondialisation », de la lutte technologique et commerciale, qui ne s’apaise guère, si l’Europe veut encore peser sur les affaires mondiales, conformément à sa riche histoire, ses intérêts et ses valeurs, le maintien de rapports privilégiés avec les ACP, est essentiel.