L’Afrique reste marquée par l’animisme sur lequel des religions exogènes tentent de se superposer, sans arriver à l’effacer. Si l’on constate une descente de l’islam depuis le nord, qui avance vers la large bande sahélienne, et une introduction du christianisme à partir de la côte ouest et de la colonisation, les points de rencontre de ces deux spiritualités sont autant de points de failles et de conflits.
Il serait pour autant téméraire de conclure à des guerres de religion. Le fait ethnique est prédominant, et les guerres qui déstructurent les pays sont souvent des guerres tribales qui utilisent le fait religieux pour se démarquer de leurs adversaires et pour justifier leurs combats et leurs oppositions.
L’islamisme devient un justificatif pour camoufler des réseaux mafieux et criminels qui visent surtout l’enrichissement de leurs membres. Au nom de l’islam, des djihadistes pratiquent des enlèvements et des ventes d’êtres humains ou bien organisent la fuite des migrants, empochant au passage de substantiels bénéfices, le long de routes qui reprennent les antiques voies de la traite, mais cette fois vers l’Europe et non plus l’Amérique.
La survie du catholicisme en question
Pour beaucoup d’observateurs, l’Afrique est, pour le catholicisme, le continent de l’espérance, comme le fut au début des années 1980 l’Amérique latine. Quand on voit ce qu’est devenu ce dernier, on peut craindre pour le premier : ici, l’espérance risque d’être déçue. La christianisation de l’Afrique a à peine plus d’un siècle, et voilà déjà deux générations que les cadres politiques et culturels qui ont assuré la diffusion de la foi chrétienne ont disparu. Les grands noms du catholicisme africain qui se sont illustrés à Rome lors du synode sur la famille sont les enfants d’une structure évanouie dans les chimères de la décolonisation.
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C’est l’évangélisme protestant qui progresse partout, parce qu’il a su s’approprier les anciennes spiritualités enracinées au risque de construire un christianisme bancal. La Côte d’Ivoire est à cet égard emblématique des rapports de force à l’œuvre, elle qui a connu un président catholique, puis évangélique et enfin musulman. De même pour le Sénégal.
La résurgence des identités, qui accompagne l’essor de la mondialisation, ne peut que semer le doute sur la survie d’une foi importée d’Europe. D’autant que les cardinaux africains ont affirmé la spécificité de leur foi par rapport à celle des Européens. Le synode sur la famille a révélé le fossé existant entre la vision allemande de la famille, éclatée et recomposée, et la vision africaine. Les cardinaux Sarah (Guinée) et Napier (Afrique du Sud) ont été les fers de lance de l’opposition à la dissolution de la famille.
Colonialisme idéologique ?
Au-delà de cette passe d’armes, c’est l’indépendance idéologique du continent qui est en jeu, refusant le colonialisme idéologique imposé de l’extérieur. Au nom de l’humanitarisme et du développement, des ONG et des institutions mondiales essayent d’imposer des lois promouvant le divorce ou les unions homosexuelles en échange d’aides au développement et de moyens financiers. La tentation est grande de prendre l’argent et de brader la tradition.
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Lors de son voyage en Afrique, en novembre 2015, le pape François a plusieurs fois appelé les Africains à rejeter le colonialisme idéologique. Mais, pour l’Église, cette notion est une ligne de crête délicate à négocier. Car si l’on va jusqu’au bout de la logique du rejet du colonialisme idéologique, ne risque-t-on pas de rejeter le christianisme, foi exogène importée par le colon ? De même, l’Église est parfois prise dans des contradictions. Ainsi le pape qui, dans un discours aux jeunes du Kenya, les invite à vaincre le tribalisme et à construire la nation. Mais la nation est bien une idée importée d’Occident, et le tribalisme une réalité naturelle du sol africain.
Pour se pérenniser, le catholicisme doit donc s’incorporer dans une culture animiste pour lui substituer la culture de la romanité. C’est un immense défi qui est loin d’être relevé.