Le Maroc en 100 questions, Un royaume de paradoxes

14 juin 2020

Temps de lecture : 4 minutes

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Le Maroc en 100 questions, Un royaume de paradoxes

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Le Maroc entretient de bonnes relations avec tous les pays du monde, sauf l’Algérie et l’Iran. Persuadé d’être le plus européen des pays arabes et africains il est le premier bénéficiaire de l’aide publique et des attentions de l’Europe. Il se considère comme le plus africain et le plus berbère d’Afrique du Nord. Il se rêve enfin en grande puissance islamique, ayant à sa tête le chef le plus prestigieux de l’islam politique, descendant du Prophète.


 

Un pays né de différents horizons

Pleinement africain, arabo-berbère et méditerranéen, situé à 14 km du continent européen, frontalier de l’Espagne, ce royaume, grand État-nation de 36 millions d’habitants, a affirmé son image depuis l’avènement de Mohammed VI, à l’été 1999. Les Marocains, s’ils ont longtemps vécu repliés sur eux-mêmes et dans leurs montagnes, habitent aujourd’hui un pays ouvert internationalisé.

 

Les Marocains sont obligés de puiser dans les rapports sociaux, religieux et culturels qui sont les leurs, pour trouver des réponses aux pressions venues de l’extérieur. Le pays a redécouvert sous Mohammed VI sa pluralité culturelle et les apports multiples qui ont fabriqué son socle national :  berbérité, arabisme, judaïsme et islam, africanité et ancrage méditerranéen, à la fois hispanophone et francophone.

 

Combattre pour une liberté religieuse

Outre la nécessité de restaurer la diversité des islams marocains sous la houlette du Commandeur, s’impose aussi la nécessité de résister aux pressions intrusives des courants et des puissances fondamentalistes, et à combattre pied à pied pour une certaine liberté religieuse. Chose qui n’est pas aisée dans une société en proie au conservatisme religieux. D’autant plus que le terrorisme, longtemps jugé réservé à d’autres pays, a fini par rejoindre cette société en 2003, ce qui impose à l’État une vigilance de tous les instants, au risque de bafouer les droits fondamentaux. Il convient par ailleurs de maintenir le pays ouvert face aux apports culturels internationaux, au tourisme ou aux médias électroniques, afin de conserver intacts les liens avec le monde extérieur. Au fond, c’est toute la sphère culturelle, économique et religieuse qu’il faut mobiliser et réformer dans la direction souhaitée par les autorités.

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Préserver l’économie des intempéries et acteurs mondiaux

L’autre série de défis majeurs est de maintenir le cap de la croissance économique dans une période particulièrement agitée au cours des deux dernières décennies, des attentats de New York en 2001 – qui ont beaucoup frappé le royaume et dont le Palais a immédiatement perçu l’onde de choc – à la crise financière internationale de 2008, et des printemps arabes de 2011 au Hirak algérien de 2019. Le pays est contraint de s’ouvrir à la concurrence internationale et de se battre avec ses armes auprès des acteurs de l’économie mondiale : il use pour ce faire de ses ressources formelles et informelles, légales et illégales, de ses millions d’émigrés, de son soft power religieux et de ses atouts historiques et géostratégiques. Par temps de mondialisation libérale, et sous le regard des institutions financières internationales, cela relève d’une mission extrêmement difficile. Dans ce contexte reste la question politique.

 

Une monarchie qui rêve de démocratie

Le Maroc n’est pas une démocratie mais il aspire à le devenir. Le roi a presque tous les pouvoirs, mais Mohammed VI n’a pas la passion de gouverner de son père. Les Marocains sont conservateurs, pourtant les aspirations à la participation citoyenne et à la protestation contre les abus d’autorité sont fortes. C’est une monarchie parlementaire pluraliste, mais les partis politiques semblent épuisés et peu représentatifs. Le royaume a précipitamment réformé sa constitution en 2011, pour échapper aux printemps arabes, mais l’équilibre des pouvoirs semble à peine modifié. Face à ces défis, vagues politiques et aspirations démocratiques ont agité la décennie, du « mouvement du 20 février » en 2011 aux deux Hirak, le marocain du Rif en 2017 et l’algérien en 2019. Le Maroc ne peut plus arguer de la crise saharienne comme sous Hassan II pour faire taire toutes ces revendications au nom de l’« Union sacrée pour le Sahara ». S’il jette dans cette crise quarantenaire du Sahara occidental toutes les forces de sa diplomatie, les effets internes de cette affaire sont épuisés.

 

Des espoirs suscités par les élections de 2021

Tout change depuis la fin du XXe siècle, maintenant que les Marocains sont par millions sur les réseaux sociaux ou à l’écoute de la diaspora, de l’Europe et du monde arabe, par télévisions et Internet interposés. Au début de son règne, Mohammed VI et ses conseillers de la jeune génération avaient proposé un royaume rénové, plus libre, une nouvelle gouvernance et un contrat social rebâti. Force est de constater que ces promesses n’ont pas été tenues et que, quand bien même le Maroc de 2020 a beaucoup changé après ces vingt ans de règne, les fondamentaux de la gouvernance makhzénienne et de l’autoritarisme ont peu évolué. Fallait-il que tout change pour que rien ne change ? La riche année électorale 2021, au cours de laquelle – par les hasards du calendrier – la totalité des élections constitutionnelles se dérouleront au Maroc, nous dira si ce paquebot esquisse un virage ou bien s’il continue sur sa trajectoire originelle.

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À propos de l’auteur
Eugène Berg

Eugène Berg

Eugène Berg est diplomate et essayiste. Il a été ambassadeur de France aux îles Fidji et dans le Pacifique et il a occupé de nombreuses représentations diplomatiques.

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