Angola : rien sans le pétrole

9 juin 2020

Temps de lecture : 5 minutes

Photo : Installation d'une plateforme pétrolière en Angola © GUTNER/SIPA 00265330_000001

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Angola : rien sans le pétrole

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L’Angola est un cas unique en Afrique subsaharienne, avec une histoire « postindépendance » particulièrement troublée : une guerre civile de près de trente ans (1975-2002) au cours de laquelle les infrastructures et l’économie du pays ont été littéralement détruites ; une guerre civile qui s’est conclue par la victoire du gouvernement du MPLA1 – pendant de nombreuses années allié de Moscou et de La Havane, mais qui a initié, à partir des années 1990, une politique de pragmatisme national et a survécu à la fin du communisme et de la Guerre froide.

Un pays dépendant, notamment de la corruption

Les coûts de la guerre ont entraîné une dépendance presque absolue de l’économie aux exportations de pétrole, l’Angola rivalisant avec le Nigeria pour le rang de premier producteur de brut en Afrique subsaharienne. Entre la fin de la guerre en 2002 et le début de la chute du prix du pétrole en 2014, le pays a été le théâtre d’une course effrénée vers ses ressources énergétiques. Parallèlement aux sociétés pétrolières américaines et françaises sont apparus les Chinois, qui ont accordé des prêts très généreux en échange de participations dans l’exploitation du pétrole. Les entreprises chinoises sont intervenues dans les chemins de fer, les routes, le bâtiment. Ces infrastructures sont de piètre qualité, mais elles ont été faites avec de l’argent frais, l’Angola devant environ 40 milliards de dollars à Pékin Aujourd’hui, l’encours est de 23 milliards, mais le remboursement du capital et des intérêts de la dette absorbe près de la moitié de la production pétrolière du pays.

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La première décennie de paix a été celle de la croissance économique, mais aussi de la corruption, dont la famille présidentielle a donné l’exemple avec une politique de népotisme. Celle-ci a placé les enfants du président José Eduardo dos Santos, à commencer par l’aînée Isabel, à la tête de grandes entreprises publiques et privées dans les secteurs de l’énergie, des télécommunications et de la grande distribution. Luanda a été reconstruite, aujourd’hui elle a une belle skyline, mais les années de pétrole élevé et de paix n’ont pas été mises à profit pour opérer la reconversion nécessaire de l’économie. En 2017, pour des raisons de santé qui l’ont obligé à se faire soigner à l’étranger, et également sous la pression du MPLA et de l’opinion publique, José Eduardo dos Santos ne s’est pas représenté à la présidence de la République. Pour le remplacer, c’est le ministre de la Défense de l’époque et ancien Secrétaire général du Parti qui a été choisi, le Général João Lourenço, un homme discret qui a fait sa carrière militaire au sein du parti en tant que commissaire politique des Forces armées et Secrétaire général du Parti. Il a ensuite connu une traversée du désert mais est revenu au gouvernement. En 2017, le Comité central le choisit comme candidat à l’élection présidentielle qu’il remporta.

Ses cent premiers jours ont été marqués par une campagne contre la corruption endémique au sein de l’État et l’éloignement des personnalités liées à son prédécesseur, en particulier les enfants : Isabel dos Santos a été écartée de la présidence de Sonangol ; Zeno, un autre fils, président du Fonds souverain, a été arrêté pour détournement de fonds et contraint de restituer des montants détournés pour être libérés. Eduardo dos Santos a aussi tenté de résister pour ne pas quitter la présidence du Parti, mais il a fini par être également écarté du Bureau politique et de la direction du MPLA.

Un pays peu atteint par le coronavirus…

C’est dans ce cadre politique et de réformes que le Covid-19 a cueilli l’Angola et l’Afrique subsaharienne, qui ont enregistré des chiffres surprenants par leur impact très faible, moins de 10 décès et environ 100 cas positifs dans tout le pays. Les températures élevées, le très jeune âge de la population (la moitié des 30 millions d’Angolais ont moins de 15 ans et le nombre de sexagénaires n’atteint pas 3%). Mais la raison principale, selon les dirigeants et les épidémiologistes du pays, est due au fait qu’il s’agit de populations encore aujourd’hui sujettes à des épidémies de SIDA, de choléra, de typhoïde, de malaria, ce qui contribue à leur immunité et à celle de leurs descendants au coronavirus.

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Cependant, la question sanitaire est une chose, et l’Angola et l’Afrique tropicale et subtropicale en ont moins souffert ; une autre est la situation économique résultant de l’interruption des circuits économiques internationaux, de la chute des prix des matières premières et de la chute apocalyptique du pétrole enregistrée début mai.

… mais très touché par la chute du pétrole

Ces prix sont en train de remonter, la situation du pays est difficile, mais il y a deux ans, en mai 2018, une série de mesures négociées avec les grandes entreprises internationales par le gouvernement de João Lourenço ont modifié les conditions structurelles de la recherche, de la production et de la commercialisation du pétrole et du gaz naturel en Angola et révèlent aujourd’hui leur utilité.

Une nouvelle structure de régulation du secteur a alors été approuvée, partageant les pouvoirs de Sonangol (jusqu’alors décisionnaire souverain) avec l’ANPG – Agence Nationale du pétrole, du gaz et des bio-carburants ; Sonangol s’est retrouvée avec la recherche et la production, mais tout le reste, comme le régime des concessions, est passé sous l’emprise de l’ANPG. Elle a apporté des conditions plus libres et plus attrayantes pour le secteur du gaz naturel et davantage de facilité pour l’exploitation des champs marginaux (ceux qui produisent jusqu’à 4 millions de barils). Elle a libéré les conditions permettant aux entreprises internationales d’étendre leurs activités sans être soumises à la tutelle permanente de Sonangol.

Ce qui a eu des retombées positives pour l’industrie pétrolière angolaise, qui a maintenant attribué 6 nouveaux blocs dans le bassin de Namibie, à l’extrémité du pays, et prolongé les licences de certains des blocs déjà en cours d’exploitation, comme le bloc 17 (Total) jusqu’en 2045 ; le bloc 15 (Exxon) jusqu’en 2032 ; le bloc 14 (Chevron). Et qui prépare la construction de la raffinerie de Cabinda et l’appel d’offres pour la raffinerie de Soyo, ainsi que l’augmentation de la capacité de raffinage de la raffinerie de Luanda, ce qui permettra une diminution très importante du coût des produits pétroliers importés.

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Il faut ajouter que le coût moyen pondéré du baril de pétrole angolais est d’environ 20 dollars, c’est-à-dire qu’au-dessus de ces prix, l’exploitation est rentable. Lorsque les prix du brent approchent les 40 dollars début juin, la situation n’est nullement catastrophique comme certains la décrivent. Il existe des problèmes de liquidité à court terme et l’Angola, comme tous les pays de la région, attend les résultats de l’initiative du G20 sur l’allégement de la dette, dont le président João Lourenço a débattu au téléphone avec le président Macron début juin. Mais surtout, l’Angola dispose des conditions nécessaires à une stabilité politique de fond – car la guerre civile a accéléré l’urbanisation et la détribalisation du pays. Enfin, le pays bénéficie d’une homogénéité religieuse, la quasi-totalité de la population appartenant à des confessions d’origine chrétienne.

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À propos de l’auteur
Jaime Nogueira Pinto

Jaime Nogueira Pinto

Le Professeur Jaime NOGUEIRA PINTO est Docteur en Sciences Politiques, consultant sur l'Afrique auprès d'organisations internationales publiques et privées . Il a dirigé la revue Futuro Presente Jaime NOGUEIRA PINTO a publié plus d'une dizaine d'ouvrages sur l'histoire des idées ou le monde contemporain Il collabore régulièrement à différents médias et Think Tanks. Il est membre de la Real Academia de Ciencias Morales y Politicas à Madrid et de "The Heritage Foundation" à Washington.

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