<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> La fauconnerie, un sport-héritage dans la péninsule arabique

22 août 2020

Temps de lecture : 3 minutes

Photo : Fauconnier aux Emirats Arabes Unis (c) Pixabay

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La fauconnerie, un sport-héritage dans la péninsule arabique

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La fauconnerie est un symbole national important dans beaucoup de pays, mais nulle part sans doute elle ne figure à une place aussi prééminente que dans les pays du golfe Persique. C’est qu’elle y joue un rôle capital de justification des récits identitaires.

Les images de faucons et de fauconnerie sont devenues des emblèmes clefs de l’imaginaire nationaliste qui s’appuie sur le passé bédouin de la péninsule Arabique. Plus qu’un symbole, la fauconnerie est un sport activement pratiqué par beaucoup de nationaux de la région. On la présente localement comme un héritage sportif, un véritable “sport-héritage”. C’est aussi un sport élitiste. Comme la chasse au renard, le sport équestre ou même le yachting ou la Formule 1 dans d’autres pays, seule la “crème de la crème” peut se permettre d’être propriétaire de ces oiseaux (certains coûtent plus de 80 000 dollars) ou de participer à des excursions à l’étranger (les mesures d’interdiction et l’extinction locale des houbaras[*] empêchent la chasse dans les États du Golfe). Tout comme les propriétaires de voitures coûteuses cherchent à se faire voir avec leurs splendides véhicules, les fauconniers du Golfe s’exhibent volontiers en public avec leurs oiseaux de luxe.

 

Sports globalisés vs sports nationaux

Les États du Golfe n’ont pas promu la seule fauconnerie. Par exemple le Qatar a massivement investi pour accueillir des méga-événements comme la Coupe du monde de football en 2012, Abu Dhabi a installé sur l’île de Yas un impressionnant circuit de Formule 1 que les spectateurs peuvent contempler de leur yacht. La promotion dans toute la région de ces sports d’élite a rapidement constitué une dimension importante de leurs discours nationalistes qui visent à développer une image moderne et cosmopolite de ces pays. On peut ainsi considérer le sport comme “géopolitique” dans la mesure où il aide à reproduire des imaginaires territoriaux et des hiérarchies spatiales : il donne à penser que certaines nations sont supérieures à d’autres, à cause de la prouesse de leurs athlètes  ou de la qualité de leurs stades. Quand les élites du Golfe soutiennent les sports d’élite globalisés comme le football, la Formule 1 ou la voile, elles renforcent la prédominance de ces sports à l’échelle mondiale, et elles profitent en même temps de leur prestige.

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Cet effort nationaliste pour construire une image mondiale à travers les sports globaux diffère nettement des discours nationalistes qui entourent la fauconnerie. Plus qu’un simple élément de statut social, la fauconnerie dans le Golfe symbolise l’héritage bédouin. Elle fait ainsi partie d’un récit enraciné qui renvoie au mode de vie ancestral des Arabes. Mais en même temps que les États du Golfe ont entrepris un changement social et économique rapide, ils se sont engagés dans des institutions culturelles globalisées tel le sport.

Beaucoup d’habitants du Golfe ressentent alors l’anxiété de voir disparaître les cultures locales. Si beaucoup acceptent la diversité démographique de leur pays et considèrent la globalisation comme leur avenir, beaucoup d’autres se tournent résolument vers le passé et privilégient la préservation de la culture traditionnelle. En ce sens le nationalisme ressemble au dieu Janus avec ses deux faces. La crainte de voir la culture menacée par la globalisation alimente le roman de l’héritage national, et la fauconnerie y contribue.

La justification du pouvoir

Le slogan de l’héritage est incroyablement présent dans le Golfe. Il renvoie à la nécessité reconnue partout dans le monde de préserver les sites anciens et les pratiques traditionnelles mais il sert aussi de référence à l’identité ethnique des nations. Cela se manifeste par la multiplication des “villages de l’héritage” et des musées nationaux, ou par l’omniprésence des boutres associés à l’ancienne économie perlière. La promotion récente de la fauconnerie fait partie de cette tendance, en particulier dans les Émirats arabes unis. Elle débouche sur la demande de la reconnaissance de ce sport par l’UNESCO dans le cadre de son programme pour le patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Elle passe par de nombreux projets comme le Festival international de la fauconnerie, l’hôpital pour faucons d’Abu Dhabi et le Programme Sheikh Zayed[†] de libération des faucons.

 

Même si ces projets séduisent, il faut signaler que la fauconnerie du Golfe est profondément ethnicisée : elle est comprise comme une initiative des seuls nationaux. Elle semble apolitique ou simplement kitsch à un observateur superficiel, mais les discours qui l’accompagnent relèvent de la géopolitique dans la mesure où ils privilégient les nationaux du Golfe et où ils excluent les résidents étrangers, travailleurs immigrés pour la plupart, qui sont beaucoup plus nombreux. Ils servent un strict droit du sang et renforcent l’idée que les nationaux sont les seuls réellement chez eux dans la péninsule Arabique, qu’elle est vraiment leur terre, leur terre natale. Ils confortent les nationaux minoritaires dans l’idée qu’ils sont propriétaires de l’État. Ainsi la promotion de la fauconnerie travaille à renforcer les territoires et les revendications nationalistes (et non cosmopolites) de ceux qui considèrent que la péninsule est vraiment leur propriété.

Comme l’ont noté depuis longtemps les chercheurs, le sport est profondément politique.

 

 

 

[*] Type d’outarde qui constitue la proie préférée des chasses au faucon.

[†] Émir d’Abu Dhabi en 1966, il prend la tête des Émirats arabes unis de leur fondation en 1971 à sa mort en 2004.

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Photo : Fauconnier aux Emirats Arabes Unis (c) Pixabay

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Natalie Koch

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