Un discours qui casse les codes, une posture qui rompt frontalement avec les usages traditionnels de la politique italienne : voilà Matteo Salvini. Portrait d’un homme au parcours, à la pensée et au verbe perturbateurs.
Quel a été le parcours professionnel et politique de Matteo Salvini ?
Issu d’une famille de la petite bourgeoisie milanaise, il est, en ce sens, un pur produit de la Lombardie, terre à laquelle il est fortement lié. De ce point de vue, il n’est pas différent de ses compatriotes, car tous les Italiens sont attachés à leur région, leur village ou leur commune. Ils ont un sens viscéral de la communauté et de l’enracinement qui vient de leur histoire, puisque l’unité italienne n’a que cent cinquante ans d’existence. Matteo Salvini s’est engagé à la Ligue à 17 ans, dans son lycée à Milan, qui était à l’époque très à gauche.
Pourquoi s’est-il engagé si jeune ?
La chose politique le passionnait, tout comme l’histoire. Attiré par un tract de la Ligue qui disait « Je suis lombard, je vote lombard » et porté par l’attachement à ses racines, il s’est beaucoup impliqué dans ce parti régionaliste qui est né « pour la défense et la culture de la civilisation du nord de l’Italie ». La Ligue est un mouvement qui possède une forte identité, c’est une communauté politique. Il est ensuite rentré au conseil municipal de Milan à 20 ans où il s’est occupé de politiques quotidiennes locales, il y met en œuvre des actions de solidarité, élément intéressant dans la mesure où cela lui a fait connaître les attentes du peuple italien. Il plonge dans la société civile, tisse des liens, des réseaux. Pour résumer cette activité politique : les gens, il les connaît. Mais très pris par la politique, il a vite abandonné ses études, ce qu’il a longtemps regretté.
Comment la Ligue est-elle passée d’un mouvement régionaliste à un parti souverainiste d’envergure nationale ?
L’histoire de ce parti est en dents de scie. Bien que la Ligue ait été plusieurs fois au gouvernement avec Berlusconi, occupant des portefeuilles ministériels importants, celle-ci connait dans les années 2010 de fortes turbulences, toujours sous la direction d’Umberto Bossi : des scandales financiers et la maladie de Bossi ont fortement bouleversé l’architecture du mouvement. Un « cercle magique » s’est constitué autour de ce dernier, qui l’a peu à peu isolé des militants : la Ligue connait une traversée du désert, le charisme légendaire d’Umberto Bossi n’opère plus. Les résultats électoraux sont en chute libre, les électeurs se tournant vers le tout jeune Mouvement 5 Étoiles, ou bien retournant dans le giron du parti de Silvio Berlusconi. Lors du congrès de 2013, c’est tout naturellement que les militants élisent Matteo Salvini à la tête du parti. Il est l’un des leurs, et n’a jamais fait partie de ce « cercle magique » mal intentionné, ce qui lui donne toute sa légitimité pour reprendre les commandes d’un parti à l’agonie (à peine 4% aux dernières élections). Sous l’influence notamment de Lorenzo Fontana, il entreprend une opération de désenclavement politique de la Ligue, et fait évoluer le mouvement fédéraliste vers un parti identitaire et souverainiste : l’ennemi n’est plus le sud de l’Italie, mais il se trouve aujourd’hui à Bruxelles. Ainsi, tout régionaliste qu’il était, le mouvement prend une envergure nationale.
Et l’on peut ajouter que vu comme l’Union européenne a laissé l’Italie se débrouiller en 2015 avec la crise migratoire, et en 2020 avec l’épidémie de Coronavirus, cette méfiance envers Bruxelles trouve de tristes résonnances dans la réalité. N’oublions pas que les pays qui ont, très vite, envoyé des médecins et du matériel pour aider les Italiens à affronter leur dramatique épidémie, sont la Chine, la Russie de Poutine et…Cuba. Il sera prodigieusement intéressant de voir, dans quelques mois, comment cette épidémie a bouleversé la géopolitique mondiale.
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Pourquoi ce changement idéologique si radical ?
Des cercles de pensées, des rencontres et des colloques le font réfléchir. Il réalise que sa vision du Sud est entachée de préjugés, et que, s’il arrive au pouvoir, son programme politique doit être décliné au nord comme au sud. Influencé notamment par Lorenzo Fontana qui lui a fait connaître les arcanes de Bruxelles, il fait de l’Union européenne le nouvel enjeu politique. C’est ainsi qu’il a évolué et qu’il a pu faire évoluer son parti, sans renier pour autant le régionalisme, composante structurelle de l’histoire politique de l’Italie. Comme pour valider ce tournant politique, son parti est passé aux élections législatives en 2018 à 18% des votes (de 4% à 18% en moins de 5 ans), dépassant même le parti de Berlusconi).
Qu’en est-il de son expérience à la Radio Padania ?
Cette expérience au micro de la radio de la Ligue a été très importante dans son parcours personnel et dans sa façon de communiquer avec le peuple italien. Il en a été directeur entre 2003 et 2013 et s’est attaché à défendre la culture lombarde, mais aussi à promouvoir échanges et discussions avec l’opposition comme avec la société civile. Cela lui a fait connaître et toucher du doigt tous les problèmes du peuple italien. Cette expérience de Radio Padania a donc été pour lui une véritable école de communication, et a d’ailleurs révélé ses talents dans ce domaine.
Pourquoi Matteo Salvini a-t-il quitté soudainement le Gouvernement à l’été 2019 ?
Après les législatives de 2018, il a fallu attendre plus de deux mois pour former un gouvernement de coalition, car le Mouvement Cinq Étoiles ne voulait pas gouverner avec le Parti démocrate (PD, gauche). Sortant de l’impasse, la Ligue se rallie au Mouvement Cinq Étoiles qui était, à l’époque, un parti anti-système et anti-UE. C’est sur la question de l’euroscepticisme et de la lutte contre l’immigration que les deux partis se sont rejoints. Matteo Salvini, d’une façon assez habile, a renversé la vapeur, car, bien que son parti soit plus faible numériquement parlant que son allié, il s’est imposé en véritable leader de cette « étrange coalition ». Les Cinq Étoiles se sont rendu compte qu’ils perdaient des électeurs et des soutiens, et que les chiffres s’inversaient : aux élections européennes de mai 2019, la Ligue double son score par rapport aux législatives qui se sont tenues en 2018, soit seulement un an auparavant, tandis que celui du Mouvement Cinq Étoiles (M5S) diminuait de moitié. À ce moment, Matteo Salvini affirme sur tous les tons qu’il ne veut pas rompre la coalition : il souhaite en réalité pousser son avantage, profitant du fait que son allié-rival est en état de sidération face à son écroulement. En réalité, on a compris quelques semaines plus tard que le M5S négociait avec la gauche italienne, et l’establishment européen : le M5S siégeait avec Nigel Farage dans la précédente législature, et là, ce même M5S apporte à Ursula van der Leyden les voix manquantes à son élection ! Le turbulent parti anti-système fondé par le comique troupier Beppe Grillo rentre dans le rang…
Je crois personnellement que la Ligue n’a pas réagi assez vite et qu’il aurait fallu faire chuter le gouvernement juste après les élections européennes afin de ne pas laisser le temps aux Cinq Étoiles de s’organiser. Ce renversement de situation a fait naître une crise politique inédite en plein mois d’août. Matteo Salvini a pensé pouvoir bousculer les institutions en renversant le gouvernement : il s’attendait à ce que le président de la République, Sergio Mattarella, dissolve le Parlement dans la foulée et convoque de nouvelles élections. Or, comme on l’a vu, il n’en a rien été…
Quelle est la nature du nouveau Gouvernement ?
C’est un gouvernement dont l’unique but est d’opposer un front anti-Salvini, et qui n’a donc, en ce sens, aucun projet politique ni aucune marge de manœuvre puisqu’il est complètement lié à Bruxelles. C’est donc un gouvernement condamné à l’immobilisme et qui, dès le départ, a connu des frictions. Avec la crise du Coronavirus, aussi mal anticipée qu’en France en termes de stocks stratégiques et le pilotage à vue de Giuseppe Conte, le président du Conseil, dont la communication est très mal maîtrisée, nous ne sommes pas sûrs que le Gouvernement tienne. Aujourd‘hui la crise est à son paroxysme et les rumeurs vont bon train : on parle d’un gouvernement d’Union nationale avec à sa tête Mario Draghi, mais tout peut évoluer très vite. À la décharge de Giuseppe Conte, on peut néanmoins préciser que les coupes sombres dans le budget de la santé publique ont été opérées par les gouvernements précédents, depuis celui de Mario Monti, appliquant avec zèle les consignes d’austérité budgétaire réclamées par Bruxelles, afin de réduire la dette publique du pays.
Pour ce qui est de Matteo Salvini à proprement parler, comment qualifieriez-vous sa politique économique et sociale ?
Ce n’était pas lui qui était à la manœuvre pour la politique économique et sociale. Mais son souhait le plus cher était faire baisser les taxes, car l’Italie est un pays qui meurt de ses impôts. Il voulait aussi bâtir un impôt unique, la flat tax, qui passerait de 20% à 15%, aussi bien pour les entreprises que pour les familles, dans le but de faire repartir la production et donc la consommation. Il entendait créer de véritables incitations fiscales pour les familles en instaurant un quotient familial qui n’existe pas en Italie et qui explique en partie une démographie désastreuse. Mais pour cela, il fallait accepter, dans un premier temps, le sacrifice de creuser encore le déficit et la dette pour pouvoir aussi relancer la machine économique, à l’aide notamment de grands travaux de modernisation. Tout cela forme un corpus idéologique de droite dont Bruxelles n’a pas voulu. Matteo Salvini souhaitait faire progresser le dossier de l’autonomie par un transfert de certaines compétences aux régions (ce qui existe déjà) : les grands barons de la Ligue que sont les gouverneurs des régions du Nord sont en train de montrer dans la gestion de la crise sanitaire que le pouvoir régional est autrement plus efficace que celui de Rome. Ils sont d’ailleurs aujourd’hui plébiscités.
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Qu’en est-il de la politique migratoire qui a bousculé celle que pratiquait alors l’Union européenne ?
Matteo Salvini n’est ni un intellectuel ni un technocrate, en cela, c’est un anti-Macron. Dès l’été 2019, et alors que les bateaux, des ONG ou autres, chargés de migrants, débarquaient sur les côtes italiennes dans l’indifférence générale, il a tapé du poing sur la table et secoué toutes les chancelleries européennes. Il a clairement dit que les 700 000 migrants qui ont débarqué sur les côtes italiennes depuis 2015 sont un problème que l’Italie a été obligée d’assumer seul, ce qui a entraîné une déstabilisation de son système social et menacé son identité. Il a engagé un bras de fer avec l’Europe et a remis le problème au premier plan des préoccupations. En ce sens, il a repris la Realpolitik qui fut celle de Berlusconi, en négociant avec le Libye, et en établissant des accords de rapatriement vers les pays d’origine pour ceux qui n’étaient pas éligibles au droit d’asile. Il faut néanmoins noter que les Ministères des Affaires étrangères et de la Défense, portefeuilles détenus à l’époque par le M5S, ont tenté de faire obstacle à cette politique. Cela signifie deux choses : d’une part que cette étrange coalition a trouvé assez rapidement ses limites, et que d’autre part le M5S est un parti partagé idéologiquement ; on y trouvait alors des personnalités de gauche comme de droite. En revanche, il a réussi à faire voter sa loi « Sécurité-Immigration » ainsi qu’un décret qui permettait d’infliger des amendes aux bateaux des ONG qui franchissaient les eaux territoriales sans l’accord des autorités italiennes. Cette loi renforçait aussi les moyens de la police pour lutter contre la mafia, parce qu’immigration et mafia sont extrêmement liées en Italie. En bloquant l’immigration, il a donc donné un coup d’arrêt à la mafia et je pense qu’on peut le créditer de cela.
Quelle est l’opinion du peuple italien à son égard ?
Je suis allée à plusieurs de ses meetings et je vous avoue n’avoir jamais vu cela. Le public est extrêmement populaire et il y a des gens de tous les âges, de tous les milieux socio-professionnels et qui viennent de toute l’Italie. Ensemble, ils réclament une vision politique neuve, en tout cas différente, notamment pour le Sud, et dont les maîtres-mots seraient ordre et légalité. À gauche il est détesté comme Berlusconi en son temps, il a d’ailleurs pris sa place comme bouc-émissaire : l’anti-salvinisme a remplacé l’anti-berlusconisme qui a duré vingt ans dans la dialectique de la gauche italienne, et déclenché des mouvements de haine irrationnels. Mais, pour l’avoir constaté à plusieurs reprises, son charisme et sa faculté d’empathie avec le peuple italien sont également considérables. Il n’a pas peur, il va au contact.
Pour ce qui est des relations avec le Pape, nous avons l’image de deux personnages qui ne s’aiment pas. Qu’en est-il véritablement ?
Les relations qu’entretient Matteo Salvini avec la hiérarchie de l’Église et le Pape François sont tendues. Beaucoup de cardinaux et d’évêques s’offusquent de sa vision politique et de son action contre l’immigration clandestine, mais tout ne le rejette pas. À de nombreuses reprises, le Pape François a tenu des discours contre les souverainistes, les populistes, attaquant Matteo Salvini à mots à peine couverts. Il n’a jamais voulu le recevoir. Dans le même temps, le pape François traite avec la Chine communiste. Cela m’apparaît paradoxal. Dès le lendemain des élections européennes, et alors que la majorité des catholiques italiens qui ont voté se sont prononcés pour des candidats de la Ligue, le cardinal Muller, dans un entretien au Corriere della Sera, dénonçait cette erreur. À toutes ces critiques, Matteo Salvini répond : « pour un cardinal contre moi, j’ai dix curés en ma faveur ! »
Encore une fois, il semble y avoir un vrai décalage entre le peuple et ses élites.
Matteo Salvini est-il catholique ?
Oui, il est catholique, mais dit ne pas pratiquer autant qu’il le devrait. Il est curieusement et paradoxalement peu défendu par la hiérarchie de l’Église alors qu’il s’attache à préserver une conception traditionnelle de la famille, notamment par la voix de Lorenzo Fontana, dont il est très proche, qui était son ministre de la Famille et qui est un fervent catholique. Un député de la Ligue, Vito Comencini, a même fait, le 7 octobre, une intervention à l’Assemblée en rappelant ce qu’était la bataille de Lépante et l’institution de la fête du Rosaire. Au Congrès mondial des Familles à Vérone, il y avait trois ministres de la Ligue, parti qui, je le répète, demeure ostracisé par la hiérarchie de l’Église. Et quand Matteo Salvini brandit son chapelet lors des meetings, l’establishment catholique crie au scandale et à l’instrumentalisation.
Pour ce qui est de la politique extérieure, quelle est sa vision de la géopolitique ?
Sur ce point, il a beaucoup évolué. Il a été très euro-critique (plutôt qu’eurosceptique), comme le montre le discours qu’il a tenu lors de son élection à la tête de la Ligue en 2013, où il disait que l’euro est un crime contre l’humanité. Aux élections européennes, la Ligue a été le parti le plus voté en Europe (9 millions d’électeurs), mais il y a une forme de cordon sanitaire qui s’est créé autour d’elle. Cela démontre qu’au niveau européen, il a été mis au ban des députés. Son regard sur l’Union européenne a, de ce fait, évolué. D’un point de vue proprement géopolitique, Matteo Salvini a nommé comme responsable des relations avec les autres pays, Giancarlo Giorgetti qui est le pilier institutionnel de la Ligue. Il a affirmé qu’il n’était plus question de sortir de l’UE et qu’on ne toucherait pas à l’euro. D’autre part, la Ligue a toujours voulu la levée des sanctions contre la Russie qu’ils trouvent complètement absurde, car elles pénalisent nombre d’entreprises italiennes. En octobre 2019, il a par ailleurs affirmé qu’ « il est beaucoup plus sensé d’avoir la Russie plus proche de l’Europe que la Turquie dans l’Europe ».
Avec la crise du Coronavirus, et alors que l’Italie, pays fondateur de l’Union européenne, et enthousiaste à l’époque, vit très mal le manque de solidarité européenne, La Chine, la Russie, Cuba, le Venezuela, les États-Unis se précipitent au chevet de l’Italie : il ne fait pas être grand clerc pour comprendre que tout ceci n’est pas sans arrière-pensées. Comme le disait récemment Vincenzo Sofo, député européen de la Ligue au micro de Boulevard Voltaire, on assiste à une compétition géopolitique de la part de ces puissances qui comptent bien profiter de cette crise italienne, symbole de la faiblesse (et de l’écroulement ?) de l’Union européenne.
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Sous bien des aspects, nous pourrons aussi le rapprocher de Donald Trump.
Il admire Trump en effet. Il l’a rencontré alors qu’il était en campagne pour les présidentielles américaines, il s’est beaucoup inspiré de la communication trumpienne, disruptive, inattendue et populaire.
Matteo Salvini est-il vraiment ce leader populiste de droite, comme l’affirment nombre de médias et de politiques occidentaux ?
C’est une étiquette facile qu’on lui donne et cela fait partie d’une stratégie de diabolisation. Salvini est un homme de droite, en ce sens qu’il a des valeurs de droite qui sont celles de la sécurité et de la légalité. Son objectif est de rassembler le peuple dans son entier. En Italie comme en France, la politique menée par la gauche a mis de côté les classes laborieuses au profit d’une idéologie multiculturelle. Il a un style de communication populiste, car il s’adresse au peuple et sait comment lui parler. En même temps, il fait beaucoup d’autocritique, ce qui le rend populaire auprès des Italiens. En Émilie-Romagne, la Ligue a été défaite, mais a quand même doublé son nombre de conseillers régionaux. Cette région aurait pu éventuellement basculer à droite alors que la question ne se posait même pas auparavant. C’est déjà une percée dans cette forteresse de gauche ce qui démontre que son côté populiste ne dérange pas. Au contraire ! Mais il a vu qu’il fallait convaincre la petite bourgeoisie de centre-ville, à qui ses discours et surtout l’image qu’on en a donnée a pu faire peur. Matteo Salvini est donc avant tout pragmatique et veut aller au-delà de ce clivage droite-gauche, même si ses valeurs sont bien de droite.
Comment voyez-vous son avenir politique, notamment dans le cadre des élections régionales ?
Des six régions qui devaient voter en mai-juin (le calendrier politique initial ne sera sûrement pas respecté) la Toscane sera la plus compliquée, car c’est une place forte de la gauche. En revanche, toutes les régions du Nord sont déjà gouvernées par des coalitions de centre droit ou par la Ligue, et cela ne changera pas. Pour le reste, nous verrons, mais il y a objectivement un vent en sa faveur et en faveur de l’équilibre des forces entre la Ligue et Fratelli d’Italia. Cependant, la Ligue reste de loin le premier parti, qui est autour de 30% dans les estimations.
Aujourd’hui, la situation politique est bloquée du fait de cette crise du Covid19. La réforme électorale est suspendue, la gestion erratique de la crise par Giuseppe Conte inquiète plus qu’elle ne rassure, la fracture Nord-Sud se réveille, le Parlement est suspendu…les libertés publiques et la vie démocratique sont fortement limitées, et c’est ce sur quoi se bat Matteo Salvini en ce moment. Son objectif est, plus que jamais, d’évincer Giuseppe Conte : celui-ci est fortement tenté d’accepter une aide financière massive de l’Union européenne, avec en contrepartie une mise sous tutelle future, de facto, qui ressemblerait fortement à la troïka qui a mis la Grèce à genoux, sous prétexte d’assainissement budgétaire. Ce serait le coup de grâce pour un pays qui prévoit, avec cette crise, une récession sévère. Ainsi, à cette crise sanitaire dramatique qui sera suivie de près par une crise économique de grande ampleur, s’ajoute une autre crise, celle de la confiance en un gouvernement qui semble naviguer à vue, même si, il faut le reconnaître, cette crise inédite est d’une puissance inouïe. Aujourd’hui, en tant que leader du centre droit, Matteo Salvini semble aspirer, et il le proclame sur tous les tons, à donner sa contribution politique à un gouvernement d’Union nationale.
d’Armagnac, Marie, Matteo Salvini, l’indiscipliné, Paris, L’artilleur, 2019, 208 p.