L’Académie du renseignement, entretien avec le directeur François Chambon

11 janvier 2020

Temps de lecture : 4 minutes

Photo : Dans les locaux de la DGSE à Paris. Auteurs : ERIC DESSONS/JDD/SIPA, Numéro de reportage : 00710378_000001.

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L’Académie du renseignement, entretien avec le directeur François Chambon

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Formation et unité, tels pourraient être les maîtres-mots de l’Académie du renseignement. Conçue pour favoriser la coopération entre les différents services de renseignements français, elle prend la forme d’une école qui, outre l’enseignement, permet d’accroître la cohésion entre ses membres. Deux éléments de la plus haute importance en ces temps troublés qui placent nos « services » au premier plan dans la lutte contre le terrorisme et les attaques cybernétiques principalement.

Depuis le 13 juillet 2010, la communauté du renseignement dispose d’une nouvelle structure pour concourir à la formation des personnels des services de renseignement relevant des différents ministres « chargés de la sécurité intérieure, de la défense, de l’économie et du budget, au renforcement des liens au sein de la communauté française du renseignement ainsi qu’à la diffusion de la culture du renseignement » [simple_tooltip content=’D. n°2010-800 du 13 juillet 2010 portant création de l’Académie du renseignement, JORF, n°162, 16 juillet 2010, texte n°1.’](1)[/simple_tooltip]. Le choix de faire de cette entité un service à compétence nationale relevant du Premier ministre vise à lui conférer une légitimité et une dimension interministérielles.

Dénommée « Académie du renseignement », ce service a vocation à être à la fois un lieu de formation, et un espace de partage et  de diffusion de la culture du renseignement. En plus d’une offre de formation réservée aux services de la communauté, l’académie réalise des actions de sensibilisation au profit de différents publics (parlementaires français et leurs collaborateurs, écoles de service public telles que l’école nationale supérieure de police et l’école nationale de la magistrature ainsi qu’auprès des instituts d’études politiques et des centres de préparation aux concours de la fonction publique).

Dans le cadre de cette mission de formation et  de sensibilisation, l’académie s’attache désormais à développer un ancrage académique et des liens avec le monde universitaire et de la recherche. À travers ses activités pédagogiques et ses formations interservices, elle contribue à des synergies au sein de la communauté du renseignement et facilite entre les différents services  des pratiques de partage et de regards croisés sur la base et dans le respect de la culture et la manière de travailler propre à chacun de ces services spécialisés.

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Pour effectuer sa mission, cette académie dispose d’un comité pédagogique qui « traite de la mise en œuvre des activités de formation dont peuvent disposer celles-ci » [simple_tooltip content=’URVOAS (J.-J.) et VERCHERE (P.), op. cit., 14 mai 2013, p. 189.’](2)[/simple_tooltip]. Il faut rappeler que l’académie n’a pas vocation à se substituer à d’autres organismes dispensant des formations, mais de fournir une perspective complémentaire aux formations déjà existantes.

L’Académie du renseignement n’est donc pas axée sur le renseignement opérationnel. Pour autant, le caractère académique et de partage de cette structure permet indirectement une meilleure coordination des services : « ce faisant, elle œuvre au renforcement des liens au sein de la communauté française du renseignement, notamment en matière de formation. En ce sens, elle incarne un véritable IHEDN du renseignement et permet /d’insuffler un esprit de convivialité entre stagiaires issus de services qui n’ont pas pour habitude de travailler de concert » [simple_tooltip content=’Ibid., p. 188-89.’](3)[/simple_tooltip]. En ce sens, l’Académie du renseignement a un rôle important à jouer dans la mesure où elle permet de développer et de cristalliser une « culture nationale du renseignement » [simple_tooltip content=’FORCADE (O.), « Les réformes du renseignement en France en 2007-2012 », Annuaire français de relations internationales, 2013, p. 624.’](4)[/simple_tooltip], par l’action concertée des différents agents des services de renseignement aux différentes méthodes de leurs services d’appartenance.

À l’image du Centre supérieur de la formation et de la recherche stratégique (CSFRS), il est bienvenu qu’une structure comme l’Académie du renseignement puisse participer à une meilleure diffusion de la culture française du renseignement, comme l’a appelé de ses vœux l’ancien directeur général de la sécurité extérieure, l’amiral Pierre Lacoste.

 

Entretien avec Monsieur le Directeur de l’Académie du renseignement François Chambon

 

Quelles évolutions avez-vous pu constater depuis sa création en 2010 ?

En dix ans, l’académie a, à la fois, diversifié ses activités et ses publics. Centrée à l’origine sur des formations exclusivement dédiées aux services spécialisés dits du « premier cercle », l’académie a progressivement enrichi son offre pédagogique de nouveaux modules et l’a élargi aux autres services dits du « second cercle ». Au cours de ces derniers mois, elle s’est également investie dans des initiatives de sensibilisation et de diffusion de la culture du renseignement qui la conduisent à s’adresser à une pluralité d’acteurs et de publics.

 

Peut-on observer une plus grande synergie entre agents de la communauté du renseignement au sein de chaque promotion ?

 Il paraît évident que l’académie est devenue l’une des incarnations de la communauté du renseignement. Elle est en effet l’un des rares espaces où se rencontrent et se côtoient les cadres des différentes directions. Ils apprennent à se connaître, à s’estimer et à mieux comprendre les spécificités de chacun de leurs services. En ce sens l’académie, en lien direct avec la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT), favorise le partage des pratiques professionnelles et contribue à l’émergence de filières métiers au sein de la communauté du renseignement. La véritable synergie dont vous parlez se mesurera, dans quelques années, à l’aune des mobilités interservices.

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À l’image des « intelligence studies » du monde anglo-saxon, y a-t-il encore des efforts à mener pour renforcer le lien entre le milieu universitaire et celui du renseignement, et d’avoir un ancrage académique ?

 Sans nier le fait que la France n’a pas la même tradition anglo-saxonne des « intelligence studies », il convient malgré tout de saluer l’existence d’une recherche universitaire orientée vers les thématiques du renseignement. Au cours de ces derniers mois, l’académie a pu ainsi conforter et développer son ancrage académique en nouant des relations et des partenariats avec le monde de la recherche universitaire. Parmi les initiatives prises récemment, on peut mentionner la création du Grand Prix de l’académie du renseignement qui vise notamment, chaque année, à distinguer une thèse de doctorat ainsi que l’installation d’un comité pour l’histoire du renseignement. Ce dialogue avec les universitaires permet à la communauté de bénéficier d’éclairages et d’études dans un esprit à la fois pluridisciplinaire et opérationnel. L’académie ne manque pas de solliciter cette expertise universitaire dans plusieurs de ces modules et a mis en place des formations diplômantes. Pour être un lieu d’enseignement, l’académie du renseignement est aussi un espace de rencontres, d’échanges et de réflexions.

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Photo : Dans les locaux de la DGSE à Paris. Auteurs : ERIC DESSONS/JDD/SIPA, Numéro de reportage : 00710378_000001.

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À propos de l’auteur
Alexis Deprau

Alexis Deprau

Docteur en droit de la sécurité et de la défense.

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