Du 22 au 24 octobre 2019, en réunissant dans la station balnéaire de Sotchi plus de 40 chefs d’État pour le premier sommet Russie-Afrique, Vladimir Poutine a confirmé le retour de la Russie en Afrique.
Aveugles et prisonniers de leur prisme économique, les « experts » ont minimisé le rôle de la Russie en Afrique, mettant en avant son modeste rang économique sur le continent.
Or, ils n’ont pas vu que :
1) Vladimir Poutine ne vient pas en Afrique pour y capter ses minerais puisque son pays en regorge, mais pour des raisons géostratégiques afin de briser au sud le cercle dans lequel l’OTAN a voulu l’enfermer.
2) Sa politique ne repose pas sur l’alibi du développement, car il sait bien que tout a déjà été tenté pour développer le continent. En vain, car la croissance économique africaine est inférieure a sa croissance démographique. Dans ces conditions, comment prétendre « développer » un continent qui, d’ici à 2030, verra sa population passer de 1,2 milliard à 1,7 milliard, avec plus de 50 millions de naissances par an ?
3) La démarche de la Russie est vue avec sympathie sur le continent africain lasse des injonctions moralisantes des Occidentaux. De plus, elle n’a pas de passé coloniale ; tout au contraire, hier, l’URSS a aidé les luttes de libération et aujourd’hui, elle engage des pays de la zone CFA à se libérer de cette survivance coloniale.
4) Elle ne vient pas donner des leçons de morale aux Africains ; elle ne vient pas non plus leur imposer des diktats politiques ou économiques, car elle pratique l’ethno-différentialisme qui veut que l’on tienne compte du fait que chaque pays ayant ses traditions et ses valeurs propres, il n’est pas question d’y plaquer des modèles extérieurs.
Politiquement, Vladimir Poutine a donc pris le contre-pied du diktat démocratique que François Mitterrand imposa à l’Afrique en 1990 lors de la conférence de la Baule. Un diktat qui a provoqué une crise sans fin sur le continent, y installant durablement le désordre démocratique, donc y interdisant tout progrès ou développement.
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5) Tout au contraire, Vladimir Poutine considère que l’un des blocages de l’Afrique tient à son instabilité.
Une instabilité, disons-le de nouveau, qui est largement le résultat de la démocratisation. Or, la défense de la stabilité passe par un soutien aux régimes forts, donc aux armées.
Ceci a fait dire au mois de janvier 2019 à Alexandre Bregadze, ancien ambassadeur de Russie en Guinée que : « Les Constitutions ne sont ni des dogmes, ni la Bible, ni le Coran. Elles s’adaptent à la réalité ». En déclarant cela, il soutenait le projet de révision de la constitution qui permettrait à Alpha Condé, président de la Guinée, de briguer un troisième mandat présidentiel.
De son côté, le 24 janvier 2019, dans son discours de clôture prononce à Sotchi, Vladimir Poutine a fait remarquer que : « Plusieurs pays sont confrontés aux conséquences des printemps arabes. Résultat : toute l’Afrique du Nord est déstabilisée ».
6) D’ou une politique résolument axée sur le domaine militaire. Ainsi, en 2018, la Russie est-elle ainsi devenue le premier fournisseur d’armes à l’Afrique et ses exportations se font par le biais de la société Rosoboronexport.
Des accords ont été signés avec la RDC, la RCA, le Burkina Faso, le Rwanda, la Guinée etc. La Russie a également signé des accords de la plus haute importance avec le Mozambique puisqu’ils prévoient l’ « entrée gratuite » des navires militaires russes dans les ports du pays. Moscou dispose donc désormais d’une base-relais dans l’Océan indien, ce qui va permettre à sa flotte d’exercer une présence directe sur les principales voies d’approvisionnement en pétrole de l’Europe.