Le général iranien Qasem Soleimani, vient d’être assassiné par une frappe aérienne américaine. Comment expliquer ce geste et quelles en seront les conséquences ? Thomas Flichy de La Neuville, Professeur d’histoire des civilisations orientales, chercheur associé à Oxford, auteur d’une histoire de la puissance persane et titulaire de la chaire de géopolitique de Rennes School of Business, décrypte cet évènement.
Comment expliquer la soudaine décision du président Trump?
Le Président Trump est soumis depuis plusieurs mois à la pression de groupes d’intérêts l’appelant à une frappe aérienne sur le sol iranien. Or le président américain – conscient des désastres générés par l’interventionnisme militaire à outrance – souhaite à l’inverse retirer les États-Unis des affaires du monde. C’est la raison pour laquelle il a demandé à ce que ses forces spéciales quittent la Syrie et a obtenu que l’essentiel des troupes américaines se retirent d’Irak. Le commandement militaire américain a résisté autant que possible aux ordres de la maison blanche en retardant la décapitation finale de l’État islamique. Mais les pressions constantes auquel est soumis Donald Trump, l’ont amené à faire quelques concessions d’ordre symbolique. Celles-ci concernent essentiellement la question iranienne. En lieu et place d’une intervention armée en Iran, qui aurait mécaniquement débouché sur un nouvel échec militaire, Donald Trump s’en est tenu à l’assassinat ciblé du général iranien le plus emblématique. Surnommé « le fantôme », Soleimani apparaissait régulièrement sur les divers théâtres moyen-orientaux où l’Iran était présent. Cette frappe a été calculée de façon à saisir l’opinion mondiale de stupeur, juste après le nouvel an, c’est à dire à un moment où la couverture médiatique des éléments internationaux est faible.
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Quel est l’effet de cette frappe en Iran ?
Depuis le 15 novembre dernier, l’Iran est en proie à des troubles épisodiques. Ces derniers ont été déclenchés par la décision du président iranien de réduire les ruineuses subventions qui assurent un prix dérisoire à l’essence et au gaz alors même que les exportations iraniennes se sont effondrées. Les catégories populaires, qui ne peuvent plus acheter de viande ou de médicaments ont été les premières à manifester. Le régime a étroitement contrôlé le débit internet afin d’éviter tout débordement. Quant aux principaux opérateurs iraniens de téléphonie mobile : MCI, Rightel, et IranCell, ils ont suspendu leurs services. L’assassinat du général Soleimani, se présente comme une occasion inespérée pour le régime de rassembler la population autour d’un nouveau martyr. C’est en effet le culte des martyrs qui fédère les fidèles chiites. Quant au général, éliminé, non à la faveur d’un combat honorable et régulier mais d’une frappe télécommandée, il a été immédiatement assimilé aux javanmardi, ces preux dont les prouesses parsèment la littérature persane, et qui sont prêts à offrir leur vie afin de protéger les déshérités. Ce renforcement du régime iranien actuel satisfait en fin de compte les opposants géopolitiques de l’Iran, qui n’ont guère à craindre d’un État confiné d’un point de vue financier, discrédité sur le plan médiatique, et maintenu au seuil du nucléaire par des menaces quotidiennes.
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Quelles sont les suites à attendre de cet événement ?
Conformément à ses habitudes diplomatiques, l’Iran va tout faire pour éviter de tomber dans le piège de l’escalade militaire. Il réagira sans doute en temps et en heure par une frappe symétrique comme ce fut le cas lorsque ses savants nucléaires furent assassinés. En réalité, la diplomatie iranienne est bien consciente que l’acte de bravade du jour masque une défaite de l’intelligence politique américaine. En effet, jamais l’Iran n’aurait réussi à s’implanter dans le sud de l’Irak, si l’État irakien n’avait été préalablement détruit par l’inconséquence américaine.
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