Les récentes élections hongroises mettent en lumière les clivages politiques et territoriaux.
Le 13 octobre 2019, les élections locales ont eu lieu en Hongrie. Élections qui étaient aussi bien municipales que départementales (la Hongrie est divisée en comitats). Si le Fidesz, parti de Viktor Orban, et son allié le parti chrétien démocrate (KDNP) ont réussi à remporter l’ensemble des comitats, l’Alliance pro-gouvernemental a essuyé d’importantes défaites dans les grandes villes. En effet, l’opposition de gauche remporte 10 des 23 principales villes [simple_tooltip content=’ Shock Budapest Defeat for Hungary’s Orban, BBC News, 14 October 2019, section Europe https://www.bbc.com/news/world-europe-50039847′](1)[/simple_tooltip] du pays dont la capitale Budapest. Le Premier ministre hongrois a affirmé qu’il souhaite établir une relation équitable avec les élus municipaux de l’opposition [simple_tooltip content=’ About Hungary – PM Orbán: The Government Will Treat All Municipalities Equally http://abouthungary.hu/news-in-brief/pm-orban-the-government-will-treat-all-municipalities-equally/’](2)[/simple_tooltip]. Néanmoins, ces élections révèlent des tendances lourdes en conséquence.
Le clivage entre les métropoles et les villes moyennes se renforce en Hongrie
Un phénomène que l’on retrouve dans la plupart des pays occidentaux se développe désormais en Hongrie : l’opposition entre les métropoles qui votent pour une gauche favorisant une population connectée au reste du monde et les villes moyennes qui votent pour une droite conservatrice et attachée aux particularismes locaux. L’analyse faite par le Britannique David Goodhart dans son livre Road to somewhere [simple_tooltip content=’ Goodhart, David, The Road to Somewhere: The Populist Revolt and the Future of Politics (London: C Hurst & Co Publishers Ltd, 2017)’](3)[/simple_tooltip] met en évidence cette division entre les deux catégories de population. Les « anywhere » (les nomades) des villes qui forment des élites bien diplômées partageant des valeurs universelles et délocalisées au sens qu’elles tendent à rejeter leur identité d’origine. En face se trouvent les somewhere (les sédentaires) des campagnes attachées à l’endroit et à la culture dont ils sont issus et qui refusent des changements radicaux.
A lire aussi : Hongrie : l’avenir d’un pays d’Europe centrale au sein de l’Union européenne
Cette distinction avait jusqu’alors épargné la Hongrie. Le Fidesz avait gardé le contrôle de la capitale de 2010 jusqu’en 2019 et avait remporté la majorité des grandes villes aux élections locales de 2014 [simple_tooltip content=’ Les élections municipales en Hongrie confirment la suprématie du Fidesz, Le Monde.fr, 13 October 2014 https://www.lemonde.fr/europe/article/2014/10/13/les-elections-municipales-en-hongrie-confirment-la-suprematie-du-fidesz_4505490_3214.html’](4)[/simple_tooltip]. Désormais, la dimension de « populations urbaines nomades » est présente avec la victoire de l’opposition à Budapest et du fait que le nouveau maire, Gergely Karácsony, est écologiste. Une tendance politique qui semble être le point de convergence des populations urbaines. Il faut donc s’attendre à un clivage territorial de plus en plus fort en Hongrie qui risque d’amener une polarisation accrue de la politique comme dans le reste des pays occidentaux.
La présence du parti d’extrême droite Jobbik au sein de l’opposition : un risque pour la crédibilité de l’opposition
Plus problématique est le soutien du Jobbik, parti connu pour ses positions très nationalistes, voire néonazies, mais deuxième force politique de Hongrie, à l’opposition et sa présence dans certaines des listes de celle-ci. Le Jobbik a accompli une vaste stratégie de dédiabolisation qui semble avoir réussi [simple_tooltip content=’Jobbik : brève histoire d’un virage à 180°’, Visegrád Post, 2019 https://visegradpost.com/fr/2019/03/24/jobbik-breve-histoire-dun-virage-a-180/’](5)[/simple_tooltip] du fait de sa présence dans la coalition de gauche et des centristes à ces dernières élections locales. Il n’en reste pas moins que l’on peut douter de la sincérité de ce virage politique motivé avant tout par le désir de mettre fin à la domination politique de Viktor Orban.
Ce dernier risque d’utiliser la présence du parti d’extrême droite dans l’opposition pour la discréditer. En outre, les observateurs extérieurs seraient bien avisés de rester prudents avant d’accorder la rédemption au Jobbik et de servir ses stratégies de conquête du pouvoir qui pourraient vite se retourner contre le reste de l’Europe.