Vladimir Volkoff : du renseignement à la guerre de l’information

25 octobre 2019

Temps de lecture : 3 minutes

Photo : Le renseignement suppose de maîtriser ses nerfs (c) Pixabay

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Vladimir Volkoff : du renseignement à la guerre de l’information

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Recevant une éducation à la fois russe et française, Vladimir Volkoff se trouve à la jonction de deux blocs qui s’opposent. Cependant, il se démarque de l’un et l’autre en développant sa propre critique de la modernité et en se revendiquant héritier d’une tradition enracinée, seule moyen de lutter contre la désinformation.

 

Officier de renseignement durant la guerre d’Algérie, professeur de littérature aux États-Unis, écrivain, Vladimir Volkoff (1932-2005) travaille avec le soutien des services secrets français pour dénoncer à travers ses romans les méfaits de la désinformation, ce qui lui vaut un certain succès. Il est également l’auteur d’essais sur le même sujet, de romans pour enfants avec la série Langelot, ainsi que de romans de science-fiction.

Fonctionnement de la désinformation

« Avant que je n’ensanglante ma lame, l’ennemi s’est rendu », telle est, pour l’écrivain, la phrase-clé de tout désinformateur. Remettant au goût du jour Sun Tzu en France (général chinois du VIe siècle avant Jésus-Christ), Vladimir Volkoff est parvenu à relier sa pensée avec les techniques actuelles de désinformation. Selon lui, il s’agit d’« une manipulation de l’opinion publique, à des fins politiques, avec une information traitée par des moyens détournés ». Ses deux romans les plus connus, Le Retournement (1979) et Le Montage (1982) mettent en lumière de telles techniques. À cela s’ajoutent deux essais de l’auteur sur le même sujet, l’un énumérant les cas de désinformation depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours (Petite histoire de la désinformation, 1999), l’autre se focalisant sur le bombardement de la Serbie par l’OTAN (Désinformation flagrant délit, 1999).

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Son œuvre a également des visées métaphysiques, avec en particulier la question du mal et de son utilité. Outre le caractère de thriller de ses romans d’espionnage, ses personnages sont constamment confrontés à la connaissance du mal, indissociables à celle de la vie, et donc à une perpétuelle remise en question intérieure lorsqu’il s’agit de poser des actes dommageables, mais servant une cause. Le Retournement est ainsi emblématique de ce thème avec la conversion à l’orthodoxie d’un agent du KGB. Si une part de ses romans voit leurs actions se dérouler durant la Guerre froide et illustre l’affrontement Est-Ouest, l’autre se concentre sur le politiquement correct et l’interventionnisme américain comme L’enlèvement (2000) ou encore Le complot (2003). Mais le fil commun à tous est le constat désabusé d’un Occident déboussolé. L’auteur retranscrit cette vision à travers ses héros en prenant en compte leur humanité avec leurs faiblesses et leurs états d’âme, mais en leur attribuant tout de même la fonction d’incarner les chevaliers des temps modernes. L’idéal chevaleresque et la fidélité sont ainsi principalement incarnés par l’officier de renseignement.

Un exilé fidèle au tsar

Descendant de la communauté des « Russes blancs » ayant fui le nouveau régime soviétique, son autre thème favori porte sur la Russie éternelle et la fidélité au tsar. Alexandra (1994) exalte la jeune tsarine porteuse d’espoir dans une Russie fictive, Les Orphelins du Tsar (2005) retrace le vécu de contemporains opposés dans la révolution russe et leur mémoire avec leur descendance post Guerre froide chez qui la réconciliation est de mise.

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Une critique constante de la modernité se dégage ainsi de son œuvre, avec la nostalgie de valeurs en déshérence que l’auteur tente malgré tout de ressusciter à travers ses personnages. Il prend acte et puise son inspiration dans les évolutions des technologies et des mentalités, mais constate cependant une perte de repères chez ses concitoyens et l’idée de plus en plus répandue de l’absurdité du monde. Puisque l’homme est devenu vide de sens, il devient sujet à toutes les manipulations possibles, à l’instar d’une matière malléable, que les idéologies communiste et progressiste viennent remodeler. Vladimir Volkoff s’oppose ainsi à l’idée d’un progrès imposant à l’homme déraciné un bonheur programmé dans lequel la désinformation a toute sa place. En ce sens, il s’est naturellement identifié au dissident russe Alexandre Soljenitsyne qui constatait à l’Est comme à l’Ouest le cruel manque de vie intérieure lors de son discours à Harvard Le Déclin du Courage (1978). Mais il pourrait également être rapproché de Georges Orwell par sa dénonciation de la manipulation de l’opinion publique, car l’idée est le contrôle des masses in fine.

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Photo : Le renseignement suppose de maîtriser ses nerfs (c) Pixabay

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Louis-Maxence d’Halluin

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