Nigel Farage a annoncé sa candidature aux élections législatives en Grande-Bretagne. Une candidature surprise qui rebat les cartes de la vie politique au Royaume-Uni.
Il est là, encore une fois, gouailleur et percutant. Nigel Farage bouleverse la campagne électorale britannique, comme à chaque fois qu’il rejoint l’arène. Sa candidature a été une surprise déconcertante, l’intéressé avait dit qu’il ne serait pas candidat une semaine auparavant. Le charisme du plus grand artificier du Brexit menace de remodeler le parlement de Westminster.
Une élection avant l’heure
Rishi Sunak décida de demander au roi une dissolution pour hâter l’élection. Elle aurait eu lieu en 2024, mais la majorité des experts pensait qu’elle se réaliserait après l’été. La date limite pour dissoudre le parlement était le 17 décembre. Pourquoi donc provoquer l’élection si rapidement ? Plusieurs hypothèses se dégagent.
Miser sur l’engouement travailliste pour la crise israélo-palestinienne pour exploiter les divisions internes du mouvement de gauche. Une question si épineuse a déjà coûté la tête à Jeremy Corbyn, ancien leader travailliste. Sa position, considéré trop mélenchoniste par les centristes du parti, fut un problème régulier.
L’idée serait, cette fois-ci, ouvrir la plaie depuis l’autre bout – mettre en évidence la position plutôt pro-israélienne de Keir Starmer et désorienter l’aile gauche des travaillistes. Après l’été la crise pourrait être réglée, c’est pourquoi il fallait agir rapidement.
Une autre théorie soutient que le gouvernement conservateur était en train de se déchirer sur l’immigration et qu’il fallait utiliser toute l’énergie de ses membres contre l’extérieur, en empêchant une lutte fratricide.
Guerroyer ? Certainement, mais contre le Labour, les LibDems et les autres, non contre les siens.
D’autres pensent que l’idée centrale était d’attraper le Reform UK – ancien Brexit Party – non préparé pour une élection si proche. Cela aurait considérablement affaibli un parti à la droite des Tories et leur désorganisation serait visible ; cela garantirait la fidélité des électeurs de droite déçus par l’actuel gouvernement. L’impréparation de Reform UK éclaterait aux yeux de tous et cela provoquerait un effet de repoussoir.
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L’élection de tous les périls pour les Tories
Les sondages, depuis 2023, donnent une victoire écrasante aux travaillistes. Le parti de Starmer bénéficie de sa très longue absence aux affaires, le dernier gouvernement mené par le Labour fut en 2010. Le paysage politique britannique offre donc un scénario périlleux pour les conservateurs. Si la victoire des travaillistes paraît acquise, la cohérence des Tories crée des doutes dans son électorat classique. Farage les amplifie en disant que l’écart est si grand entre les deux ailes du parti qu’il ne pourra pas tenir ensemble.
Selon l’ancien chef de l’UKIP, la division autour du Brexit démontra des divergences trop aigües pour ne pas confondre les électeurs. Et beaucoup d’électeurs pensent sérieusement voter Reform UK car les conservateurs seront presque certainement dans l’opposition. Ainsi, ils durcissent l’opposition sans trahir leur parti traditionnel puisqu’il ne pouvait pas gagner.
Un retour timide des LibDems ne devrait pas être exclu ; les circonscriptions plutôt conservatrices, mais favorables à l’UE peuvent choisir de punir les conservateurs. Entre les libéraux il y a une méfiance accrue compte tenu de la trajectoire du Conservative Party, devenu – selon eux – trop nationaliste.
Farage, les États-Unis et le conflit en Ukraine
Nigel Farage a été l’un des premiers trumpistes. Il a toujours maintenu une relation fraternelle et cordiale avec Trump. Son discours avant la décision de se présenter comme candidat dans la circonscription de Clacton était tourné vers l’Amérique. Il pensait que son rôle serait d’aider le président Trump à éviter une escalade entre les États-Unis et la Russie – il privilégiait sa relation avec l’ancien président par rapport aux enjeux britanniques.
Farage, politicien malin et fin, expliqua son u-turn de façon brillante. Selon lui, après avoir dit qu’il ne serait pas candidat, ses sympathisants l’ont interpellé fréquemment. Ils lui auraient dit qu’ils se sentaient abandonnés. Il n’a pas pu s’empêcher de changer de chemin, l’Amérique attendrait.
Il est fort probable qu’après l’été Farage ait une place dans la Chambre des communes ; il est également probable qu’il ne déserte pas Trump. Son appui, s’il réussit à devenir parlementaire, sera encore plus important. Pendant qu’il faisait partie du parlement européen, Farage a – à plusieurs reprises – taclé les présidents de la Commission européenne.
L’un des discours les plus mémorables au parlement européen nous ramène à 2015. Nigel Farage scandalisa le parlement quand il confronta Guy Verhofstadt et Jean-Claude Juncker – selon le Britannique la Russie avait pris la Crimée et essayait de se défendre parce que l’expansionnisme occidental ne lui avait pas laissé un autre choix. La situation a empiré considérablement, comme on le sait.
Il alerta aussi ses concitoyens que l’Union européenne était en train de bâtir une armée européenne et que la Russie était utilisée comme épouvantail pour rendre l’union chaque fois plus étroite. Son rôle dans l’élection américaine de novembre et sa vaste expérience peuvent être importantes pour mettre fin au conflit russo-ukrainien.
Farage a toujours su que seul l’Amérique peut véritablement mettre un terme à la guerre, en obligeant tous à s’asseoir autour d’une table.
La rénovation de la droite outre-Manche
Le système britannique prévoit une élection à un tour. Ce système est souvent connu sous l’étiquette de first-past-the-post. Au-delà de la probable victoire travailliste, il faudra suivre de près jusqu’où les Tories descendront-ils. La droite britannique aura deux chemins assez différents – soutenir le parti classique ou donner une chance à Farage et aux siens.
Un personnage important dans la scène britannique, Peter Hitchens, a souvent dit qu’il n’y a plus rien de conservateur dans le parti conservateur. Il appelle, depuis plus d’une décennie maintenant à abandonner cette coquille vide pour fonder un nouveau parti, réellement conservateur. Hitchens exagère, mais sa position est partagée par un nombre croissant d’électeurs. Le 4 juillet ils auront une chance de montrer tout leur mécontentement en votant pour Reform UK.
Nous sommes, probablement, devant une traversée du désert pour les conservateurs, victimes de leur succès à se maintenir au pouvoir pendant si longtemps. La clarté sera plus nécessaire que jamais et Sunak devra céder sa place. Mais qui voudra la prendre ?
Nigel Farage a un but – devenir parlementaire à Westminster pour la première fois dans sa vie. Mais qu’est-ce qu’un homme peut faire presque seul contre tous ? Le parcours de Farange a la réponse : il est entré au parlement européen à la fin du siècle dernier, presque seul contre tous il a imposé un débat et ce débat mena au Brexit. Et cette histoire, il veut continuer de l’écrire.