Mise au point sur l’uranium appauvri

4 août 2024

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Mise au point sur l’uranium appauvri

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Un thread de The Final Frontier pour expliquer ce qu’est l’uranium appauvri. 

A retrouver sur Twitter à cette adresse 

Allez mini thread de mise au point rapide sur la question de l’uranium appauvri

On entends en effet tout et son contraire sur ce dernier
Pour les anti-nucléaires, c’est un déchet
Pour les pros, c’est une ressource valorisable

Qu’en est-il vraiment ?

Alors matière valorisable ou déchet ?

En fait les 2 à la fois

1- De l’uranium pas vraiment appauvri

Dans la nature, il existe 2 principales « sortes » d’uranium (des isotopes), l’uranium 235 et l’uranium 238

Nos centrales actuelles carburent à l’uranium 235

Problème : l’uranium que l’on extrait des mines contient 99.3 % d’U238 et seulement

0.72 % d’U235, alors que nos centrales ont besoin d’une concentration bcp plus élevée pour pouvoir fonctionner

Il va donc falloir séparer l’uranium 235 du 238, c’est ce que l’on appelle l’enrichissement

En France, ça fonctionne de la manière suivante :

On transforme l’uranium en gaz (de l’hexafluorure d’uranium), puis on le fait passer par des centrifugeuses

L’U235, plus léger reste vers le centre, alors que le 238, plus lourd, migre vers l’extérieur

Comme le pouvoir de séparation d’une seule centrifugeuse est faible, on les aligne les uns derrières les autres pour obtenir un enrichissement suffisant (on parle alors de procédé en cascade).

En sortie de l’usine, on se retrouve donc avec de l’uranium riche en U235 (enrichi donc) qui va alimenter les centrales, et beaucoup d’uranium appauvri qui ne devrait, en théorie, plus contenir d’U235 mais uniquement du 238.

Bon, en réalité, ce n’est pas si simple en effet, même si le coût d’une usine d’enrichissement n’est pas si élevé, l’uranium est incroyablement bon marché, ce qui ne pousse pas à l’économie.

Ainsi, l’uranium rejeté contient encore 0.2 à 0.3 % d’U235, que l’on peut facilement extraire avec notre technologie actuelle

On peut en effet descendre à moins de 0.05%

Ainsi, les réserves d’uranium appauvri en France, qui représentent quelques 300 000 t, contiennent encore suffisamment d’U235 pour alimenter le parc Français pendant une décennie

Un petit souci, la France ne dispose pas actuellement (soucis d’économie et de vision à court terme oblige) des capacités en enrichissement

Son usine, Georges Besse 2 ne dispose que d’une capacité de 7.5 millions d’UTS (unité de travail de séparation) par an

Si l’on veut, en l’alimentant avec de l’uranium naturel, atteindre un taux d’appauvrissement d’au moins 0.05 %, il faut au moins doubler cette capacité

Si on veut s’alimenter avec notre uranium appauvri, il faut la quadrupler.

Cependant, ça n’a rien d’impossible, ça représente seulement un investissement de quelques milliards ainsi qu’une consommation d’énergie de l’ordre du TWh par an, sur les 400 que produit le parc.

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Cela représenterait en revanche, d’un point de vue environnemental, un gros progrès, puisque cela permettrait de réduire de manière important les besoins en extraction d’uranium, et donc de mines (-20 à 30%).

Cependant, en sortie on se retrouvera avec de l’uranium réellement appauvri, et totalement inutilisable avec les réacteurs actuels, un déchet donc

Mais qu’en est-il avec les réacteurs du futur ?

2- Les neutrons rapides et les surgénérateurs



On entends beaucoup parler des surgénérateurs pouvant consommer cette uranium appauvri

Qu’en est-il vraiment ?

Déjà, comment ça marche

En fait, ces réacteurs ont la capacité de transformer l’uranium 238 en plutonium 239, fissile (c’est à dire qui peut entretenir une réaction en chaine, et donc servir de carburant pour alimenter le réacteur) et ce avec un rendement suffisent pour ne plus dépendre d’alimentation en fissile externe, donc en U235 (contrairement aux centrales actuelles dont le rendement de conversion de l’U238 est très mauvais et qui doivent être alimenter en U235).

Cela signifie qu’ils peuvent donc tourner uniquement avec de l’uranium appauvri, qui est alors utilisable

Ils ont aussi la capacité de consommer certains déchets gênants

Le problème, c’est que le processus est très efficace, et donc économe en ressources :avec 1 kg d’U238, on peut produire 8000 MWh de courant

en comparaison, on ne produit 60 MWh avec un kg d’uranium sortit de la mine avec nos REP actuels

Ainsi, si on remplaçait notre parc actuel par des surgénérateurs, on ne consommerait que 50 t d’uranium appauvri par an

Sauf que le stock, lui est de plus de 300 000 t, et ne fait qu’augmenter

Il est donc, même avec une forte augmentation de la consommation d’énergie nucléaire, completement illusoire d’espérer réduire ce stock via la surgénération

Conclusion

Non, on ne se débarrassera pas du stock d’uranium appauvri comme ça, même avec un déploiement massif des surgénérateurs

Maintenant, cet uranium peut encore être réenrichi et encore servir, le jeter maintenant serait donc un énorme gaspillage.

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