Les manifestations récentes avaient pu laisser penser à un renversement du régime de Téhéran. Celui-ci a tenu et semble toujours solide, quarante ans après la révolution. L’Iran joue sa partition de nœud stratégique du Moyen Orient et essaye de développer sa puissance entre la Chine, la Russie et l’Occident.
Jérôme Fabiani
Entretien conduit par Etienne de Floirac
Après les manifestations des mois derniers, beaucoup prédisaient une révolution en Iran, un renversement du régime et une implosion de la société. Qu’en est-il véritablement ?
La République islamique a célébré ses quarante ans l’an passé et la crainte d’une nouvelle révolution ne semble pas être la principale préoccupation du régime en place. Cette question semblait tout à fait pertinente dans les mois qui suivirent la révolution de 1979, car, aux origines, cette révolution n’était pas islamique.
Le renversement du Shah d’Iran fut le fruit de l’alliance de forces politiques diverses (socialistes, communistes, nationalistes, islamistes) dont les revendications étaient très divergentes et qui, par essence, ne pouvaient pas s’accorder sur l’instauration d’une République islamique. Les Iraniens opposés au Shah se rejoignaient peu ou prou dans leur diversité par leur opposition à l’autoritarisme du Shah, à l’ingérence étrangère, mais aussi à l’occidentalisation à marche forcée de la société qui avait été lancée dans les années 1960.
Cependant, c’est le dénominateur commun de l’islam qui a permis de rassembler les Iraniens et de consolider le mouvement révolutionnaire de 1979. De manière pragmatique, les forces laïques d’opposition ont choisi de se ranger derrière la figure charismatique de Khomeini sans pour autant renoncer à leurs objectifs politiques respectifs. Après le départ du Shah (16 janvier 1979) et le retour quasi messianique de Khomeini (1er février), les choses se sont accélérées et le cours de la révolution a pris un tournant radical. Khomeini prend la direction du Gouvernement provisoire, fonde le Parti républicain islamique et entame une campagne de terreur. Le 30 mars, Khomeini lance de manière unilatérale un référendum pour ou contre l’instauration d’une République islamique. Le référendum approuve son projet politique qui aboutit en décembre avec l’adoption d’une Constitution qui fonde légalement la République islamique d’Iran. Les velléités de contestation sont définitivement muselées avec le déclenchement de la guerre Iran-Irak (1980-1988) qui va justifier un autoritarisme fort et permettre aux institutions de s’ancrer durablement dans la société.
Aujourd’hui, l’absence de velléités révolutionnaires chez les Iraniens pourraient notamment s’expliquer par deux points majeurs. Le premier est que la société iranienne a été profondément marquée par la guerre avec l’Irak et ne souhaite pas rentrer dans un nouveau cycle de violence, tout cela sans certitude d’aboutir à un résultat bénéfique pour le peuple iranien. Le second point est une forme de désillusion face à la politique. En effet, le souvenir de cette révolution confisquée par les partisans de Khomeini, l’échec du Président réformiste Khatami (1997-2005) à enclencher des réformes profondes ou plus récemment le constat de l’impuissance du Président modéré Rohani face au Guide Suprême Khamenei tendent à convaincre les Iraniens que le changement de régime ne se fera pas par le biais des hommes politiques ni par la violence.
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Dans « l’axe du Mal » américain depuis 2001, l’Iran est-il vraiment et toujours en guerre contre les États-Unis ? Comment pourriez-vous qualifier l’état de conflit permanent et de guerre d’influence qui a cours entre ces deux pays ?
La relation entre la République islamique d’Iran et les États-Unis s’est ouverte sur la prise d’otages du personnel diplomatique de l’ambassade américaine de Téhéran en novembre 1979. La crise des otages américains est un acte fondateur dans les relations irano-américaines qui reste profondément ancré dans l’imaginaire de deux nations. Outrage impardonnable côté américain, acte d’affirmation de la souveraineté et de rejet de l’ingérence étrangère côté iranien. Depuis lors, les bonnes relations entre l’Iran et les États-Unis n’ont jamais été restaurées, sans pour autant mener à une guerre.
Les États-Unis ont conduit une politique d’endiguement quasi permanent à l’encontre de l’Iran depuis les années 1980. Soutien de l’Irak durant la guerre Iran-Irak (1980-1988), sanctions économiques dès les années 1990, catégorisation de l’Iran dans l’ « Axe du Mal » en 2002, les États-Unis entretiennent une hostilité idéologique à l’égard de l’Iran avec pour objectif ultime de parvenir à renverser le régime. En retour, des dirigeants tels que le Président Ahmadinejad ont développé une rhétorique anti-américaine et anti-impérialiste très virulente avec une volonté ferme de s’opposer à la présence américaine au Moyen-Orient. C’est notamment sous sa présidence que s’est affirmé le projet de développer l’arme nucléaire.
L’apaisement suscité par la signature des Accords de Vienne en 2015, ouvrant la voie à une ouverture de l’Iran sur le plan international et à une démilitarisation de son programme nucléaire, a brutalement pris fin en mai 2018 avec la décision du Président Trump de se retirer de ces accords. Un nouveau cycle de tensions s’est alors amorcé, marqué par une série d’attaques et de répliques : augmentation subite des sanctions économiques contre l’Iran, bombardement d’une installation pétrolière saoudienne en septembre 2019, assaut d’une milice chiite pro-iranienne contre l’ambassade américaine en décembre, élimination du général iranien Soleimani en janvier 2020 suivi en réponse de tirs de missiles balistiques sur des bases américaines en Irak.
Depuis 1979, les tensions entre Iran et États-Unis n’ont jamais été aussi vives qu’en ce début d’année 2020 et pourtant le point de non-retour n’a pas été atteint. Il semble en définitive que ni l’Iran ni les États-Unis ne souhaitent entrer en guerre, probablement car les bénéfices d’un tel conflit ne valent pas encore les désastres qui en découleraient. Si l’on ajoute à ce constat la confrontation de deux idéologies nationales opposées qui s’affrontent ponctuellement par proxy ou par escarmouches, la nature du conflit entre Iran et États-Unis semble avoir pris la forme d’une guerre froide dissymétrique.
Vous avez écrit un ouvrage sur le Guide suprême de la révolution. Quel poids détient-il exactement dans l’architecture institutionnelle de la République islamique et dans quelle mesure est-il la pierre angulaire du régime ?
Le Guide suprême de la révolution détient un pouvoir immense au sein de la République islamique et se situe au sommet de l’architecture institutionnelle. La théocratie iranienne est fondée sur le principe de velayat-e faqih, le gouvernement du juriste. Ce principe minoritaire au sein de l’islam chiite a été porté au pouvoir par Khomeini en 1979. D’après ce principe, un juriste chiite placé à la tête d’un État islamique doit être investi du commandement de la communauté des croyants et de la direction de l’État.
Le Guide suprême est ainsi la plus haute autorité religieuse du pays, il est qualifié de « Guide de la communauté islamique des croyants » dans la Constitution. Ce statut lui confère un très large pouvoir d’influence et une autorité morale sur la population et le clergé chiite. Le Guide suprême est également le chef absolu de la République islamique. À ce titre, il supervise l’exercice des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Le Guide suprême nomme ainsi le chef du pouvoir judiciaire, décide des grandes orientations politiques du pays, peut révoquer le Président de la République et par le biais du Conseil des Gardiens de la Constitution dont il désigne la moitié des membres, peut s’opposer aux lois votées par l’Assemblée et filtrer les candidatures aux élections. Enfin, le Guide suprême est le chef de l’armée régulière et de la force armée des Gardiens de la Révolution. Les institutions de la République islamique sont ainsi toutes dépendantes de manière directe ou indirecte du pouvoir du Guide suprême qui s’impose comme la pierre angulaire du régime.
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Comment pourriez-vous qualifier et définir le régime politique iranien qui, entre autoritarisme et théocratie, peine à dévoiler sa véritable identité ? Peut-on parler de sacerdotalisme dans la mesure où religion et politique sont fortement imbriquées ?
Le régime politique iranien est en effet complexe à qualifier dans la mesure où il mêle théocratie, autocratie et démocratie. Le concept de sacerdotalisme est très insuffisant pour définir le régime iranien, car le clergé chiite ne fait pas qu’influencer le régime et la société. Le régime est aux mains du clergé d’État et plus particulièrement du Guide Suprême qui incarne par sa fonction la fusion des pouvoirs politique et religieux.
De nombreuses contradictions présentes aux fondements mêmes de la République islamique rendent ce régime difficile à comprendre. Le Guide suprême est à la tête de la théocratie iranienne et son pouvoir est d’origine divine, pourtant la Constitution consacre une part de souveraineté populaire par l’instauration d’institutions élues démocratiquement. Plus encore, c’est l’Assemblée des experts élus par le peuple qui est supposée désigner le Guide suprême.
De même, la base légale du fonctionnement du système politique est officiellement le droit coranique. Cependant, de nombreux concepts séculiers apparaissent aux fondements de la théocratie iranienne. Les concepts de république, de constitution ou de séparation des pouvoirs sont contraires au concept de velayat-e faqih, c’est-à-dire de gouvernement d’un juriste islamique unique investi des pouvoirs politiques et religieux conférés par Dieu.
Enfin, l’introduction du principe de maslaha, c’est-à-dire d’intérêt public, dans la gestion institutionnelle du pays illustre parfaitement cette complexité intrinsèque à la République islamique. Khomeini estimait ainsi que si l’intérêt du régime était en jeu, la primauté de la loi islamique pouvait être reléguée au second plan si les circonstances l’exigeaient. La création du Conseil de Discernement de l’intérêt supérieur du régime en 1988 institutionnalisa ce principe. Cette institution a, entre autres, pour vocation d’arbitrer les conflits opposant l’Assemblée et le Conseil des gardiens de la Constitution quant au vote des lois. Si le Conseil des gardiens de la Constitution rejette une loi, car jugée non-conforme au droit islamique, le Conseil de Discernement de l’intérêt supérieur du régime est en mesure de trancher en faveur de l’Assemblée s’il estime que la préservation de l’intérêt public requiert le vote d’une loi jugée non-conforme à l’islam.
République islamique ou « théocratie constitutionnelle » pour reprendre le concept d’Oliver Roy, le régime iranien est un produit politique historique unique, fruit d’une révolution conduite par des socialistes, des communistes, des islamistes et bien d’autres mouvances politiques. L’intelligence de Khomeini fut de parvenir à intégrer dans son projet théocratique certaines aspirations de ces forces politiques afin de ne pas les marginaliser et de renforcer la légitimité de la République islamique. C’est bien le pragmatisme introduit par Khomeini comme principe de gestion qui a soutenu la longévité de ce régime et qui l’a prémuni de la sclérose dont les systèmes trop rigides sont traditionnellement victimes.
Puissance principale du « croissant chiite », quel rôle détient véritablement Téhéran à l’égard de ses alliés du Moyen-Orient (Syrie, Irak, Liban, rebelles yéménites) et dans quelle mesure les utilise-t-elle pour s’établir en nouvelle puissance de cet espace stratégique afin de faire, ou non, contrepoids aux monarchies sunnites du Golfe ?
Au travers de l’expression de « croissant chiite » on pourrait croire que l’Iran assoit sa puissance dans toute la région au travers des communautés chiites, or la réalité est autre. Au Liban, l’Iran utilise son pouvoir de contrôle sur le Hezbollah pour influencer le jeu politique intérieur en sa faveur et pour exercer une pression à la frontière d’Israël. Plus récemment, l’Iran a mobilisé les forces du Hezbollah dans son combat contre Daesh en Syrie et ainsi défendre un régime qui lui est allié. L’amitié entre les régimes syrien et iranien remonte à la guerre Iran-Irak (1980-1988) durant laquelle la Syrie a soutenu la jeune République islamique face à son concurrent Saddam Hussein. L’Iran a tout intérêt à défendre l’un des seuls pays arabes qui lui soient favorables et qui lui permettent d’offrir une base arrière au Hezbollah. En Irak, l’arrivée au pouvoir des chiites après l’invasion américaine de 2003 a ouvert la porte à l’influence de l’Iran et a facilité son intervention militaire dans le pays. Par l’intermédiaire de son allié irakien, l’Iran est désormais en mesure de menacer directement les frontières de l’Arabie Saoudite. Au Yémen, l’Iran soutient en sous-main les rebelles houthistes notamment pour déstabiliser l’Arabie Saoudite qui s’est enlisée dans une guerre de contre-insurrection à laquelle elle n’était pas préparée.
Ainsi, le positionnement régional de l’Iran vise plusieurs objectifs différents. Premièrement, préserver et pérenniser ses soutiens historiques. Deuxièmement, contrebalancer le poids de l’Arabie Saoudite, et par extension des États-Unis au Moyen-Orient. Troisièmement, s’affirmer comme une puissance régionale incontournable afin de contourner l’embargo diplomatique qui pèse sur le pays.
Toutefois, cette montée en puissance de l’interventionnisme iranien, et notamment militaire, n’est pas sans conséquence. Aussi observe-t-on des mouvements de contestation face à l’influence pesante de l’Iran dans le jeu régional. L’utilisation des combattants du Hezbollah pour combattre Daesh et défendre le régime de Bachar el-Hassad ne fait pas l’unanimité au sein du Parti de Dieu. L’opposition syrienne dénonce Téhéran comme étant responsable du maintien au pouvoir du dictateur syrien. En Irak, la population commence à rejeter l’ingérence iranienne dans le jeu politique du pays et notamment son soutien à des gouvernements corrompus qui sclérosent la vie politique. Il est certain que l’Iran détient des relais puissants au Proche et au Moyen-Orient. Cependant, l’interventionnisme militaire nuit à son image et suscite un rejet là où l’Iran espérait apparaître en héros de la lutte contre Daesh. Ce constat appelle à repenser les modalités de diffusion de l’influence iranienne afin qu’elle ne soit pas perçue comme une puissance impérialiste.
Pourquoi assistons-nous à un rapprochement russo-iranien, mis en exergue depuis le retrait des États-Unis de l’Accord de Vienne le 8 mai 2018 ? Quel intérêt à l’Iran de renforcer ses relations avec la Russie, pays mis également à la marge de la communauté internationale depuis la crise ukrainienne de 2014 ?
Le rapprochement entre l’Iran et la Russie est un fait, mais ne doit pas être surestimé. Ces deux pays ont des objectifs convergents sur certaines thématiques qui peuvent, certes, les amener à se concerter. En matière de sécurité, Iran et Russie considèrent le terrorisme islamique, et plus particulièrement le terrorisme sunnite, comme une menace pour leur sécurité intérieure et leurs intérêts au Moyen-Orient. Aussi, Daesh incarne un ennemi commun que ces pays ont tous deux combattu en Syrie. D’un point de vue géopolitique, le maintien au pouvoir de Bachar el-Assad constitue une priorité pour Téhéran et Moscou qui y voient chacune un moyen de préserver leur influence dans cette région. L’Iran représente également pour la Russie une puissance régionale stable et structurante avec qui il faut désormais compter. Ces deux pays sont également soumis à des sanctions internationales imposées à l’initiative des puissances occidentales. Cet état de fait les contraint à trouver des canaux palliatifs pour faire valoir leurs places sur la scène internationale et leurs revendications. L’Iran au ban des nations s’est ainsi naturellement tournée vers la Russie pour assurer son approvisionnement en armes. Une consolidation des relations avec la Russie représente pour la République islamique un moyen de rompre son isolement diplomatique et économique et de faire porter sa voix au sein des institutions internationales, et notamment au sein du Conseil de Sécurité.
Toutefois, si l’Iran et la Russie peuvent s’afficher comme des partenaires sur certains dossiers, ils n’en sont pas pour autant des alliés. Historiquement, la Russie est perçue comme un pays impérialiste et dangereux pour la souveraineté de l’Iran depuis le XIXe siècle. La Russie tsariste a amputé la Perse de nombreux territoires au cours de deux guerres (1804-1813 et 1826-1828) et a développé une ingérence virulente dans le pays pour concurrencer les Britanniques qui s’implantaient dans la région. Durant la Seconde Guerre mondiale, l’URSS s’est partagée l’Iran avec le Royaume-Uni par crainte que la neutralité de l’Iran ne bascule en leur défaveur. Il est donc difficile d’imaginer que les Iraniens aient fait table rase de ce passé.
Aujourd’hui, l’Iran cherche à s’imposer comme une puissance régionale au Proche et au Moyen-Orient. De ce point de vue, la Russie est bien plus un pays concurrent qu’un partenaire. À l’inverse, du point de vue de la Russie, un rapprochement trop marqué avec l’Iran risquerait de lui aliéner de facto les adversaires de l’Iran, dont notamment les pétromonarchies du Golfe, Arabie Saoudite en tête. Au bilan, le rapprochement russo-iranien est donc un rapprochement de circonstance plus qu’une alliance naissante. Ces deux pays aux logiques différentes collaborent de manière opportuniste sans pour autant chercher à former un bloc dont le ciment ne reposerait finalement que sur un antagonisme commun avec les États-Unis.
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Les exportations d’hydrocarbures iraniennes sont, pour une large part, destinées à la Chine. Assistons-nous, en ce sens, à un « pivot vers l’Est » de Téhéran et à une redéfinition de ses prétentions géopolitiques en Asie ?
L’Iran et la Chine sont aujourd’hui de véritables partenaires sur différents plans. Sur le plan commercial, la Chine est le premier marché d’exportation du pétrole brut iranien, le deuxième fournisseur d’armes de l’Iran derrière la Russie, fournit des technologies destinées au développement du nucléaire civil et exporte massivement des produits manufacturés en Iran. Sur le plan financier, la Chine accorde des crédits à l’Iran et investit massivement dans des projets de construction d’infrastructures. Sur le plan militaire, l’Iran et la Chine coopèrent. L’Iran est observateur à l’Organisation de coopération de Shanghaï depuis 2005. Ces deux pays ont ainsi effectué des manœuvres navales conjointes avec la Russie en mer d’Oman en décembre 2019. La diversité des liens entre Téhéran et Pékin s’est notamment manifestée dans la signature en 2016 d’un partenariat stratégique complet. À bien des égards, la relation que l’Iran entretient avec la Chine est donc primordiale, voire vitale.
L’intensité de ce lien sino-iranien suit le cours de l’évolution des sanctions internationales imposées à l’Iran. À chaque fois que les sanctions s’intensifient, la Chine est l’une des seules puissances qui résiste ou tente de contourner la pression américaine, qui maintient ses échanges avec l’Iran voire qui les intensifie en profitant du vide créé par le départ des autres investisseurs.
Pour autant nous n’observons pas un réel pivot vers l’est de Téhéran, et ce pour plusieurs raisons. Pékin est devenue un partenaire stratégique menaçant pour Téhéran dans la mesure où l’Iran a développé une dépendance de facto à la Chine faute d’autres partenaires d’importance. Cette relation asymétrique altère la souveraineté et l’autonomie du pays. Aussi, l’Iran a tout intérêt à multiplier les interlocuteurs afin de contrebalancer la prééminence de la Chine dans l’économie iranienne, d’où ses tentatives récurrentes de tisser des liens solides avec l’Europe, mais aussi d’approfondir le dialogue avec les pays asiatiques. Par ailleurs, l’Iran est bien conscient que sa relation avec la Chine n’est pas inaltérable. Le soutien de la Chine envers l’Iran s’inscrit dans une vision multipolaire des relations internationales. Selon ce même principe, la Chine entretient de bonnes relations avec des adversaires de l’Iran, dont l’Arabie Saoudite et Israël. La Chine ne sacrifiera donc pas ses relations économiques avec une multiplicité de partenaires aussi importants que les États-Unis ou les pétromonarchies du Golfe pour défendre l’Iran. En définitive, une normalisation de la situation de l’Iran sur la scène internationale ne pourra pas se faire sans l’aval des puissances occidentales, quelles que soient ses démarches de redéfinition de ses priorités géopolitiques en direction de l’est.