Riyad compte développer son secteur minier pour diversifier son économie

30 novembre 2021

Temps de lecture : 5 minutes

Photo : Riyad (c) Wikicommons

Abonnement Conflits
Abonnement Conflits

Riyad compte développer son secteur minier pour diversifier son économie

par

Pays de l’Or Noir par excellence, l’Arabie saoudite dispose pourtant d’autres ressources très largement inexploitées. C’est le cas de son secteur minier, dont le potentiel est gigantesque, mais son exploitation en est encore à ses balbutiements. En effet, le Royaume dispose de pléthore de minerais métalliques et non-métalliques dans son sous-sol, dont du phosphate, de l’or, du cuivre, de l’argent, du zinc, du nickel, du lithium, mais aussi de l’uranium et des terres rares. Au total, plus de 48 minerais ont été identifiés. Le pays compte tirer profit de ces nouvelles richesses en créant un secteur minier concurrentiel, qui pourrait peser sur la scène internationale.

 

Longtemps tourné vers l’exploitation d’hydrocarbures (historiquement le pétrole et plus récemment le gaz naturel), l’Arabie saoudite dispose de ressources minières estimées à 1300 Mds USD[1]. Il n’existe, à ce jour, pas de cartographie détaillée des gisements potentiels et des réserves prouvées, les opérations de prospections étant toujours en cours par la Saudi Geological Survey (SGS), l’entité publique en charge de la gestion des ressources minéralogiques dans le Royaume.

Un sous-sol riche et encore largement inexploité

Concernant l’exploitation, elle est encore marginale et se focalise actuellement sur quelques minerais, dont le phosphate, l’or et la bauxite. En 2020, le pays a produit 13.5 tonnes d’or (production repartie sur 6 mines), 4,9 millions de tonnes de bauxite et 6.5 millions de tonnes de phosphate[2]. L’exploitation des autres minerais (cuivre, argent, nickel…) est soit très marginale, soit inexistante et il n’existe pas de statistiques officielles sur leur production.

Riyad disposerait également de minerais dits stratégiques, tels que de l’uranium, dont l’exploitation est d’importance pour mener à bien le projet nucléaire saoudien, qui prévoit la construction de deux réacteurs nucléaires, d’une puissance unitaire comprise entre 1 et 1.6 GW. Entre 2017 et 2020, la China National Nuclear Corporation (CNNC) a conjointement travaillé avec la Saudi Geological Survey (SGS) pour prospecter les ressources en uranium dans le Royaume. Si les détails sur les réserves prouvées, suite à cette exploration, sont confidentiels, le pays disposerait de quantités d’uranium suffisamment importantes pour faire fonctionner une centrale nucléaire[3].

À lire également

Nouveau Numéro : Mer de Chine, Taïwan prochaine prise ?

Un secteur minier devant servir la diversification de l’économie saoudienne

Les autorités saoudiennes comptent sur le développement du secteur minier pour diversifier l’économie du Royaume, encore très dépendante des hydrocarbures. Début 2019, l’Arabie saoudite a lancé le NIDLP (National Industrial Development and Logistics Program)[4], l’un des piliers économiques de la Vision 2030, qui constitue une première étape dans le développement du secteur minier. L’objectif, d’ici a 2030, est de créer 219 000 emplois supplémentaires dans ce secteur d’activité (pour atteindre un total de 470 000), de réduire à 60 jours le délai pour l’obtention d’une licence d’exploration et de tripler la contribution du secteur au PIB (75 Mds USD contre 26 Mds USD actuellement)[5]. Une étape intermédiaire prévoit d’avoir terminé à 50% le Geological Survey Program d’ici à 2025, programme qui consiste à recenser avec précision tous les minerais (métalliques et non-métalliques) exploitable dans le Royaume.

Concomitamment au programme NIDLP, un nouveau code minier visant à faciliter les investissements étrangers est entré en vigueur en décembre 2020[6]. L’ancien code minier, inchangé depuis 2005, n’était plus favorable aux évolutions souhaitées[7]. L’objectif de ce nouveau code minier est d’attirer davantage d’entreprises étrangères à participer au développement du secteur minier.  Pour y arriver, il est question (i) d’établir une base de données recensant l’inventaire des minerais présents dans le sous-sol saoudien[8] (ii) l’établissement d’un fond minier pour stimuler les investissements dans le secteur, (iii) la simplification des procédures pour l’obtention d’une licence d’exploitation et (iv) l’introduction de mesures financières incitatives[9].

Une ouverture progressive aux entreprises étrangères

Aujourd’hui le secteur minier est principalement dominé par l’entreprise saoudienne Ma’aden[10], détenue a plus de 65% par le Fonds Souverain saoudien (PIF)[11], qui contrôle la majorité de la production actuelle des minerais exploités. Riyad ambitionne de faire participer davantage d’entreprises étrangères pour créer un environnement plus concurrentiel afin d’acquérir une expertise et des compétences encore inexistantes dans le Royaume. Certaines sont déjà présentes dans le Royaume, comme l’entreprise américaine Alcoa Corp qui détient 25.1% de deux filiales du groupe Maaden[12], qui est active dans l’extraction de bauxite et la production d’aluminium. Dans la production de phosphate, l’entreprise américaine Mosaic Co détient 25% du site de Waad Al Shamal, situé dans le nord du Royaume, qui produit du phosphate. Enfin, l’entreprise canadienne Barrick Gold Cord détient 50% d’une Joint-venture avec Maaden pour l’exploitation d’une mine d’or[13].  Côté français, hormis le BRGM (Bureau des Recherches Géologiques et Minières) qui a un partenariat depuis 1964 avec les autorités saoudiennes, il n’y a pas d’entreprises opérant dans le secteur extractif.

Sur le plan universitaire, quelques universités offrent des cursus en géologie/ingénierie minière[14], mais une majorité des étudiants se tournent encore vers l’industrie pétrolière & gazière une fois diplômés, faute de débouchés suffisants dans l’industrie minière. Les autorités saoudiennes ambitionnent, à terme, d’offrir plus de formations universitaires dans le domaine, sans que des objectifs précis ne soit communiqués.

Plus récemment, en octobre 2021, l’entreprise australienne EV Metals Group Plc a annoncé vouloir investir 3 Mds USD dans le Royaume pour prospecter et exploiter les métaux utilisés dans les batteries des véhicules électriques[15].  Dans un premier temps, la prospection se focalisera sur le lithium, le nickel et le cobalt, des minerais dont la quantité exploitable est encore méconnue par les autorités. Ces découvertes pourraient faire de Riyad un pays incontournable dans les ressources nécessaires à la transition énergétique et numérique.

En effet, pour respecter les Accords de Paris sur le climat, la production de nombreux minéraux devra augmenter[16] et Riyad compte sur cette embellie pour participer activement à la transition énergétique et garder son rôle prépondérant sur la scène internationale.

À lire également

Russie : la géopolitique de l’énergie

Olivier Pasquier est salarié d’Électricité de France S.A. « EDF ». La présentation des documents dans cet article n’implique pas l’expression d’une quelconque opinion de la part d’EDF. La responsabilité des opinions exprimées par Olivier Pasquier dans ses articles, études et autres contributions lui appartiennent exclusivement, et la publication ne constitue pas un endossement par EDF des opinions qui y sont exprimées. Faits et opinions dans les articles présentés par Olivier Pasquier ne sont que des déclarations personnelles. L’auteur est seul responsable de tout le contenu de ses articles, y compris l’exactitude des faits, des déclarations, des ressources et ainsi de suite. EDF décline toute responsabilité en cas de violation des droits des autres parties ou de tout dommage résultant de l’utilisation ou de l’application du contenu des articles d’Olivier Pasquier.

Notes

[1] D’après une estimation faite par le Ministère de l’Industrie et des Ressources Minérales. Cette estimation aurait été réalisée en s’appuyant sur des études géologiques datant d’il y a 80 ans environ donc le chiffre est à prendre avec précaution.

[2] Maaden 2020 Annual Report pages 37,42 et 44

[3] Emma Graham-HarrisonStephanie Kirchgaessner and Julian Borger, Revealed: Saudi Arabia may have enough uranium ore to produce nuclear fuel, The Guardian, 17/09/2020.

[4] Détails sur le programme NIDLP

[5] The Annual Report 2020, National Industrial Development and Logistics Program, page 13.

[6] Baker McKenzie, New Mining Investment Law in Saudi Arabia, 15/10/2020

[7] L’ancien code minier était défavorable aux investissements étrangers notamment à cause de la contrainte d’avoir obligatoirement un partenaire local. De plus, la fiscalité minière était désavantageuse sur la question de royalties liées à l’extraction de matières premières.

[8] Il s’agit du Programme Mapping Arabian Shield en collaboration avec le BRGM

[9] Baker McKenzie, New Mining Investment Law in Saudi Arabia, 15/10/2020

[10] Voir le site internet de Maaden

[11] Madeen History

[12] Ma’aden Bauxite and Alumina Co & Ma’aden Aluminium Co.

[13] Dania Saadi, Saudi Arabia to auction mining licenses in 2022 to woo foreign investors, S&P Global, 23/06/2021.

[14] C’est le cas de La King Fahd University of Petroleum and Minerals, fondée en 1963 et située à Dammam. Initialement fondée pour former des ingénieurs pétroliers, l’Université offre aujourd’hui quelques cursus en ingénierie minière.

[15] Matthew Martin, Saudi Mining Plan Gets $3 Billion EV Boost from Australian Firm, Bloomberg, 12/10/2021.

[16] La production de cuivre de 40%, celle de nickel & et de cobalt de 60% et celle de lithium de 90%, Saudi Gazette, Saudi Arabia emerging as a major mining investment destination, 03/09/2021.

Temps de lecture : 5 minutes

Photo : Riyad (c) Wikicommons

Vous venez de lire un article en accès libre

La Revue Conflits ne vit que par ses lecteurs. Pour nous soutenir, achetez la Revue Conflits en kiosque ou abonnez-vous !

À propos de l’auteur
Olivier Pasquier

Olivier Pasquier

La Lettre Conflits
3 fois par semaine

La newsletter de Conflits

Voir aussi

Pin It on Pinterest