Puissance russe, papauté, conflits contemporains, formation des officiers, nazisme. Aperçu des livres de la semaine.
Russie
David Teurtrie, Russie le retour de la puissance, Dunod, 2024, 9,90€
Depuis plusieurs années la Russie est engagée dans un mouvement de retour de la puissance, qui culmine avec l’attaque de l’Ukraine. L’architecture post guerre froide semble remise en cause par une Russie qui tient bon face aux sanctions économiques, notamment grâce à ses alliés de fait en Asie, telle la Chine. L’auteur analyse les clés de voûte de la puissance russe, le fonctionnement de son économie, le rôle des hydrocarbures. La question de fond étant celle de l’adéquation entre la volonté de puissance et les moyens disponibles. Ce retour de la puissance doit beaucoup à Vladimir Poutine. Reste à savoir ce que la Russie deviendra après lui et comment le gouvernement russe pourra préparer la succession. David Teurtrie aborde toutes ses questions fondamentales pour comprendre la Russie et réaliser comment l’Occident a sous-estimé ses capacités de résilience et d’adaptation.
Contre l’Empereur
Xavier Maréchaux, Pie VII, le pape qui défia Napoléon, Passés Composés, 2024, 23€
Au lendemain de la Révolution française, Barnaba Chiaramonti est élu en tant que successeur sur le trône de saint Pierre. Pourtant simple bénédictin, son ascension est fulgurante et le jeune Pie VII (57 ans, alors que la moyenne d’âge des participants est de 65 ans en 1800) se voit alors confronté à une mission tendue dans une Europe remodelée : conserver son pouvoir spirituel mais aussi temporel. Confronté aux idéologies de la Révolution française et aux volontés territorialistes de ses voisins (Napoléon, François II, Ferdinand IV, etc.), Pie VII mènera une lutte acharnée pour défendre les intérêts de Rome et du Saint-Siège.
À travers cet ouvrage biographique, Xavier Maréchaux retrace la vie du pape qui défia Napoléon, de sa formation monastique chez les bénédictins à son rôle clé lors du Congrès de Vienne.
Saint-Cyr
Morgane Barey, Enseigner la guerre, former les chefs, 1918-1945, Perrin, 2024, 25€
Si au lendemain de la défaite de 1870 l’armée française a su remettre en question la formation de ses cadres et ainsi refonder l’enseignement supérieur des officiers, la Première Guerre mondiale montre un tout autre effet sur le système de formation militaire français. En effet, les lendemains de la Grande Guerre ne marquent quasiment aucune avancée majeure pour les grandes écoles militaires, ce que déplorent déjà certains officiers. Qu’ils s’agissent des écoles de formation initiale (ESM Saint-Cyr, École navale, École de l’air) ou des écoles d’application, la formation humaine, militaire et physique, le manque crucial de mise à jour à la suite de la victoire de 1918 les plonges dans une crise sociale et militaire qui préfigure la débâcle de 1940.
À travers son ouvrage, Morgane Barey explique les crises qui frappent la formation des officiers de l’armée française tout au long de la première moitié du XIXe siècle.
Occupation
Pierre Abou, Le cercle des chacals, le Paris outragé d’Ernst Jünger et des nazis “francophiles”, Éditions du Cerf, 2024, 25€
Dès juin 1940, la défaite de la France semble complète. Paris, ainsi que la moitié du territoire français, tombent sous le contrôle de l’occupant nazi. Quatre-vingts ans plus tard, cette période de cohabitation forcée au sein de la capitale française est souvent mal connue du grand public et reste sujette à de nombreuses interprétations.
Pierre Abou relate ici la vie parisienne du haut commandement nazi, se fondant notamment sur de nombreuses archives inédites pour démasquer les mythes et les contrevérités. Il s’appuie notamment sur l’étude de trois personnages : Hans Speidel, chef d’état-major du Militärbefehlshaber in Frankreich (le bureau des forces allemandes d’occupation), Ernst Jünger, écrivain allemand, et Werner Best, l’un des membres les plus influents du mouvement SS. À travers leur histoire, c’est une mise au pas de la France et le système d’occupation qui est démontré.
Géopolitique des conflits
Sous la direction de Béatrice Giblin, Les Grands conflits contemporains, une approche géopolitique, Armand Colin, 2024, 24,90€
« Faire de l’analyse géopolitique d’un conflit nécessite de confronter les représentations géopolitiques antagonistes des adversaires. » Face à la recrudescence des crises, face à la multiplicité des facteurs, l’histoire et la géographie semblent essentielles pour conserver un esprit critique au milieu des urgences qui nous entourent.
Que ce soit au sujet des territoires, autour de l’eau, des frontières, des ressources minières, ou encore du cyberespace, ce livre propose une compréhension des rivalités à différentes échelles.
Un livre d’autant plus intéressant, qu’il s’appuie sur des exemples de crises qui nous entourent, bien entendu l’Ukraine et Israël, mais également la frontière Mexique-États-Unis, la guerre des territoires à Marseille, les conflits écologistes à Saint-Soline, ou encore la question de l’unité nationale en Espagne et la transition bas-carbone.
Inspiré par la revue Hérodote, cet ouvrage reprend les méthodes d’analyse héritées d’Yves Lacoste. Contrairement à beaucoup qui utilisent le mot « géopolitique » de façon galvaudée, ici, il est pleinement justifié par la méthode employée, à savoir l’étude à différentes échelles et l’étude des représentations. Les conflits inter-étatiques sont bien évidemment étudiés, notamment la guerre Ukraine / Russie, mais aussi les conflits territoriaux à échelle nationale ou locale : Marseille et la guerre des gangs, Saint-Soline et les écologistes. Un ouvrage à lire autant pour son contenu que pour la méthode déployée.
