[colored_box bgColor= »#f7c101″ textColor= »#222222″]Cette recension a été publiée dans le numéro 1 de Conflits. Si vous souhaitez acheter ce numéro au format numérique, rendez-vous sur la e-boutique de Conflits en cliquant ici.[/colored_box]
C’est l’histoire d’un islamologue ultra-médiatique qui part à Alep en guerre, inspiré par les écrits de l’écrivain Jonathan Littell, l’auteur des Carnets de Homs.
On connaissait Jean-Pierre Filiu, l’homme aux innombrables casquettes : ancien diplomate en poste en Syrie à la fin des années 1990, historien, universitaire arabisant, grand amateur de flamenco, auteur d’une biographie de Jimmy Hendrix, parolier du groupe Zebda, scénariste de BD… Cette fois-ci, Jean-Pierre Filiu nous dévoile au grand jour sa fougue d’intellectuel engagé dans la pure tradition malrucienne revisitée par Bernard-Henri Lévy.
Dans son récit écrit à l’encre d’une urgence où l’émotion sert de fil conducteur, Jean-Pierre Filiu s’improvise porte-parole de cette « révolution syrienne », de ces hommes et de ces femmes qui ont choisi de résister à la barbarie des Assad. Premier bémol, si l’auteur se vante de « nous écrire d’Alep », on regrettera qu’il n’ait séjourné qu’en zone rebelle (presque deux tiers du grand Alep), se privant ainsi du témoignage des habitants demeurés dans les quartiers loyalistes. Un constat qui vaudra une petite phrase de regret de sa part.
Les personnages de son récit, quant à eux, ont tout pour conquérir les esprits chagrins, pour qui l’opposition syrienne est otage des haines confessionnelles. Aussi, on n’y trouve quasiment aucun barbu, mais des hommes et des femmes attachants, paisibles citadins plongés dans l’horreur de la guerre, des gens honnêtes et courageux épris de justice et de liberté, résistant avec les moyens du bord au feu tout-puissant de l’armée régulière. Il y a aussi les héroïques responsables municipaux qui se posent en rempart face à l’anarchie des milices. Pas d’islamistes en armes donc. Sauf quelques combattants djihadistes, que l’auteur décrit comme des primates avides de sexe, opportunistes et ignorants.
Coincé entre le marteau du régime et la faucille des combattants djihadistes, ce petit peuple en armes est le héros d’une fresque maîtrisée où aucune nuance ne peut être tolérée. L’armée syrienne libre a le beau rôle et les habitants d’Alep mènent un combat sur tous les fronts : celui qui les oppose aux troupes loyalistes, aux djihadistes et aux pillards de toute sorte. Dont ils sortent vainqueurs comme l’ASL – ce que les événements actuels ne semblent pas confirmer !
Le BHL qui sommeille chez le professeur Filiu se réveille à intervalles réguliers lorsqu’il est question de dénoncer le silence de la communauté internationale, pays occidentaux en tête. Cette non-intervention ouvrirait tout un boulevard aux pays du Golfe, eux-mêmes en rivalité dans leur soutien aux groupes islamistes. Trop beau ou presque pour sonner vrai, on aimerait y croire, tout comme à sa lancinante indignation face à la passivité internationale dans le désastre humanitaire syrien qu’il dénonce de toute son âme.
On l’aura compris, dans cette compétition effrénée que se livrent les orientalistes parisiens assoiffés de gloire et de reconnaissance, les places sont chères. Avec ou sans espoir pour un Moyen-Orient débarrassé de ses vieux démons, Jean-Pierre Filiu, dont le rythme des parutions va croissant depuis 2011, a au minimum trouvé dans le conflit syrien sa guerre d’Espagne.
J. B.
Jean-Pierre Filiu, Je vous écris d’Alep. Au cœur de la Syrie en révolution. Denoël, 2013, 160 pages, 13,50 €
Crédit photo : dysturb via Flickr (cc)
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